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Présidentielle 2015 et volonté de coup de force
 
. Au-delà de ces « démissions », une crise de confiance réelle à l’UNIR

 
Loin des artifices qui simulent le contraire, chaque jour qui rapproche de l’élection présidentielle prouve que le parti au pouvoir est un géant au pied d’argile et que l’union tant vantée n’est que leurre. La dernière illustration a été offerte par les démissions inédites en fin de semaine passée des membres de l’Union pour la République (Unir) au sein de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) par Faure Gnassingbé et leur remplacement au pied levé par des gens supposés de confiance. Toute chose qui prouve que le malaise est bien réel.
 
Démissions surprise à la Ceni, la langue de bois à l’Unir
 
La nouvelle est intervenue à la mi-journée du vendredi 13 février dernier comme un coup de tonnerre dans un ciel serein. Mme Mokpokpo Dosseh et les sieurs Koffi Ayéfoumè Kéké, Bandifo Ouro-Akondo et Robert Bakaï, quatre des cinq (05) représentants de l’Union pour la République (Unir) au sein de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) ont été démissionnés de l’institution chargée d’organiser et de superviser l’élection présidentielle de 2015. « Manquements graves », tel est le mobile avancé. Laconiquement. Une nouvelle qui a surpris bien de Togolais qui s’attendaient à tout sauf à une démission, qui plus est, des représentants du parti au pouvoir au sein de la Ceni. Une réaction légitime, d’autant plus que s’il y a un mot qui n’a jamais existé dans le vocabulaire du parti au pouvoir, c’est bien la démission. D’ailleurs le régime a jusqu’ici donné l’impression d’être soudé comme les cinq doigts de la main dans le cadre de ce processus.
 
C’est évident que cette décision doit être légitimée par des motivations assez sérieuses ou graves. Le vocable « manquements graves » cachait simplement des choses que le parti au pouvoir ne voudrait pas dévoiler sur la place publique. Et les Togolais n’en sauront sans doute pas davantage par des voix officielles. Car au niveau du parti au pouvoir, on use de langue de bois et se retient d’en dire plus que la version officielle laconique. Pour brouiller les pistes, certaines sources proches du service de communication du parti parlent de simple « réaménagement technique » et allèguent que les délégués sortants sont appelés à d’autres fonctions. D’autres rapportent que les démissionnés auraient fait preuve de négligence dans l’accomplissement de leur mission dans le cadre de l’opération de recensement électoral dans la première zone et la transmission des informations sur la préfecture de Yoto plus de deux semaines après la fin de l’opération. Suffisant pour parler de « manquements graves » et démissionner des délégués dévoués ?
 
Des suspicions du Prince
 
Plus qu’une démission volontaire, les sieurs Koffi Ayéfoumè Kéké, Bandifo Ouro-Akondo, Robert Bakaï et Mme Mokpokpo Dosseh y ont été en fait poussés, non par le parti, mais par Faure Gnassingbé lui-même qui n’aurait plus confiance en eux. Il leur a été demandé de simuler des démissions volontaires transmises au 1er Vice-président du parti, Georges Aïdam qui s’est chargé de les signer.
 
Selon les indiscrétions, les quatre délégués ont été convoqués dans la nuit du jeudi 12 février à une réunion de haut niveau où ils ont été soumis à un interrogatoire. Au-delà du grief de ne pas avoir remonté les données sur l’opération de recensement dans la préfecture de Yoto, il leur a été reproché de garder par-devers eux certaines informations. Du moins de ne pas les avoir remontées au Prince, mais à un cercle fermé de personnes au sein du parti et de se mettre à leur service. Cela a suffi pour conclure à l’existence d’un circuit parallèle puissant que ne maitrise pas Faure Gnassingbé et à un acte de trahison. En plus, il nous revient que certaines de ces informations se retrouvent même dans « les mains ennemies » ou sur la place publique. Ce qui fait beaucoup gerber au haut lieu.
 
Par ailleurs, comme pour confirmer les appréhensions du Prince, il nous revient que les démissionnés n’auraient pas consulté le sommet du parti avant d’avaliser la proposition de date faite par la Ceni. Il est même fait état d’une insubordination flagrante. Selon les indiscrétions, c’est en fait le 15 février que le pouvoir a arrêté pour organiser le scrutin, et c’est cette date que ces délégués étaient censés défendre. Mais en lieu et place du 15 avril, ils ont cru devoir avaliser le 21 février arrêté en séance plénière et proposé par la Ceni. Il y a donc de quoi parler de « manquements graves ».
 
Les nouveaux entrent aussitôt en fonction
 
Le pouvoir n’a pas laissé longtemps le vide perdurer longtemps. Les quatre délégués démissionnés ont été aussitôt remplacés. Les nouveaux se nomment : Agbo Bloua, Payadowa Boukpéssi, Marc Ably-Bidamon. Le nom du 4e n’est pas encore communiqué. Les trois premiers ont prêté serment ce samedi devant la Cour constitutionnelle au cours d’une cérémonie spéciale.
 
Faut-il le souligner, la problématique de leur prise de fonction a suscité une petite polémique, certains estimant qu’ils devraient d’abord être élus par l’Assemblée nationale avant de prêter serment devant les juges de la Cour constitutionnelle. Mais il urge de rappeler que selon les dispositions de l’article 15, « En cas de démission, de décès ou d’empêchement définitif d’un membre, il est pourvu sans délai à son remplacement suivant la procédure prévue à l’article 14 ci-dessus. En période de vacance de l’Assemblée nationale, le remplacement se fait exceptionnellement par la Ceni sur désignation par le parti politique ou l’organisation auquel appartient le membre. Le nouveau membre prête serment et prend fonction ». C’est ce qui vient d’être fait, les députés étant en vacances depuis décembre dernier et ne devraient reprendre que le 1er mardi du mois d’avril prochain.
 
Des profils assez expressifs…
 
Les quatre nouveaux nominés, du moins les trois déjà connus sont d’un certain profil. Il s’agit des gens de la vieille école et d’un certain tempérament ou passé. Faut-il le rappeler, Agbo Bloua était ambassadeur du Togo en Chine et est connu pour son zèle autour du Père. Ses détracteurs le disent avoir appris beaucoup de la Chine de Mao Tsé-Toung, avec ce qu’elle a de pratiques antidémocratiques.
 
Payadowa Boukpessi, lui, était aussi un ancien fidèle tombé en disgrâce. Son dernier poste de premier plan dans le gouvernement est celui de ministre de l’Economie et des Finances. Mais il fut limogé en plein exercice et remplacé depuis 2007 par Adji Otèth Ayassor devenu indéboulonnable. Des informations avaient fait état d’une faute grave commise à l’époque, certaines rapportant des détournements.
 
Quant à Marc Ably-Bidamon, il a été Directeur Général de Togo Cellulaire et surtout des Douanes. Mais un beau matin, il a été débarqué du poste et remplacé par Kodzo Adédzé. Entré dans l’anonymat, il a broyé le noir.
 
La nomination de ces trois messieurs – les deux derniers surtout – est donc une perche à eux tendue pour se refaire une place au soleil. Et c’est une stratégie souvent utilisée par Faure Gnassingbé consistant à repêcher (sic) les anciens proches tombés en disgrâce et pouvoir compter sur leur zèle. Le Prince tient spécialement les deux derniers entre ses mains, au regard des casseroles qu’ils trainent. Ils ont donc intérêt à le servir loyalement, pour ne pas voir ressusciter les dossiers puants laissés.
 
…d’un malaise réel à l’Unir
 
Cela fait un bout de temps que nous rapportions l’ambiance délétère au sein du parti au pouvoir. Les divergences se sont fait jour notamment sur la question des réformes où deux camps se sont formés, les partisans et les antiréformes ; ensuite sur la question de la candidature de Faure Gnassingbé, comme rapporté récemment. Ces démissions inédites des délégués de l’Unir au sein de la Ceni pour des soupçons et leur remplacement par des gens de la vieille garde ne sont que la confirmation de l’atmosphère lourde au sein du parti au pouvoir.
 
La situation doit être vraiment grave pour que le Prince soit obligé d’intervenir personnellement et changer ses yeux au sein de la Ceni où se joue la grande partie des manœuvres de fraudes électorales. Il se voit même obligé de recourir à des « anciens combattants », des membres de la vieille garde dont il a feint de se défaire avec l’euthanasie du Rassemblement du peuple togolais (Rpt) et la création de l’Unir sur ses cendres en lieu et place de la jeune garde qu’il était dit incarner. Mais peut-il vraiment compter sur les néo représentants à la Ceni ? Une chose est certaine, il y a une crise de confiance manifeste au sein du parti au pouvoir. Et c’est peu de le dire ainsi.
 
Tino Kossi
 
source : Liberté Hebdo
 

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