Il faut saluer l’initiative du Conseil de sécurité de l’ONU et sa déclaration faite samedi après les timides pressions de l’UA et de la CEDEAO qui semblait donner l’impression que son entière implication dans la résolution de la crise malienne pouvait être un prétexte pour laisser le drame anticonstitutionnel qui se joue en Guinée-Bissau, suivre son cours. En tout cas, nous l’avons craint un moment et nous félicitons de ce que, tout comme ce fut le cas pour le Mali, toute la communauté internationale se mobilise. Hier l’UE a exigé, elle aussi, le retour à l’ordre constitutionnel sous peine de sanction.
 
En effet, le samedi 21 avril, après que le Portugal et l’ensemble des pays lusophones eurent plaidé auprès de l’ONU, l’envoi d’une force d’interposition pour exiger le retour à l’ordre constitutionnel, celle-ci a répondu favorablement, apportant ainsi une bouffée d’oxygène au PAIGC et à l’ensemble du front anti-putsch. L’ONU a, dès samedi, menacé de prendre des sanctions ciblées contre les putschistes, s’ils ne retournaient pas à l’ordre constitutionnel. Du coup, ceux-ci ont pris la mesure des pressions de la part de l’UA, de la CEDEAO, puis de l’institution faîtière.
 
Alors qu’ils avaient menacé de répondre à l’ONU par la force, si jamais elle envoyait une troupe d’interposition, les putschistes se sont subitement ramollis dès que le Conseil de sécurité des Nations-unies avait menacé les putschistes de sanctions ciblées. Ils ont accepté aussitôt de revoir leur position par rapport à la transition de deux ans qu’ils venaient de fixer et se sont dits prêts à revoir les modalités de la transition. Le dissident de l’ex-parti au pouvoir et candidat malheureux du premier tour de la présidentielle du 18 mars désigné par la junte pour assumer la transition et qui apparemment avait accepté cette nomination malgré lui, reconnaissant n’avoir pas été consulté, ni informé, a, dès samedi refusé cette nomination, boosté sûrement par la pression de l’ONU.
 
C’est face à la résistance que faisait entre-temps la junte, que la CEDEAO a mandaté le Prof. Alpha Condé, dont le pays est un voisin immédiat de la Guinée-Bissau comme médiateur. Hier lundi, un mini-sommet devrait se tenir à Conakry et auquel devraient prendre part cinq chefs d’Etat de la région. Dès que la junte a nommé un président de transition, et retenu sa propre période de transition, le médiateur avait jugé bon de reporter la rencontre de Conakry, afin de débattre des nouvelles donnes au sommet extraordinaire de l’organisation prévu pour ce jeudi à Abidjan et consacré à la fois au Mali et à la Guinée-Bissau. Il faut dire qu’un nombre relativement plus important de chefs d’Etat est attendu à la rencontre d’Abidjan.
 
Eu égard à tout ce qui précède, il est plus qu’urgent de réformer profondément l’armée bissau-guinéenne en l’initiant aux valeurs républicaines, ce à quoi elle se plaît à échapper, préférant plutôt s’installer ad vitam aeternam dans son statut déshonorant d’armée de voyous, habituée à faire des coups d’Etat pour un oui ou un non et au gré de ses humeurs. Si les putschistes semblaient avoir le vent en poupe et ne prenaient pas au sérieux les menaces de la CEDEAO et de l’UA, il faut croire que dans une certaine mesure, ils comptaient profiter du cas malien et du casse-tête que semblait constituer la double crise politico-militaire d’une part.
 
De l’autre, si l’armée bissau-guinéenne a pu avoir le courage d’interrompre le processus électoral si maladroitement, c’est parce qu’elle se sent ragaillardie par la mauvaise réputation acquise, celle d’être passée maîtresse dans l’art de faire des coups d’Etat presque chaque deux ou trois ans. Il est évident que les putschistes ont misé également sur le laisser-aller et cette tiédeur presque coutumière qui a toujours caractérisé les deux organisations panafricaine et régionale que sont l’UA et la CEDEAO et qui n’ont jamais pris au sérieux leurs rôles. Si, plus de 50 ans après les indépendances, les coups d’Etat continuent à se perpétrer sur le continent, elles y ont leur part de responsabilité.
 
Il est grand temps que l’ONU, l’UA, la CEDEAO notamment inculquent à ce qui constitue des armées dans nos pays, avec tout ce qu’elles drainent comme indiscipline et désordre, qu’avoir des armes à disposition, s’appeler soldat, avoir suivi une formation militaire n’autorisent pas ces genres de comportements rétrogrades. Nous sommes au 21ème et il faudrait adapter les comportements à ceux d’un monde civilisé. En tout état de cause, il ne revenait pas à l’armée bissau-guinéenne de mettre fin à un processus électoral. La Commission électorale et la Cour constitutionnelle ne sont pas des institutions d’ornement.
 
Signalons qu’une délégation militaire de la CEDEAO a été reçue hier par les putschistes pour des échanges en prélude au sommet qui se tient ce jeudi.
 
 
Alain SIMOUBA
 
 
liberte-togo.com