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Réformes constitutionnelles
. John Dramani Mahama l’a-t-il encouragé à briguer un 3ème mandat en 2015 ?

 
Mise en œuvre des réformes constitutionnelles et institutionnelles de l’Accord politique global (Apg), voulez-vous ? C’est l’attente de l’opposition, de tout le peuple togolais et même de la communauté internationale. Mais Faure Gnassingbé depuis Accra a assené une cinglante réponse à tout ce beau monde : la Constitution en vigueur sera respectée. Fermant ainsi personnellement la page des réformes. Les jours à venir risquent simplement d’être surchauffés.
 
La Constitution qui sera respectée
 
« Tout ce que je peux vous dire, c’est que la Constitution en vigueur sera rigoureusement respectée », c’est la réponse assenée par Faure Gnassingbé, en visite de trois (03) jours à Accra au Ghana, à une question sur sa probable candidature à la présidentielle de 2015. Et d’ajouter, conscient de la coulée d’adrénaline que sa position pourrait entrainer : « Naturellement, l’opposition et les partis politiques peuvent avoir une opinion sur telle ou telle chose, mais ce vers quoi nous devons tous tendre, c’est la stabilité surtout, et le respect des dispositions constitutionnelles ». L’homme se présente donc comme le seul garant de la stabilité.
 
Petits propos, grandes conséquences. Parlant de la « Constitution en vigueur [qui] sera respectée rigoureusement », le Prince fait simplement allusion à celle tripatouillée un soir du 30 décembre 2002 par son défunt père Gnassingbé Eyadéma qui a sauté le verrou de la limitation de mandat présidentiel pour s’octroyer un bail à vie sur le pouvoir, et aussi en février 2005 pour permettre à lui, Faure, de succéder à son géniteur sans coup férir. Notamment l’article 59 qui stipule : « Le Président de la République est élu au suffrage universel direct et secret pour un mandat de cinq (5) ans. Il est rééligible. Le Président de la République reste en fonction jusqu’à la prise de fonction effective de son successeur élu ». En clair, Faure Gnassingbé, au terme de deux mandats d’affilée acceptés en démocratie, va candidater en 2015 et jouer la prolongation.
 
John Mahama a-t-il encouragé Faure à rempiler en 2015 ?
 
C’est la question que tout Togolais soucieux de l’alternance se pose en apprenant les déclarations du numéro 1 togolais. D’autant plus qu’il les a faites à Accra où il est en visite de travail de trois (03) jours pour, dit-on, renforcer la coopération bilatérale entre le Togo et le Ghana. Un voyage que bien d’observateurs ont trouvé curieux. Ils ont plutôt suspecté, à raison, un déplacement entrepris pour draguer John Mahama et mendier son soutien pour son aventure périlleuse en 2015. Après la chute de son parrain et seul soutien Blaise Compaoré.
 
réformes
 
Tout porte à croire que le président ghanéen a accédé à ses supplications et lui a assuré un certain soutien, raison pour laquelle il a fait ces déclarations aux médias internationaux depuis Accra au sortir d’un entretien avec John Dramani Mahama. Sans doute que Faure Gnassingbé s’est peint comme l’unique garant de la stabilité du Togo, et son hôte, par ailleurs président en exercice de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (Cédéao), qui sait qu’une instabilité au Togo affecterait énormément son pays, et subsidiairement la région ouest africaine, a succombé à ses promesses et préféré privilégier les intérêts sociopolitiques et économiques du Ghana.
 
En l’absence d’un démenti du pouvoir d’Accra, les Togolais auront la ferme conviction que c’est John Dramani Mahama qui a encouragé Faure Gnassingbé à briguer un 3e mandat à la tête du Togo. Sacrifiant ainsi l’alternance tant désirée par le peuple frère du Togo depuis bientôt un demi-siècle et prolongeant le règne des Gnassingbé, après le père qui a fait 38 ans au pouvoir. Et sans doute que cela affecterait l’image reluisante que les Togolais ont du Ghana et l’admiration nourrie pour ce pays et ses dirigeants, à cause de la culture démocratique qui y est une réalité. Ce serait en tout cas bien dommage.
 
La page des réformes définitivement fermée
 
C’est la grande conséquence de ces propos tenus par Faure Gnassingbé à Accra. Si la Constitution (tripatouillée) de 2002 et 2005 devra être « rigoureusement» appliquée, cela induit que la mise en œuvre des réformes recommandées par l’Accord politique global (Apg) du 20 août 2006, sur laquelle est venue insister la Commission Vérité, Justice et Réconciliation dans ses recommandations au terme de ses travaux en avril 2012, réclamées par l’opposition, la société civile, les églises, les diplomates occidentaux accrédités au Togo, n’auront pas lieu. Et c’est Faure Gnassingbé himself qui vient de décider. Toutes les promesses n’étaient donc que du pipeau et les échanges avec le chef de file de l’opposition – à la dernière rencontre qui a lieu samedi, il a même souhaité un consensus sur la proposition de loi introduite par l’opposition – ne sont destinés qu’à flouer l’opinion.
 
D’ailleurs le Prince envoyait ce message à l’opposition depuis un moment. D’abord par son opacité aux réformes depuis 2006 et son indifférence aux appels tous azimuts à leur mise en œuvre. Ensuite par le sort réservé le 30 juin dernier par les députés de l’Union pour la République (Unir) au projet de loi de réformes du gouvernement, rejeté à l’unanimité de ses élus. Par après, les griots du pouvoir dont le ministre de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et des Collectivités locales, Gilbert Bawara, le président de la Cour constitutionnelle, Aboudou Assouma, le président du groupe parlementaire Unir, Christophe Tchao ont tour à tour déclaré la page des réformes fermée. Le chef suprême du parti est venu personnellement clore le débat.
 
Des jours surchauffés en perspective
 
Les militants et sympathisants du Combat pour l’alternance politique en 2015 (CAP 2015), ou plutôt le peuple togolais assoiffé d’alternance étaient dans les rues vendredi dernier pour exiger la mise en œuvre des réformes qui ne sont guère une faveur de Faure Gnassingbé, mais des recommandations de l’Apg, mais aussi de la Cvjr qui y a vu le prix à payer pour la paix et la réconciliation au Togo. Et demain vendredi, les populations seront encore dans les rues, à l’appel de la Synergie des Organisations de défense des droits de l’Homme pour la même cause. Sans doute qu’elles seront plus nombreuses, dopées par ces dernières déclarations de Faure Gnassingbé à Accra. Tout ce beau monde se croit dans la légitimité et agit avec détermination. Au niveau des meneurs, on compte appeler à manifester tant que les réformes ne seront pas mises en œuvre. D’ailleurs on ne voit pas l’élection de l’année prochaine se tenir sans ces réformes. Simple incantation de plus ?
 
Une chose est certaine, la détermination est réelle. Mais en face, on est aussi déterminé à réprimer les manifestations de l’opposition. Un avant-goût a été donné vendredi passé. La répression, traditionnellement assurée par les forces de sécurité et de l’ordre, a même franchi un pallier, avec le recours fait à l’armée. Des chars étaient positionnés à certains points stratégiques de la capitale, les militaires déployés, circulaient dans des jeeps et opéraient au vu et au su de tout le monde. Des témoins croient même savoir que ce sont eux qui ont pris le devant de la répression vendredi, reléguant au second plan les policiers et gendarmes. Même les journalistes n’ont pas été épargnés. Au sein du sérail, on compte maintenir la même chape de plomb sur le pays et le dispositif de répression. Des quêtes seraient même organisées pour soutenir « l’effort de guerre ». Tout cela tient de la disposition d’esprit de Faure Gnassingbé qu’il a suffisamment montrée lors de ses échanges avec Jean-Pierre Fabre en déclarant : « Vous voulez toujours imposer votre point de vue sans en avoir les moyens ». Les moyens que lui, il a, ce sont les institutions et la force brute. Avec la détermination des deux côtés, c’est dire que l’avenir promet d’être surchauffé.
 
Tino Kossi
 

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