ahoumey_zunu_500Le PM parle d’indépendance d’une justice que la Cour de la Cedeao et l’UIP connaissent pour ses graves dérives


Le Premier Ministre togolais qui vient de terminer son séjour européen dans le cadre d’une tournée liée à la campagne de diabolisation savamment préparée et programmée par le gouvernement contre l’Opposition togolaise en général et en particulier contre le Collectif « Sauvons le Togo » dans le cadre des législatives, a déclaré par rapport à l’affaire Loïk Le Froch-Prigent et aux incendies du grand marché de Kara et de Lomé que le gouvernement n’a rien à y voir et que la justice fait son travail.
 
Il a profité de l’occasion pour insister sur l’indépendance de la justice dans son pays. Ce qui a fait tiquer plus d’un, qui se demandent de quelle justice parle le chef du gouvernement. S’il oublie que la justice togolaise s’est assez illustrée à la face du monde par sa médiocrité, nous avons tenu à lui rafraichir la mémoire, car visiblement il n’y a pas pire justice dans la sous-région que celle du Togo.
 
Avant d’entrer dans le vif du sujet, nous voudrions faire observer à nos dirigeants africains que l’image qu’ils ont toujours renvoyée d’eux-mêmes à nos anciens colonisateurs (l’image de gens prêts à s’offrir en tapis rouge pour le passage du chef de l’Etat français par exemple, prêts à « vendre » leur nation aux Blancs, à vider les caisses de l’Etat au profit des hommes politiques au pouvoir en France, pourvu qu’ils leur permettent de se maintenir le plus longtemps possible au pouvoir) pousse ceux-ci à faire d’eux tout ce qu’ils veulent. C’est une évidence.
 
Par exemple, lorsque le président français arrive au Togo, c’est le chef de l’Etat qui va personnellement à l’aéroport l’accueillir avec tout le protocole. Lorsque que le Premier ministre français arrive au Togo, c’est tout un branle-bas. Le chef du gouvernement est reçu comme un chef d’Etat. Il n’est pas rare que le chef de l’Etat en personne se déplace pour l’accueillir en lieu et place de son homologue togolais. En décembre 2008, lorsque sous Nicolas Sarkozy, Faure Gnassingbé était en « visite d’amitié et de travail » à Paris, son homologue ne s’était guère gêné pour aller l’accueillir. Lorsque Ahoomey-Zunu était arrivé il y a quelques jours à Paris en tant que PM togolais, parallélisme des formes ou règles protocolaires obligent, pensez-vous que le PM français a cru utile de se déplacer pour un nègre (sic) exhibant le même titre que lui ? Non, c’est Laurent Fabius, le ministre des Affaires étrangères qui s’est occupé de lui.
 
On a même vu avec quel empressement il s’y prenait à l’égard de son hôte français au Quai d’Orsay avec un large sourire de séduction. A-t-il eu la chance d’être introduit à Matignon ? Nous ne le croyons pas. A l’Elysée ? C’est encore aller trop, trop loin ! Ceci, juste pour dire que nous ne sommes pas indépendants ni au plan politique ni au plan économique. La vraie indépendance du Togo et de nos Etats africains de la sphère francophone interviendra, comme c’est le cas pour des pays comme le Ghana, seulement à partir du jour où nos dirigeants prendront conscience véritablement de ce qu’ils ont beau fréquenter l’école des Blancs, avoir les mêmes diplômes qu’eux, ceux-ci les regarderont toujours d’un air condescendant. Pourquoi ? Parce qu’ils auront tout mis en œuvre pour le mériter.
 

Mise à contribution de la justice pour la dissolution illégale d’un parti

 
C’est au nez et à la barbe du sieur Ahoomey-Zunu que, quelques semaines seulement après la présidentielle de mars 2010 et après la vaine tentative du Pouvoir d’empêcher la candidature du président d’Obuts, la Cour constitutionnelle ne pouvant faire autrement, avait reconnu que le ministère de l’Administration territoriale se prévalait de ses propres turpitudes. C’est ainsi qu’après la décision du Bureau exécutif d’entrer dans le nouveau gouvernement en formation après la présidentielle, la cabale fut lancée contre le parti d’Agbéyomé Kodjo. Tout avait été mis en œuvre pour le faire disparaître.
 
Les juges avaient été préparés et mis à contribution pour cette basse besogne qui ternissait une fois encore l’image de notre pays et de sa justice. Pour mémoire, l’Union européenne avait investi dix milliards de francs CFA dans les réformes de la justice annoncées à son de trompe par le chef de l’Etat au moment de sa campagne en 2005. Tout se révéla comme de la poudre aux yeux des Togolais. La cabale contre Obuts dura plusieurs mois. On parla de saisie du patrimoine du parti pour des œuvres de bienfaisance. Même la Cour constitutionnelle était consciente, selon les indiscrétions, que cette initiative sentait mauvais.
 
Face au ridicule de cet acharnement inutile, ce sont les pressions diplomatiques qui auraient fini par faire plier le Pouvoir qui aurait ordonné à la justice in extremis d’apporter une touche corrective à la procédure. Il faut dire que tous les solides arguments juridiques brandis par les avocats de la défense avaient été balayés par des arguties du revers de la main, l’objectif étant d’arriver aux fins prescrites par cette main invisible qui commandait tout de loin. Et c’est ainsi que ce parti échappa à la dissolution forcée.
 

Affaire d’expulsion de neuf députés ANC

 
Comme la justice ne fonctionne pas au Togo, l’Assemblée nationale, organe chargé de voter les lois, est taillée à la mesure de cette justice. C’est ainsi qu’il y a une complicité active entre le législatif et le judiciaire, les deux coiffés par le chef d’orchestre qu’est l’Exécutif où trône Faure Gnassingbé. Nous vous épargnons tout le processus. Neuf députés de l’Alliance Nationale pour le Changement seront expulsés juste parce qu’il fallait faire plaisir à Gilchrist Olympio. La Cour constitutionnelle était dans le coup.
 
L’affaire fut portée à la connaissance de l’Union interparlementaire (UIP) siégeant à Genève. Cette assemblée de grande audience qui n’a aucune relation particulière avec les responsables de l’ANC, a émis son avis. Elle a trouvé anormale et viciée la procédure de l’Assemblée nationale togolaise. Sa position renforça la conviction des dirigeants de ce parti. Si nous avions une justice qui fonctionne bien au Togo, les responsables de l’ANC avaient-ils besoin de saisir une institution internationale ? Non ! Comme au Togo, les lois de la République sont foulées au pied, l’Assemblée nationale par l’intermédiaire de son président se dressa toute honte bue sur ses ergots. Fin de non recevoir à l’avis émis par l’UIP.
 
L’ANC se rabat alors sur la haute Cour de justice de la CEDEAO. Le constat de cette juridiction est similaire à celui de l’UIP. La Cour va plus loin en précisant que les députés n’ont jamais démissionné de l’Assemblée. La logique dans laquelle fonctionne le Pouvoir togolais qui dicte ses lois à la justice togolaise ne lui permet pas de faire amende honorable. Depuis lors, le Pouvoir togolais a maintenu sa position. Non seulement le Pouvoir au Togo influence le cours des jugements, pire, il refuse de se soumettre au verdict des institutions supranationales.
 

Affaire Kpatcha, Bodjona, Agba, Le Froch-Prigent



C’est parce que la justice togolaise n’est pas indépendante, ne dit pas le droit, que l’affaire Kpatcha Gnassingbé qui a connu de nombreux cas de torture que le juge n’a pas pris en compte pendant le procès, est aujourd’hui pendante devant la Cour de justice de la CEDEAO. De même, l’immunité n’avait pas été levée pour le député. Le président de la Cour suprême s’était contenté de tout joindre au fond.
 
Le résultat, tout le monde le connaît aujourd’hui. L’affaire est désormais devant la même Cour de justice de la CEDEAO. Elle doit statuer sur la non levée de l’immunité de Kpatcha et en même temps sur le cas des victimes de torture dans cette même affaire. Pourquoi c’est la CEDEAO qui doit toujours régler les problèmes de justice pour les citoyens togolais ? Ahoomey-Zunu peut-il dire que la justice togolaise est indépendante pendant que les Togolais quittent leur pays pour trouver réconfort dans l’application du droit en terre étrangère ?
 
L’affaire Bodjona est aussi une véritable arrête dans la gorge du Pouvoir. Les conditions rocambolesques de son interpellation et la violation de toute la procédure mettent la justice togolaise et le Pouvoir lui-même dans un terrible embarras depuis quelque temps. Dans cette même affaire où Bodjona, Agba et Le Froch-Prigent demeurent des prisonniers personnels du chef de l’Etat, Faure Gnassingbé, la justice demeure un instrument de règlement de compte au service du Pouvoir avec une complicité très active du ministre de la justice.
 
Si la justice togolaise était indépendante, l’homme d’affaire Sow Bertin Agba, à la demande du président de la Cour suprême, l’instance juridictionnelle suprême, peut-il verser la caution de 150 millions de francs CFA exigée par la justice pour être remis en liberté provisoire et continuer depuis plusieurs mois à croupir à la prison de Tsévié ? Si la justice, selon Ahoomey-Zunu était vraiment indépendante, en violation des textes en vigueur dans notre pays, Agba Bertin peut-il passer la moitié de la peine qu’il devrait encourir sans avoir été jugé et continuer depuis plusieurs mois à être en prison ?
 
Nous voulons nous arrêter à ces quelques exemples mais en prenant soin d’ajouter le tout dernier en date qui est d’actualité et qui est la rocambolesque situation dans laquelle Agbéyomé Kodjo a vu son immunité lever en violation des textes. Il urge que ceux qui prétendent diriger ce pays, s’efforcent un tout petit peu à la retenue lorsque l’envie leur prend de mentir. Ce qui est curieux, c’est que le pays où Ahoomey-Zunu est allé éructer ses mensonges, c’est justement ce pays dans lequel, l’ex-président de la CNDH est allé trouver refuge parce qu’il a produit un rapport d’enquête que le Pouvoir a trouvé le moyen de tronquer, et qu’il a dénoncé. Ce qui l’a poussé à fuir précipitamment le Togo pour s’y réfugier. Nous estimons là aussi que si nous avions une justice à laquelle le citoyen peut faire confiance, il n’aurait pas eu besoin de fuir.
 
Alain SIMOUBA


liberte-togo
 

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