. Faure Gnassingbé restera-t-il toujours insensible ?

L’ancien ministre de la Défense et des Anciens Combattants, Kpatcha Gnassingbé a eu 50 ans ce 06 septembre 2020. Un jubilé d’or que le détenu aurait préféré célébrer en liberté. Depuis 12 ans, il est détenu dans l’affaire d’atteinte à la sûreté de l’Etat. Malgré sa santé fragile, ses appels à l’endroit de son frère Faure Gnassingbé sont restés sans suite, jusqu’à présent. 

Ce 06 septembre 2020, l’ancien député et ministre Kpatcha Gnassingbé a soufflé son 50ème bougie. Contrairement à ce qu’il aurait souhaité, ce jubilé d’or n’a pas été célébré dans la chaleur familiale. Non ! Kpatcha Gnassingbé est toujours en détention, depuis son arrestation le 15 avril 2009 dans le cadre de l’affaire dite d’atteinte à la sûreté de l’Etat.

Dans cette quête d’arrestation, le frère du chef de l’Etat a été traqué comme une bête sauvage. Dans un premier temps, son domicile a été pilonné par des hommes armés conduit par le Général Félix Kadanga. L’attaque qui a eu lieu dans la nuit du 12 au 13 avril 2009, autour de 22 heures, a duré pendant plusieurs heures. Mais Kpatcha Gnassingbé a réussi à se réfugier à l’ambassade des Etats-Unis d’Amérique. Cependant, il a été contraint de quitter la représentation diplomatique, les Etats-Unis ayant estimé qu’il était couvert par l’immunité parlementaire. Malheureusement, cette immunité n’a pas suffi à protéger Kpatcha Gnassingbé de ceux qui le poursuivaient. Il a été arrêté, le 15 avril 2009, à sa sortie de l’ambassade puis placé en détention. Ce fut le début d’une longue bataille judiciaire.

Une détention arbitraire

Après plus de deux années de détention et sous la pression,  le procès de Kpatcha Gnassingbé et ceux qui ont été arrêtés dans le cadre de la fameuse tentative de coup d’Etat a été organisé. Le procès s’ouvre le 1er septembre 2011 et le 15 septembre, l’ancien député est condamné à 20 ans de prison ferme par un Tribunal aux ordres. Ce simulacre de procès qui confirme la violation des droits du détenu et ses coaccusés est dénoncé par ses avocats.

L’affaire est alors portée devant la Cour de Justice de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Début juillet 2013, cette instance supranationale désavoue la justice togolaise et relève le caractère inéquitable du procès dans l’affaire d’atteinte à la sûreté de l’Etat. La Cour présidée à l’époque par Mme Awa Nana a donné raison à l’ancien ministre de la Défense et ses compagnons de misère. Les actes de torture pratiqués sur les détenus lors de leur détention dans les locaux de l’ex-Agence Nationale de Renseignement (ANR) ont été condamnés. La Cour de justice de la CEDEAO a ainsi condamné l’Etat togolais à payer 20 millions de francs CFA à chacune des personnes ayant été soumises aux actes de torture lors de leur détention. Mais la décision phare est celle relative à la libération des détenus. Les juges ont ordonné au Togo de « prendre instamment toutes les mesures en vue de faire cesser la violation du droit à un procès équitable ».

7 années après cette décision, l’Etat togolais rechigne toujours à s’exécuter. Et ce n’est pas faute de relances. En février 2014, la Cour de justice de la CEDEAO a tenu une session délocalisée à Lomé. A l’occasion, la détention arbitraire de Kpatcha Gnassingbé et coaccusés a été évoquée. Pour la présidente de la Cour communautaire, l’organisme de mise en œuvre de cette décision, c’est désormais l’Etat. « Une fois la décision rendue, l’organe d’exécution revient à l’Etat membre. Donc c’est ici que vous devez interpeller l’agent d’exécution par exemple dans l’affaire Kpatcha ou dans l’affaire des députés et dans toutes les affaires qui concernent le Togo. Donc c’est à l’autorité en charge d’exécuter cette décision qu’il faut poser la question. De l’autre côté, c’est peut-être aussi à la partie gagnante de faire connaître à la Cour que la décision n’a pas été exécutée », avait rappelé la Cour.

Le Togo campe sur sa position, pourtant, les décisions de la Cour de justice de la CEDEAO ne constituent pas une faculté pour les Etats membres, mais une obligation en vertu de leurs engagements internationaux ainsi que du règlement de la Cour qui dispose que les décisions sont obligatoires dès le jour de leur prononcé. C’est la même attitude qu’adopte le Togo vis-à-vis de la décision du Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire. Selon cette instance, la détention de Kpatcha Gnassingbé et coaccusés est arbitraire et sans base légale.

Faure Gnassingbé indifférent aux appels de son frère

En dehors de l’aspect juridique qui a révélé que l’affaire d’atteinte à la sûreté de l’Etat n’a existé que dans l’imaginaire de certaines personnes, le dossier a été traité de manières diverses. Déjà dans la famille biologique et au niveau de la localité d’origine des Gnassingbé, des initiatives ont été prises pour réconcilier Faure Gnassingbé et son frère Kpatcha. Les autorités traditionnelles s’y sont mises sans succès. Pour obtenir sa libération, Kpatcha Gnassingbé a multiplié les appels à l’endroit de son frère président. Plusieurs lettres ont été adressées à Faure Gnassingbé dans ce sens. «Pourquoi ne pas mettre ensemble les frères et sœurs de la famille Gnassingbé ? C’est très important. Je sais que c’est lourd, mais je pense que ce n’est pas impossible », avait déclaré le détenu lors d’une rencontre avec le président de la Commission Vérité, Justice et Réconciliation (CVJR), Mgr Nicodème Barrigah.

Kpatcha Gnassingbé est donc disposé à faire table rase du passé et se réconcilier avec son frère. La balle est dans le camp du chef de l’Etat qui reste jusqu’à présent aphone aux supplications de celui avec qui il partage le même sang. Le plus dur, c’est que Kpatcha Gnassingbé est malade depuis plusieurs années. Sa santé de plus en plus fragile nécessite des soins appropriés dont il ne saurait bénéficier en étant en détention. 

Faure Gnassingbé doit aussi savoir qu’au sein de l’opinion nationale, l’idée d’une réconciliation du Togo doit passer par celle de la famille biologique des Gnassingbé. Un bon geste de la part du chef de l’Etat ne contribuerait qu’à redorer son image. D’ailleurs, ce jour anniversaire de Kpatcha Gnassingbé n’est passé inaperçu. Outre les populations, des acteurs politiques ont émis le vœu de voir l’ancien député de la Kozah recouvrer la liberté. « 06 septembre 2020, un jour de joie pour Kpatcha Gnassingbé qui va boucler bientôt 12 ans de prison pour un crime imaginaire. Crois en la justice divine, et bientôt goûteras aux fruits de la liberté », a tweeté Agbéyomé Kodjo. 

Au détenu, nous souhaitons quand même un heureux anniversaire.

G.A./ Liberté Togo

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