Faure Gnassingbé (d) et son Beau-frère Abalo Félix Kadanga respectivement ministre de la Défense et Chef d’État Major des Armées | Photo : DR
Faure Gnassingbé (d) et son Beau-frère Abalo Félix Kadanga respectivement ministre de la Défense et Chef d’État Major des Armées | Photo : DR

Par Jacob Ata-Ayi

Jefferson (Thomas), Écrivain politique et homme d’État américain (1743-1826): «Si tu es prêt à sacrifier un peu de liberté pour te sentir en sécurité, tu ne mérites ni l’une ni l’autre.»

L’opposition togolaise n’a pas encore bien compris ni l’enjeu ni la nature de la dictature du clan Gnassingbe. Comprendre le Togo d’aujourd’hui c’est penser l’armée et la mentalité autoritaire sous le couvert de la démocratie apaisée. Le rêve d’Eyadema et de ses héritiers est de créer un état militaire capable de reproduire par l’intermédiaire d’hommes qui, bien que ne portant pas l’uniforme, ont une mentalité structurée par le modèle militaire. Eyadema était en guerre contre les civils et les populations du sud et cette guerre s’est généralisée à tout le peuple pour créer une dynastie familiale. Ceux qui n’ont pas la mentalité militaire sont devenus ces ennemis à abattre. Ce qui sous-entend soumission la plus absolue sans discussion aucune des ordres reçus. Servir l’intérêt absolu du clan au risque de se voir discréditer, humilier, jeter à la pâture au peuple sur des accusations que les rumeurs successives de détournement de biens public, complot contre la sûreté de l’état, trafique de drogues, de stupéfiants ou saboteurs économiques du pays.

Mieux connaître la mentalité militaire permet d’aussi de mieux comprendre les mécanismes psychosociologiques qui font des démocrates des victimes faciles de l’autoritarisme. La violence détruit l’état de droit et les principes de tolérance et de paix. Comment expliquer le passage brutal d’une tradition démocratique au début de l’indépendance du Togo républicain à une dictature militaire régionaliste et fasciste? Comment expliquer toujours et encore, la nature actuelle du pouvoir des enfants d’Eyadema? Refus catégorique d’alternance politique, du partage du pouvoir pour une sortie de crise politique et une relance économique du pays.

1*Comment s’est produit le processus d’éclatement de la démocratie togolaise?

La jeune nation togolaise n’avait pas les atouts d’une puissance pour résoudre tous les problèmes d’un état indépendant.
*L’existence d’une crise sociale et économique durable, qui entraîne le discrédit de la classe politique.
*L’impuissance de la classe politique et sa démission progressive devant l’étendue et la complexité des problèmes à résoudre.
*Le manque de symbole de cohésion sociale et spirituelle de la communauté nationale.
*Le manque de concertation entre les démocrates eux-mêmes, y est pour beaucoup de chose.
La peur du désordre, de l’indépendance politique réel de Togo vis à vis de la France, de l’amorce du choix des projets économiques viables pour le bonheur du peuple Togo, servira de prétexte à une intervention musclée des secteurs antidémocratiques, qui a poussé à un coup d’état et à l’émergence d’un homme fort, manipulable et qui devrait obéir comme à l’armée aux ordres des colons. Comme Eyadema faisait partie de l’armée française et a fait la guerre coloniale, alors le choix s’est porté facilement sur lui.

2*L’analyse de la nature de la dictature et de la stratégie d’Eyadema

L’analyse approfondie de la nature et des fonctions de l’armée et de la mentalité militaire. Je me propose d’exposer:
Les caractéristiques de l’Institution militaire
Les caractéristiques de la mentalité autoritaire
Les caractéristiques du dictateur
Les antidotes qui pourraient servir à combattre l’autoritarisme.
Je ne voudrais pas donner l’impression que mes écrits relèvent d’un quelconque antimilitarisme primaire ou démodé. En effet dans le monde, aux États-Unis, au Portugal, en France, au Ghana, au Burkina Faso, le comportement de certains militaires (officiers et soldats) ont permis en association avec les civils à organiser une société vivante et viable. Mais au Togo nous sommes malheureusement tombés dans le cas négativement abyssal où la souffrance du peuple, l’autoritarisme est arrivé au firmament de la souffrance collective.

A* L’armée togolaise une institution devenue revancharde

Au début de l’indépendance, la naissance de l’armée togolaise est nationale, toutes les populations du Togo peuvent se retrouver, les officiers étaient recruter sur toute l’étendue du territoire pour servir le pays. Actuellement les ¾ des officiers sont de Pya, le village d’Eyadema, les commandements sont soit aux mains des enfants de la famille ou par alliance. L’armée s’est repliée sur elle-même, avec des discours régionalistes, elle est silencieuse, secrète, hermétique dans son commandement. Comme elle n’a pas de victoire de guerre à célébrer, elle se contente de célébrer des dates fabriquées par le clan (13 Janvier, 2 février, 24 avril, 23 septembre). Elle a développé son arrogance et son mépris du civil. Elle a entretenu avec soin une légende autour de son caractère professionnel, et de son obéissance au pouvoir civil, alors qu’à son sein les officiers alimentaient l’esprit de revanche et la peur du changement social et politique. L’armée togolaise est devenue de par sa propre nature, mais aussi à cause de l’incompréhension du monde civil et politique, une armée revancharde par une minorité d’une centaine d’officiers et de sous officiers qui monopolisent les commandements. Au Togo depuis 50 ans une séparation entre la société civile et les forces armées. Les militaires vivent entre eux, et cultivent l’amalgame que les civils sont leurs ennemis, tandis que les civils sont restés dans l’ignorance, parfois légèrement méprisante de la fonction militaire. Le processus d’auto exclusion de l’armée togolaise s’est accompagné de deux phénomènes qui se sont développés progressivement et parallèlement:
* La dénationalisation de la doctrine militaire.
* La pseudo-Professionnalisation de l’armée.
La doctrine de la sécurité nationale est la justification de l’état militaire, de la destruction de la démocratie, parce qu’intitule, l’élimination de la société civile et politique parce que contaminée.

* CARACTÉRISATION DE LA STRUCTURE MILITAIRE

Première constatation: L’armée est de par son organisation et son idéologie, antidémocratique.
Deuxième constatation: les militaires forment une sous-culture, d’une société à part, bien différenciée de celle du monde civil.
Militaire: (égalitaire, homogène, autoritaire, obéissante, monolithique, guerrière, technique, verticale, centralisée, fermée et secrète).
Civil : (hiérarchisé, hétérogène, démocratique, libre, indépendante, pluraliste, pacifique, politique, plus horizontale, plus décentralisée, ouverte et publique)
Troisième constatation: la finalité de l’armée c’est de faire la guerre et de réfléchir à la stratégie de la guerre. L’armée doit former des hommes capables de tuer avec efficacité, capable de mourir aussi pour un objectif militaire et disposés à obéir sans hésitations aux ordres d’un supérieur.
Quatrième constatation: l’armée forme une caste dont les principaux traits sont l’esprit de corps, les symboles, les grades et le sentiment d’élite.
Cinquième constatation: la primauté des valeurs telles que l’honneur, la supériorité, la virilité, le courage physique, l’esprit de sacrifice, la loyauté à l’égard de l’institution et de ses chefs et le rejet des valeurs civiles.
Sixième constatation: l’anti-intellectualisme de l’armée. L’organisation militaire n’accepte pas des critiques, de s’exprimer ou de contredire en son sein. Il s’agit bien d’une impossibilité réglementaire, l’organisation n’accepte pas non plus le libre exercice de la pensée, ni le doute, car le propre du militaire est de donner des ordres et non d’y réfléchir! Les ordres ne se discutent pas.

EYADEMA OU LE DÉLIRE MILITAIRE

Eyadema n’était pas un simple épiphénomène. Il était là, au moment opportun, pour prendre le pouvoir. C’est un sergent qui n’a rien de particulier, s’il n’avait pas pris le pouvoir, il serait resté dans le civil en tant que retraité militaire de la guerre coloniale. L’aphorisme (l’occasion fait le larron) s’applique à Eyadema. Ensuite il s’est habitué au pouvoir. Mieux encore, il a respecté une règle de la théorie autoritaire du pouvoir, celle qui consiste à ne jamais partager le pouvoir. Eyadema incarnait un paradoxe: d’une part il était l’antipolitique et d’autre part il se révélait un politicien rusé. C’est justement là qu’on peut observer les caractéristiques de l’attitude militaire «réussie»: la persévérance dans l’erreur, la sous-estimation de «l’ennemi»(civil), le conservatisme du rôle personnel, les tendances mystiques, le mépris de l’intelligence, l’insensibilité devant la souffrance ou la mort d’autrui et une foi absolue dans la force brute considérée comme une méthode supérieure.

Tout ceci faisait d’Eyadema un mauvais général, certes, mais un antipolitique redoutable. Cependant, deux autres traits vont permettre à Eyadema de mettre en échec pendant longtemps toute la classe politique togolaise. Une énorme capacité de simulation et de ruse pendant les moments d’instabilité et surtout la maîtrise de la force et l’application brutale des décisions prises à travers cette force bestiale.

L’INSTAURATION DE LA DÉMOCRATIE

La défense des valeurs démocratiques doit être un combat de tous les jours. La liberté, le pouvoir, et la planification démocratique exige une éducation politique des citoyens qui puisse être capable de souligner et de faire comprendre les menaces antidémocratiques, les ressources et les techniques, sur lesquelles elles s’appuient. Les socialistes, les conservateurs, les libéraux (ANC, CAR, CDPA , et autres partis et résistants intérieurs et de la diaspora) devraient s’unir sans tenir compte de leurs différences devant l’existence d’un ennemi commun. Les ennemis les plus dangereux de la démocratie et du sous développement se sont des aventuriers militaires qui veulent détruire les structures de la nation démocratiques, afin de mettre en place une tyrannie avec l’aide de la populace.

LES RUMEURS, MATIÈRE DE GESTION POLITIQUE DU CLAN GNASSINGBE

Les frères Gnassingbé marchent sur le pas du papa Eyadema pour servir à nouveau aux citoyens togolais, la rumeur, la manipulation de l’inconscient collectif pour régler des comptes politiques.

*La force de la Rumeur des coups d’état au Togo
La rumeur véhicule la calomnie, la diffamation et les bobards les plus fous, les mensonges les plus cruels et parfois aussi de bonnes nouvelles. Elle est la religion des fourbes, des dictateurs, des vieilles filles. Elle se plie à toutes les fantasmagories des illuminés et nourrit les indiscrets et les bavards des potins de la petite république du Togo. Elle naît des fois des arrières boutiques, des rendez-vous, d’ateliers, des cabines de prêt-à-porter, à Lomé II et autres lieux du pouvoir, avec des femmes du pouvoir et des sujets pour glorifier le clan Gnassingbe, ou pour servir d’alibi à l’assassinat de valeureux citoyens. La rumeur traverse Lomé pour Kara, de Kara pour Dapango, de Dapango à Aného, avant de prendre les vols à destination de l’Europe, l’Amérique et le reste du monde pour la diaspora togolaise. Elle s’enfle, gagne les cafés, les bureaux, tous les lieux de rencontre des grandes villes, et sonne le compte à rebours pour les arrestations des universitaires, des prêtes, des religieuses, des officiers, des fonctionnaires de haut niveau, des commerçants, des banquiers. On découvrait à la télévision quelques officiers et officiels, pour annoncer à la paisible population togolaise, le complot ourdi contre la sûreté de l’état, contre le peuple togolais. Parce que le clan Gnassingbe représentait et représente à lui seul l’entité du peuple togolais. À ce titre, celui qui pense ou conçoit la perte du pouvoir par le clan Gnassingbe est un criminel Plusieurs fois au cours de son règne ensanglanté, de nombreux citoyens ont perdu la vie, leur travail, leur cécité, ou sont devenus invalides à vie à cause des mensonges du clan Gnassingbé pour prévenir et semer la terreur au sein de la population.

Le clan arrivait à avoir facilement des aveux sous des tortures barbares, inhumaines. Les familles étaient salies, les femmes en pleurs se livraient aux bourreaux de leurs maris, de leurs frères pour implorer le pardon. Chaque faux coup d’état annonçait le durcissement de la politique, la provocation délibérée de la fuite de certains intellectuels gênants, l’adhésion par peur de la couche sociale pour soutenir la dictature sur des vies brisées dans plusieurs familles. Le peuple devait croire à la parole mensongère, sans que lui-même ou son entourage puisse apporter la moindre preuve et le moindre mobile des arrestations et des assassinats.

Après la rumeur des experts.
On exhibe à la télé des témoins anonymes et connus ou des militaires en civils pour apporter la preuve de l’accusation. On assistait à un défilé de dignitaires du régime (ministres, officiers, préfets, chefs traditionnels, les ailes marchandes du rassemblement du peuple togolais). Ces officiels devenaient des experts pour avaliser les preuves, jugent et condamnent. Il y a un cocktail explosif d’une justice aux ordres, d’un mauvais jugement, d’un mauvais procès. Bref, une parodie de justice pour l’opinion internationale sans apporter la preuve de l’accusation pour celles et ceux qui ont survécu aux tortures, à l’exécution extrajudiciaire.

Les manifestations:


Les préfets de toutes les régions entraient en jeu, par les manifestations monstres obligatoires, pour apporter leur soutien à la vigilance du clan Gnassingbe, pour sa clairvoyance pour barrer la route aux ennemis de la nation. Plusieurs préfets, officiers et officiels profitèrent pour régler des comptes à leurs ennemis. Quand le général avait besoin d’un soutien populaire, il fallait sacrifier quelques universitaires et paisibles citoyens pour la joie du Guide. Telle est la force terrible et malfaisance de la rumeur du coup d’état au Togo, du bruit qui court, du racontar assassin, que rien n’arrête. Cette rumeur ne trompe plus les citoyens togolais, parce qu’Eyadema en a tellement abusé que le peuple a fini par comprendre l’annonce des coups d’état. Cette purge a touché toutes les familles, a fait des orphelins dans tous les milieux. Le malheur était devenu général. Pendant ce temps le peuple est occupé à pleurer ses parents disparus, et le pouvoir est tranquille dans ses bottes jusqu’à la prochaine annonce, suite à des difficultés économiques et financières du pays.

Le complot économique.


Tous les présidents des pays occidentaux parcourent le monde pour trouver des contrats pour permettre à leur pays de créer des emplois, d’investir pour développer les usines, créer des laboratoires pour faire des recherches. Notre pays fait l’exception dans ce domaine, même en Afrique. La petite richesse du pays est répartie par le clan à ses amis de l’intérieur et de l’extérieur au détriment du valeureux peuple togolais. Les appels d’offre sont gagnés par les mêmes, qui n’effectuent jamais les travaux ou l’effectuent à moitié et surfacturent le reste, créant sur leur passage des dettes intérieures colossales à payer par le peuple togolais. Tout est contrôlé par le clan. Après la faillite de plusieurs sociétés d’état, des banques en difficulté, le seul enjeu d’appétit qui reste est «le port du Togo». Ces prédateurs de nos économies circulent librement du nord au sud à bord de leurs suv, 4X4, flambants neufs, où parents, femmes et enfants se pavoisent sur des routes non bitumées. Alors que les paysans (cabié, éwé, mina, kotocoli, moba, ouatchi, etc.) n’ont pas réussi à faire deux repas par jour.

LES RECETTES POUR UNE DÉMOCRATIE DURABLE

1* Le dépassement de l’individualisme primaire.
2* Il faut démocratiser les institutions sociales de l’État.
Il faut démocratiser l’ensemble de la société.
3*Préparer la famille à jouer son rôle éducatif et civique. Nul n’ignore l’importance de l’unité familiale dans la formation des attitudes politiques et sociales. 4*Développer la tolérance démocratique (càd la volonté intégrative et ouverte vers autrui)
5*Refuser avec force l’achat des consciences, la politique du ventre sous couvert d’un vocable politique apaisé, et la phagocytose de quelques leaders dits de l’opposition pour tromper la vigilance de l’extérieur (l’union européenne, des ONG des droit de l’homme).
6*Donner des gages aux victimes par la justice en jugeant les criminels de sang qui circulent tranquillement sur les routes du pays.
7*Organiser à l’instar de l’Afrique du Sud, une politique de reconstruction nationale pour permettre au Togolais de renouer une confiance mutuelle dans l’autre, qu’il soit (cabié, kotokoli, éwé, mina, moba) pour la paix de nos cités et de la nation.

Pour conclure, je voudrais rappeler que la théorie de l’état militaire de notre pays se résume à l’esprit brutal de l’autoritarisme qui couve sous ses cendres: La mentalité bornée du plus fort, la rhétorique régionaliste et tribalisme, l’intolérance, la psychopathologie du pouvoir.
Togolaises, Togolais, soyons libres et démocratiques, en esprit et en comportement et nous vaincrons l’autoritarisme d’Eyadéma en héritage à ses enfants. Soyons des travailleurs intemporels contre la dictature pour le bien-être du Togo.


Paris, France
Jacob Ata-Ayi

LAISSER UNE RÉPONSE

Please enter your comment!
Please enter your name here