Le Togo au Conseil de sécurité des Nations Unies, c’est la nouvelle du week-end, peut-être même de l’année, et certainement du mandat de Faure Gnassingbé. Notre pays a été élu, vendredi, membre non permanent de l’institution onusienne, tout comme le Maroc, le Guatemala, le Pakistan. Ils seront rejoints par la Slovénie ou l’Azerbaïdjan qui doivent être départagés aujourd’hui. Après neuf (09) tours, aucun des deux pays n’a réussi à obtenir la majorité requise. Les cinq (05) nouveaux lauréats viendront remplacer la Bosnie, le Liban, le Brésil, le Gabon et le Nigeria et rejoindre les cinq autres membres non permanents dont le mandat s’achève à la fin de 2012 : la Colombie, l’Allemagne, l’Inde, le Portugal et l’Afrique du Sud, pour un mandat de deux (02) ans qui démarre le 1er janvier 2012.
 
…Comme un visa pour le paradis
 
Visiblement, le Togo officiel serait tombé malade si notre pays n’avait pas été élu au Conseil de sécurité des Nations Unies à l’issue du vote. C’était un délire total dans la salle de l’Assemblée générale dans les rangs des émissaires du Togo. La délégation togolaise a bondi de joie à l’annonce des résultats. « Le ministre des Affaires étrangères, Elliott Ohin, le ministre conseiller à la Présidence chargé des dossiers diplomatiques, Koffi Essaw, les ambassadeurs auprès de l’Onu, à Washington et à Paris, Kodjo Menan, Kadangha Limbiyé Bariki et Calixte Batossie Madjoulba avaient du mal à contenir leur émotion », rapporte republicoftogo.
 
A Lomé c’est également la joie. « Nous sommes honorés et privilégiés de rejoindre un organisme si estimé et avons hâte de pouvoir contribuer de façon positive à son oeuvre pour le maintien et la promotion de la paix et de la sécurité internationales », aurait réagi Faure Gnassingbé, chez nos confrères de TF1. Les médias officiels ont fait le reste. C’était un déluge de titres et d’éditoriaux sur le site d’intox. Charles Debbasch alias Koffi Souza et Robert Dussey y sont allés de leurs plumes. « Le Togo enfin membre du Conseil de Sécurité », « La reconnaissance de la communauté internationale », « Le Togo dans le gouvernement mondial », ce sont là des titres aux contenus laudatifs à l’égard de Faure Gnassingbé. Morceaux choisis : « C’est gagné » ; « Qui l’aurait cru? » ; « Quel succès ! Quel mérite! » ; « Oui le Togo est mûr. Il est, grâce à la vision et à l’action internationale du Président Faure Gnassingbé, un acteur africain principal dans les missions de paix à travers le monde et précisément en Afrique. C’est un honneur pour tout Togolais de voir son pays jouer un rôle essentiel dans les décisions importantes à venir » ; « La Communauté internationale, précisément les Nations Unies ne pouvaient pas ne pas tenir compte de la disponibilité du Togo à consolider la paix dans le monde et en particulier en Afrique ». On parie que la date du 21 octobre sera inscrite dans l’agenda du pouvoir en place et célébrée chaque année.
 
Choisi sur le fil
 
Si cette élection du Togo est brandie par le pouvoir en place comme une victoire, il y a tout de même des senteurs d’échec, au regard des conditions difficiles dans lesquelles ce résultat a été obtenu. Et on est même tenté de croire que la candidature du Togo n’avait pas trop séduit les votants, et que certains soutiens déclarés au dossier n’étaient que de façade.
 
Le Togo élu avec une « confortable majorité », c’est l’appréciation que font les suppôts du régime de cette élection. La fameuse majorité confortable, c’est 131 voix, sur 193 votants. Cela doit être conçu comme un exploit, pour les non avertis ; mais en réalité il n’en est rien. Pour être élu, c’est la règle, le candidat doit requérir les 2/3 des suffrages des membres présents à l’Assemblée générale ; et dans le cas de cette 66e assemblée, 129 voix. Notre pays n’aura donc fait que légèrement mieux, soit deux voix de plus que les 2/3 requis. Et en plus au…3e tour, en rivalité avec la…Mauritanie, un pays dont l’Histoire récente est faite de coups d’Etat !!!
 
Et pourtant les officiels n’ont cessé de rebattre les oreilles des citoyens que le Togo avait rallié le soutien de presque tous les votants, tant des institutions africaines que des pays européens, asiatiques et autres. En Afrique on parlait notamment de l’aval de l’Union économique et monétaire ouest africaine (Uémoa), de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (Cédéao), de l’instance continentale l’Union africaine, la crème des institutions du continent, et de « nombreux » pays européens, d’Asie et d’Amérique. Elliot Ohin parlait la veille de l’élection « des soutiens fermes que nous avons reçus de la Cédéao, de l’Union africaine, des ACP et de nombreux pays à travers le monde ». Avec autant de soutiens, on croyait que l’élection du Togo ne devrait être qu’une formalité, et acquise dès le premier tour. Mais c’est le Maroc, qui n’avait pourtant pas le soutien de l’Union africaine, qui s’en est tiré au premier round, avec 151 voix. Une vraie « majorité confortable ». Et il a fallu aller au 3e tour avant que notre pays ne se défasse de la Mauritanie. Sûrement que c’est le lobbying dans tous les sens du terme – avec espèces sonnantes et trébuchantes cela s’entend – qui a fait la différence.
 
Au demeurant il se pose alors la question de savoir si les fameux soutiens avancés par Lomé n’étaient pas juste que de l’arnaque intellectuelle, ou si ces pays et institutions n’avaient déclaré leur aval que pour flouer le pouvoir togolais et qu’en réalité la candidature de notre pays n’avait pas emballé grand monde.
 
Avancée démocratique, ou participation aux missions de maintien de la paix ?
 
Ils doivent être nombreux, les citoyens à se demander ce que le Togo a bien pu mettre dans la balance pour séduire les votants. Les griots du « Leader nouveau » eux, n’y voient rien d’autre que le fruit d’une certaine politique de réformes et de démocratisation entreprise par Faure Gnassingbé. « Le Togo a fait d’immenses progrès sur la voie de la démocratie et de la réconciliation nationale. L’accord conclu avec l’opposant historique Gilchrist Olympio et son parti l’UFC est un modèle pour tous les Etats qui sont rongés par des dissensions internes. Il est significatif qu’au moment du vote c’est le ministre OHIN membre de l’UFC qui représentait le Togo à l’ONU », évoque en prime Koffi Souza dans son édito. C’est le contraire qui aurait étonné. On voit en cette élection « la reconnaissance par l’ONU des efforts engagés par le Togo en matière de promotion de la démocratie, des droits de l’Homme et de la bonne gouvernance ». Au-delà de ces dithyrambes, l’atout du Togo, c’est sa participation aux opérations de maintien de la paix à travers le continent africain. Point barre!
 
« Les sièges non permanents reviennent, selon les textes des Nations Unies, aux pays les plus impliqués dans les opérations de maintien de la paix – ce qui est le cas du Togo en Côte d’ivoire, au Soudan et au Tchad », avait énoncé depuis le 3 octobre republicoftogo. « La charte des Nations Unies dispose dans son article 23 que lors du vote, l’Assemblée générale tient spécialement compte, en premier lieu, de la contribution des Membres de l’Organisation au maintien de la paix et de la sécurité internationales et aux autres fins de l’Organisation », indique aussi Koffi Souza dans son édito. Le Premier ministre togolais Gilbert Houngbo l’avait d’ailleurs chanté à la Tribune des Nations Unies à l’ouverture de cette 66e assemblée générale. « Mon pays, depuis de nombreuses années, participe aux opérations de maintien de la paix de l’ONU et est actuellement engagé dans les missions en Côte d’Ivoire et au Soudan », avait rappelé à l’Assemblée le Premier ministre de décor dans son discours lobbying, pour susciter la clémence des votants, et de promettre, comme au cours d’une campagne électorale : « S’il y était élu, le Togo mettrait l’accent sur la diplomatie préventive et le règlement pacifique des conflits qui ont depuis toujours constitué le socle de sa politique étrangère sans oublier la lutte contre les fléaux que nous avons mentionnés plus haut ainsi que les nouvelles menaces à la paix et à la sécurité internationales ».
 
L’Ambassade de France au Togo dans son communiqué de félicitation au terme du vote reconnaît justement que « cette élection est la reconnaissance de l’engagement du Togo dans les missions de maintien de la paix à travers le monde et dans la promotion des valeurs prônées par l’ONU », c’est-à-dire la paix et la sécurité après des périodes de conflit, juste à travers leurs participations aux opérations de maintien de la paix et de la sécurité, et pas dans les actes quotidiens de gouvernance. Les tortures prohibées par les instruments internationaux, les privations de liberté, l’une des toutes premières valeurs prônées par l’ONU sont encore bénites au Togo. Illustrations avec les révélations de tortures au cours du procès Kpatcha Gnassingbé, et la séquestration jeudi dans sa maison, du leader de l’Alliance nationale pour le changement (Anc) Jean-Pierre Fabre.
 
Ce n’était visiblement pas gratuit que le Togo accepte participer aux différentes missions de maintien de la paix sur le continent, et surtout qu’il ait pris le risque d’assurer le commandement de l’opération militaire onusienne de délogement de Laurent Gbagbo, par le biais du Général Béréna Gnakoudè, rôle que beaucoup de pays ont fui. Tous les autres arguments avancés par les griots du pouvoir, genre avancée démocratique, esprit de réconciliation et machin ne sont visiblement que saupoudrage et arnaque intellectuelle pour épater les esprits faibles. Si non les pays vitrines démocratiques sur le continent et dans la région ouest africaine sont connus, et ce sont eux que visitent les grands du monde, Barack Obama, Nicolas Sarkozy et autres quand il leur arrive de fouler le sol africain. « C’est drôle que Faure Gnassingbé soit présenté comme un grand démocrate, l’apôtre de la paix, le réconciliateur hors pair, le chantre de la bonne gouvernance, mais ne rafle pas les nombreux prix mis en jeu, du genre Prix Nobel de la Paix, Prix Felix Houphouet Boigny…», se gausse un ancien fonctionnaire international.
 
Bon, et après l’élection ?
 
A présent le Togo est – enfin – au Conseil de sécurité des Nations Unies, une « consécration » pour Faure Gnassingbé, et c’est parti pour deux ans. Mais la question se pose désormais de savoir l’intérêt ou l’incidence de cette bonne nouvelle sur le quotidien du citoyen lambda. Question manquant de pertinence, trouvez-vous ? En tout cas c’est en ces termes que s’expriment les préoccupations des populations togolaises.
 
« Ceux qui disent qu’un siège non permanent au Conseil de sécurité n’a aucune influence ne savent pas de quoi ils parlent », a craché Elliot Ohin le jeudi 20 octobre, avant de se défendre, de façon évasive : « D’ailleurs, le Togo n’est pas le seul à postuler. De nombreux pays en Europe, en Asie ou sur le continent américain espèrent également siéger. C’est bien la preuve de l’importance de la fonction. Le Togo souhaite par sa présence au sein du Conseil apporter sa contribution à la prise de décisions et à l’adoption de mesures et stratégies susceptibles de contribuer à un monde meilleur : respect des droits de l’Homme, maintien de la paix et de la sécurité dans le monde, promotion de la démocratie, notamment ». Et comme retombées directes pour le Togo, il déclare : « C’est d’abord un honneur et un privilège de siéger au Conseil de sécurité. L’appartenance à cet organe emblématique des Nations Unies permettra au Togo de faire valoir sa position sur les grands dossiers internationaux. Enfin, le Togo pourra, sans aucun doute, tirer profit de cette position pour élargir le cercle de ses partenaires au développement dans l’intérêt bien compris de nos populations ».
 
C’est le même langage au sein du sérail, et on espère bien, au demeurant, que ce séjour du Togo au Conseil de sécurité de l’Onu ne se réduira pas qu’à la levée de la main pour voter pour lorsque la France le fait, et voter contre lorsque la France vote contre. « Le Togo ne changera pas le monde », reconnaît d’ailleurs le Conseiller diplomatique de l’« Esprit nouveau » Robert Dussey. Mais côté avantage, on ose croire que les populations tireront le maximum de profits et que cette élection sonnera le respect dans notre pays, des valeurs de démocratie, bonne gouvernance, droits de l’Homme et autres défendues par l’Onu. Car c’est avant tout une responsabilité confiée au Togo par cette élection. « Ceux qui prêchent avec le plus de véhémence des valeurs comme la liberté, l’état de droit et l’égalité de tous devant la loi ont l’obligation particulière de les respecter et de les appliquer », disait l’ancien Secrétaire général de l’Onu le Ghanéen Koffi Annan, au cours d’une conférence publique en décembre 2003 à l’Université de Tübingen en Allemagne
 
« Tout ce qui est recherché par les gouvernants togolais, ce sont les dividendes à tirer. C’est un secret de polichinelle, le régime en place est beaucoup plus préoccupé par son image à l’extérieur que tout autre, et cette entrée fournira un argument de plus et serait vantée comme la consécration de la politique d’apaisement et d’ouverture sur le monde (sic) de Faure Gnassingbé. Le « Leader nouveau » court juste derrière une certaine notoriété depuis son avènement au pouvoir. Point barre ! », écrivions-nous récemment dans un article. Vivement que Faure Gnassingbé.
 
 
Tino Kossi
 
source : groupe liberté hebdo togo

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