La marche de protestation annoncée, pour se tenir samedi dernier, par le Parti national panafricain (PNP) a été empêchée par les forces de sécurité et de défense déployées sur les points de départ et de chute de la manifestation, non pour encadrer et sécuriser les manifestants mais pour les réprimer. Depuis quelques mois, le pouvoir de Lomé use de cette « trouvaille »pour empêcher toutes manifestations publiques qui ne lui est pas favorable. Face à cette situation, les démocraties occidentales peinent à réagir.

Ce week-end le PNP a essayé de sonner, encore une fois, la mobilisation contre régime de Faure Gnassingbé. En réponse, le pouvoir a déployé la soldatesque sur les lieux pour faire échec à toute velléité de manifestation. Et pour cause, le PNP devient de plus en plus dérangeant pour le sommeil du pouvoir togolais qui a toujours ricané face à une opposition jusque-là cantonnée sur le littoral. L’autre subterfuge est l’imposition d’itinéraire faite par le ministre Payadowa Boukpéssi en violation des dispositions de la loi 2011-05 du 16 Mai 2011 sur les libertés de réunion et de manifestation. Et, ce n’est pas la première fois que le pouvoir passe par l’imposition des itinéraires à l’opposition pour empêcher les manifestations.

Bilan de la répression

Selon le bilan dressé par le Bureau politique du Pnp, la manifestation de samedi dernier s’est soldée par « un lourd bilan ». «Monsieur Ziedhine Traoré, militant PNP résidant dans la ville de Bafilo, battu à mort par des militaires, des dizaines de blessés et des arrestations », indique le parti de Tikpi Atchadam, lui-même contraint à l’asile depuis plusieurs mois. Si la mort du militant du Pnp a été confirmée par les autorités, les causes du décès ne sont pas encore établies selon le ministre de la sécurité et de la protection civile. «…Les manifestants ont été dispersés et malheureusement, on a enregistré un mort. Pour le moment, les circonstances de ce décès ne sont pas encore élucidées. Mais une chose est claire: il n’est pas mort par balle. Il se pourrait qu’il ait succombé dans une bousculade. Seuls les résultats du médecin légiste pourront nous situer. Nous présentons nos sincères condoléances aux familles de la victime », a déclaré le Gal Yark Damehane.

Au Mouvement « EN AUCUN CAS », on « s’insurge, s’indigne et proteste vigoureusement contre ces méthodes autocratiques, barbares, brutales et dictatoriales et surtout contre la volonté du gouvernement de Faure GNASSINGBE de supprimer par l’entremise de mesures injustes et de la force les droits et libertés fondamentales que le peuple Togolais a conquis au prix du sang et d’innombrables sacrifices. Jamais nous n’accepterons qu’on nous ramène aux années EYADEMA ». Par ailleurs, le mouvement trouve anormal qu’on envoie les militaires dans la rue dans les manifestations publiques. Il appelle le Ministre de la défense qui n’est autre que le Président de la République, à « mettre fin à ces pratiques honteuses et aberrantes ».

Plusieurs organisations de la société civile ont clamé leur indignation face à la répression de la manifestation du pnp mais les grandes diplomaties réunies au sein du Groupe des 5 (Ambassade d’Allemagne, de France, des Etats Unis, la délégation de l’Union européenne et la Coordination du Système des Nations Unies) n’a fait aucune annonce à ce sujet.

Le silence complice…

Samedi dernier, ce sont les éléments des forces de sécurité et de défense, massivement déployés sur les itinéraires prévus par le PNP qui ont accueilli les manifestants. Ceux-ci, face à la situation, ont dû vider les lieux pour laisser les « soldats » marcher à leur place. Les manifestants qui ont essayé d’entamer la marche ont été assaillis par des gaz lacrymogènes et les personnes arrêtées rouées de coups. La liberté de manifester étant un droit sacré en démocratie et une arme redoutable au service aussi bien des partis politiques que de la société civile, la question se pose de savoir si le Groupe des 5 va laisser le pouvoir y porter indéfiniment des entraves.

En effet, en octobre 2017, face aux velléités du pouvoir de Lomé de réprimer toutes manifestations, les Etats Unis ont tapé du poing sur la table. Dans une déclaration de Heather Nauert, porte-parole du Département d’Etat, les États-Unis se sont opposés aux « restrictions de la liberté d’expression et de réunion au Togo liées aux manifestations sur les réformes constitutionnelles ».

Les Américains ont affirmé être « particulièrement préoccupés par les informations faisant état d’un recours excessif à la force par les forces de sécurité (…) ainsi que des groupes de vigilance parrainés par le gouvernement qui utilisent la force et la menace pour perturber les manifestations et intimider les civils ».

En outre, les Etats-Unis ont appelé « le gouvernement togolais à défendre les droits humains de ses citoyens, notamment leur liberté d’expression, de réunion pacifique et de liberté sur Internet, et à faire en sorte que toutes les personnes arrêtées lors des manifestations bénéficient du droit à une procédure régulière ». Il nous souvient qu’à la suite de cette injonction, Faure Gnassingbé et ses « sécurocrates » se sont ravisés. Et les manifestations ont pu se tenir.

Ce qui est encore plus inquiétant est qu’avant d’organiser sa manifestation, certains leaders du PNP se sont rendus au Quai d’Orsay (Ministère des Affaires Etrangères) en France pour demander expressément une intervention de Paris auprès des autorités de Lomé pour que ces dernières respectent le droit constitutionnel de manifestation. Mais que nenni.

Pourtant ces derniers temps dans les pays comme le Soudan, champion mondial dans les brimades et violations des droits de l’homme ou encore l’Algérie où les populations ont décidé de manifester pour exiger du changement à la tête du pays, les pays occidentaux comme les Etats Unis n’ont pas hésité à appeler le pouvoir public soudanais et algérien à respecter le droit de manifester des citoyens. Alors, pourquoi ce silence bruissant sur le cas du Togo ?

Par ailleurs, deux organisations de la société civile à savoir l’Association des étudiants du Togo (ASET) et le Mouvement « En aucun cas » ont annoncé qu’ils vont descendre dans la rue les 24 et 27 Avril prochain. Pour l’instant, l’on ne saurait dire quel sort sera réservé à ces manifestations.

Encore une fois tous les regards sont tournés vers les Etats Unis, la France et leurs partenaires pour faire entendre raison à Faure Gnassingbé dont le régime, qui se durci, foule au pied les dispositions de la constitution sur les libertés. A moins que ces démocraties occidentales estiment que le peuple togolais n’a plus le droit de s’exprimer.

 
source : FRATERNITE