N’Sinto LAWSON
N’Sinto LAWSON

Aborder la question de l’Etat de droit en pleine période d’état d’urgence peut paraître curieux au regard de l’incompatibilité apparente des deux concepts. Focalisons-nous sur le premier.

L’expression est de plus en plus régulièrement utilisée et parfois par certaines personnalités qui, certainement, ne savent pas de quoi elles parlent. Dans le pire des cas, c’est que ces personnalités connaissent très bien et maîtrisent très bien le sens de ce concept qui peine à se faire utile aux citoyens.Utile, parce que telle doit être la destinée d’un principe malheureusement galvaudé et instrumentalisé. A quoi servirait un tel principe juridique, s’il ne peut être au cœur de l’épanouissement de l’humain, du citoyen…A quoi servirait-il si les détracteurs et négateurs des valeurs inhérentes à l’humain peuvent aussi l’utiliser pour masquer leur vrai visage ? Il est très choquant et déroutant d’entendre certaines personnalités prononcer ce mot dans une perspective politicienne, sans bégayer. Sont-elles vraiment en harmonie avec la pratique de l’Etat de droit. Aspirent-elles vraiment à faire en sorte que le citoyen soit placé au centre des constructions et application du droit ?

Les réponses à ces questions se trouvent certainement dans la définition de l’Etat de droit. Elle est difficile et offre malheureusement l’occasion à des interprétations tendancieuses. Mais en étant désintéressé et en laissant de côté les contradictions doctrinales, l’on admettra que le concept traduit une idée bien simple et bien connue. Dans son application, l’Etat de droit soumet l’Etat lui-même au respect de la règle. L’Etat de droit représente le contraire de la situation dans laquelle l’Etat ne rencontre d’autres limites à son action et à sa volonté que celles que peut fixer sa force.

Sans doute, il est difficile aux gouvernés d’échapper au principe de « force à la loi ». Par contre, il n’est pas évident que les gouvernants – ils incarnent l’Etat – puissent être toujours soumis à la rigueur de la loi. Ici et ailleurs, les gouvernants bénéficient d’une quasi immunité. Ils sont protégés par les lois et les principes de la République. La Constitution renferme bien de mécanismes qui confèrent paradoxalement aux gouvernants une impunité presque incontestable.

Ce qui est plus inquiétant, c’est qu’ici, l’Etat ou la puissance publique, ou plutôt ceux qui l’incarnent font trembler… Et dans ces conditions, il est difficile de donner tort à Nietzsche pour qui « l’Etat, est le plus froid de tous les monstres froids. Il ment froidement ; et voici le mensonge qui s’échappe de sa bouche : Moi, l’Etat,je suis le peuple ».

Les bavures et les homicides commis dans les sillages de l’Etat ne font presque jamais l’objet d’aucune information judiciaire. Ni le procureur, ni les associations et les organisations de défense des droits de l’homme, personne ici, n’ose saisir la justice. Cependant, ailleurs, toute personne physique ou morale souhaitant déposer une plainte pénale, y compris pour violation des droits humains commise par un agent de la force publique, peut s’adresser directement au procureur de la République. C’est à celui-ci qu’il incombe d’ordonner et de diriger les enquêtes préliminaires, ainsi que d’engager des poursuites débouchant éventuellement sur un procès ou de classer sans suite la procédure. Pour les affaires graves ou complexes, le procureur saisit un juge d’instruction, qui conduira l’information judiciaire. Mais pourquoi ici, personne ne prend cette initiative? Est-ce que la justice fait autant peur ? Mais pourquoi ?

De plus, les gouvernants – les autorités administratives -prennent des décisions qui manifestement ne sont pas conformes aussi bien sur la forme que sur le fond à la loi, et personne ne réagit. Sans doute ici, tout semble être fait pour ériger des obstacles à un quelconque recours pour excès de pouvoir. Le support de la plupart des actes émanant de l’autorité administrative  illustre bien une volonté de ne pas simplifier la tâche à quiconque voudrait introduire une requête devant le juge administratif. Un support inhabituel et exceptionnel ailleurs, mais en train de devenir la norme ici, et on oublie que dans l’office du juge administratif, le plus important, ce n’est pas la forme que revêt la décision administrative. Son caractère normatif sera reconnu, quelle que soit sa présentation, dès lors qu’elle contient ou révèle une proposition prescriptive.

Il y a forcément quelque chose qui ne fonctionne pas bien ici. L’Etat de droit, c’est  un concept dont l’effectivité devra promouvoir la liberté des citoyens. Il ne peut s’agir d’un principe liberticide. Au contraire, sa mise en œuvre devra aboutir à la maximisation du bonheur du plus grand nombre de citoyens possible. Il s’agira d’éviter la douleur, la souffrance et la frustration des citoyens. Et en paraphrasant saint Thomas d’Aquin, nous pensons que la finalité de l’Etat de droit, c’est le juste. C’est-à-dire qu’en combinant « le droit, l’éthique et l’Etat, on obtiendra la satisfaction et la réalisation de la liberté », nous avons cité Hegel.

N’Sinto LAWSON.

LAISSER UNE RÉPONSE

Please enter your comment!
Please enter your name here