fauregnas


« Sachez que si fou vous me prîtes, cette folie ne pût être de base commune ; mais si fou aliéné vous me prîtes, ce me semble honneur fait à ma résidence de fou pensant »
 
Avant-propos
 
Il y a dans le mur de peau qui enclot mes propres aîtres, certaines fenêtres particulières qui sont construites de manière à laisser pénétrer en moi l’écho assourdissant de certaines aperceptions claires des perceptions obscures et le souffle des bruissements silencieux des voix lointaines dont la volonté s’insinue à la mienne pour sublimer un dialogue incessant entre mon moi subjugué, trépignant d’enthousiasme et le triumvirat temporel composé du Passé vivant, du Présent hoquetant ses réalités impératives et du Futur à l’avenir incertain, mais ô combien exaltant . Ainsi, mon intérêt aux choses présentes ou à celles en train d’être ne me fait pas perdre le respect des choses qui furent. Le spectacle des aventures de la pensée, de l’imagination, du verbe et de l’action, à quelque moment qu’il en fut, ne m’a jamais répugné, et mon goût de la libre recherche et de l’anticipation me préserve de déprécier les convaincus qui s’y risquent ou de mépriser les esprits à l’éclat obscur qui en sont dépourvus. Plût au ciel que les vertiges de l’abdication cognitive ne les confrontent à la chaleur fumante des braises de la plus morne incuriosité intellectuelle dont les crépitements irréguliers des flammes eussent soumis leur nescience viscérale à la destinée pathétique d’une évaluation bilatérale. Sacrifiant ainsi à ce goût dominant de mon être, dussé-je en être voué aux gémonies que j’eusse continué à mon escient jusqu’à la pléthore s’il l’eût fallu, dans l’éclat assumé de l’Art de la conjecture même si cela eut fait d’indigner le mauvais génie des plus grands négateurs du prévisible à propos desquels il n’eut pas été disconvenant de rallumer les pâles étincelles de leurs intelligences éteintes pourvu qu’elles ne fussent crépusculaires en raison de leurs caractères réfractaires. Que l’on me pardonne dès à présent de n’avoir pas suivi la voie de la raison endommagée de l’idée malséante et absurde qui voudrait que je m’en fusse abstenu. Aussi n’ai-je voulu en rien concéder à sa prédisposition à la censure, que la brutalité cinglante et sanglante d’une indifférence ignée qui la mena étroit en ruines et la réduisit en cendres dans l’inconséquence de sa suggestion déraisonnable. D’ailleurs, eussé-je pu m’y soumettre si tant est que je l’eusse voulu ? Permettez donc, que je porte derechef à la connaissance générale ce qui pourrait sembler une faute contre la vraisemblance et qui pourtant relève de la ténuité subtile des dispositions du possible. Tel est mon dessein poursuivi.
 
C’était un jour déshabillé de son soleil de plomb; où j’avais à l’esprit en perspective cavalière plus d’un demi-siècle d’occasions manquées pour notre Pays dans sa marche vers le progrès par lequel, eussent pu être livrés aux essors sublimes les fondements partagés d’une ambition collective à travers des valeurs irréductibles d’un Idéal Togolais qui dût être; un jour ordinaire qui ne présageait rien d’inordinaire qui eut laissé pressentir qu’un évènement extraordinaire viendrait bouleverser la programmation linéaire de nos contingences habituelles, que par une édition spéciale radiotélévisée, le Président de la République annonçait sa décision de se retirer de la vie politique au terme de son 3ème Mandat. Devant la sérénité de sa figure, où le doute sur le bien fondé de sa décision n’avait point de visage, dans son regard presqu’immobile, un tant soit peu translucide, l’on percevait les expressions implicites et explicites des yeux de son esprit transcendé qui auguraient des signes d’une résolution qui semblait avoir condamné toute préface au désespoir de désespérer de l’espérance. Je voudrais saluer un acte grandiose de réalisme politique de la part de M. Faure GNASSINGBE. Un acte Gaullien ! Un précieux préambule à ce que dussent être des réflexes politiques congruents aux circonstances. Je reconnais là, à mon plus grand étonnement, l’épaisseur inconnue d’un homme que certains effets de leur règne Cinquantenaire eussent pu condamner aux affres d’un destin de feuille morte, et qui aujourd’hui entre de manière aussi distinguée qu’inopinée dans l’histoire; seul domaine de référence requis pour l’immortalité des Grands Hommes. Il avait cependant à sa disposition moult moyens considérables et maints subterfuges obscurs germains de l’ordre impératif pour tenter de s’éterniser au pouvoir. La puissance du feu, la fidélité intéressée des hérauts factionnaires du legs qui lui échut ; l’hypocrisie sincère des courtisans et des roquets tonitruants de la tonalité indiquée ; la puissance de l’argent, tous les leviers de l’État, et pour surcroît de parfaite quiétude, un peuple craintif, alenti sous l’effet de l’électuaire de ses multiples traumatismes et endormi dans la moiteur de son impuissance apprise et de sa résignation acquise. Et pourtant, il a préféré partir.
 
Cette décision inattendue, dont l’onde de choc s’en est allée jusqu’à même émouvoir des repos eternels, et dont l’inouïsme aurait pu dicter à l’esprit qu’il eût fallu ne plus y croire pour que cela devînt possible, n’est pas la revanche des forces de la nature sur la volonté humaine surtout quand l’esprit a trop contraint la matière ou prétendu se passer d’elle, mais c’est d’abord parce que M. Faure GNASSINGBE dans une sorte d’hypertension systémique de sa conscience fut projeté vers une prise de conscience extraordinaire qui lui fit rentrer dans l’esprit, la représentation nette que l’emprise était arrivée à la fin d’un cycle au bout duquel un 4ème Mandat eût été moralement et politiquement ressenti et vécu comme un acte confiscatoire partisan ; un défi insensé contre le bon sens, et qu’il a su écouter ce que pense le peuple dans les dédales de son for intérieur plutôt que les interprétations orchestrées de ce qu’il eût dit, et qu’ensuite cette décision est la résultante d’un accomplissement personnel, d’une métamorphose qui trouva sa source dans les propres délibérations d’un homme qui a compris ce qu’il y a de misérable dans nos intérêts relatifs, et apar-dessus tout le reste, la nécessité, l’irrésistible et l’inflexible besoin qu’a toute âme élevée de se rattacher à quelque chose d’absolu qui le dépasse. Il faut une confiance aveugle dans les gaines profondes de ses intuitions pour opposer sa force minuscule à la force aspirante des égoïsmes suicidaires qui entend nous déplacer, nous forcer et nous assigner devant le tribunal de ses injonctions pour accomplir un tel sacrifice de soi au travers de la dissolution de ses appartenances politiques au profit de la prééminence du souci de l’intérêt général.
 
Ainsi, cette autopsie pré-mortem que le Président a faite d’un système involu et sauri par la patine du temps, dont le visage boursoufflé par l’usure du pouvoir, les excès et les effets secondaires d’une insuffisance respiratoire politique arbore les prestiges des apparences au point d’en être devenu le vestige des abandons d’où s’échappent du fond de son inépuisable insatiabilité les signes itératifs de toutes les nuances d’un avilissement morale, et qui a besoin de diagnostiquer puis de nucléer sa tumeur fautive pour aller plus en avant dans l’éclaircissement de son soi-même afin de se saborder pour renaître, débarrassé des jets rectilignes de sa morgue impétueuse sous un nouveau jour éclatant, n’est pas une dissection superficielle et factice dans une posture complice d’arrières pensées, mais une vraie prise en compte des évidences tenaces qui apparaissent de l’examen de l’histoire intime d’un Pays qui révèle la persistance de lésions politiques et sociales graves, lesquelles transparaissent derrière les souhaits étouffés des âmes destituées d’un peuple écroué sous la Chape de plomb d’une lassitude et d’une résignation déchirantes et pathétiques qui s’apparentent à une abdication civique, et qui par effet stillatoire, manifestent à travers ses soupirs interloqués un profond désir de résurrection dans un nouveau souffle d’un ailleurs sublimé.
 
Du haut de sa décision devant le glacis lustré des portes de l’histoire, fait éclat la stature insoupçonnée d’un caractère enduit des ressentiments entassés et de blessures secrètes qui n’eussent pu s’assouvir qu’à travers une introspection douloureuse dans un sentiment intérieur de déréliction de cet homme si méconnu de ses sujets, qui a compris pour avoir su s’y résoudre qu’il valût mieux parfois quand la situation l’eût exigé, se grandir et partir parce qu’il y a toujours une réalité au-delà des choses, et que cela suppose d’enjamber son rôle dévolu d’intendance suprême pour une élévation ascensionnelle vers un statut exemplaire de référent dont la sagesse des prescriptions ne pût faire qu’autorité sur l’armée reconstituée des forces rompues et des courages abattus, mais relevés de leur torpeur, qui s’en iraient le consulter pour la sagacité de ses aconseils devant lesquels, il n’eût paru étonnant aux yeux de quelque conscience que les volontés aveulies, les cœurs serrés et les regards éteints de la Nation s’en fussent ébaudis dans une unanimité admirable d’où il épancherait des esprits subjugués qui eussent fait l’éloge d’une décision à l’inspiration si grande d’un acte de fin si magistral. Eussions-nous rêvé telle sortie que nous eussions été contredits par des forces contraires. M. Faure GNASSINGBE ayant assumé avec panache sa part de « Essentiel-utile », dès lors, il nous incombe l’impérieux devoir d’assurer la tâche en tant que devant se faire et d’escomplir le « reste-déterminant ».
 
Voici venu enfin l’occasion de libérer notre esprit d’une question qui le taraude depuis trop longtemps. Quel homme pour lui succéder ? Pas plus que vous je n’en suis plus savant, car de quelque côté que les hypothèses s’envisageront, cette réponse dont l’uppercut de l’évidence stupéfiera les résistances se trouve dans le creux des poings serrés de Dieu et apparaîtra nue dans sa vérité à toutes les consciences dès qu’il les eut ouverts. Foin des entrainements de passions convulsives et des considérations de revanche qui risquent de plonger le destin national dans les pénombralités labyrinthiques du chaos. Foin du spectacle répété de la foire aux égos et des théoriciens de la négation de la bienséance démocratique qui se complaisent et s’évertuent inlassablement à nier l’autorité souveraine des injonctions des aspirations profondes de tout un peuple pour assombrir la lueur du plus petit dénominateur commun de consensus réparateur d’espoir, et qui n’aperçoivent d’autre issue pour ce Pays, que l’enlisement dans l’unilatéralisme politique et dans l’adversité méthodique.
 
Face à la puissance destructrice de la division, doit se dresser la force inébranlable d’une barrière qui ne pût être franchie. En écho à l’apothéose du réalisme politique triomphant du futur ancien Président de la République, doit suivre un pragmatisme exaltant à la hauteur des enjeux dans une démarche consensuelle d’envergure égale, car l’histoire n’hésitera pas à comparer ces deux approches entre elles; de savoir si elles conviennent ou disconviennent entre elles; de percevoir le rapport de convenance ou de disconvenance qui les sépare ou les lie dans le sillage laissé par l’étendue d’un mouvement utile dans sa volupté d’honneur et d’abnégation.
C’est pourquoi il nous faut non seulement rechercher en tout point le souci de l’intérêt général pour construire un idéalisme de l’intelligence, de l’action et des valeurs grâce auxquelles chaque citoyen d’État se sente dépositaire et possesseur à travers un IDEAL togolais, mais il nous faut aussi comprendre que le rôle fondamental du Politique n’est pas de prévoir l’avenir pour son peuple mais de le rendre possible. Ainsi donc, le point d’interrogation auquel aboutissent toutes les espérances, et qui est la conclusion générale de toutes, est plutôt tourné vers l’exigence d’un rassemblement républicain d’hommes et de femmes pris dans un même élan salvateur pour arrimer l’ensemble des volontés à une candidature consensuelle sur un programme commun de gouvernement de salut public, et que s’en fussent posés les Actes de ce possible dans une nouvelle dimension afin de relever les défis considérables qui s’obliquent devant nous. Utopie ! diront pléthore d’esprits à l’imagination affaissée, incapables de quelque projection idéaliste que ce fût, et qui ignorent qu’en Politique la raideur de l’utopie peut parfois se tordre sous le poids considérable de la volonté des hommes. Foutaise d’inspiration n’importe-quoi-iste éructeront ceux qui s’abreuvent à la mamelle des ambitions personnelles et qui en tirent la honteuse fétide quintessence nourricière de leur autolâtrie qu’ils s’injectent dans les veines suppliciées de leurs égoïsmes destructeurs, contrariant ainsi la règle des trois unités qui constituent l’unité d’action en Politique.
 
Puissiez-vous imaginer un instant, l’effet stimulant et réconciliateur que cela aurait dans le cœur de nos concitoyens d’État, que de voir ceux qui sont chargés de conduire la destinée collective s’entendre pour désarmer les ressentiments et les haines pour ne s’occuper que de leur bien-être et de l’intérêt général parce qu’ils auraient refusé que la fatalité les eût voués au Culte de l’impossible ! Sommes-nous capables d’un tel dépassement de nous-mêmes pour nous hisser sur les sommets d’une nouvelle dimension, et nous dire qu’il est des moments où le combat politique manichéen doit faire silence pour que soit ressenti jusque dans les veines de la Nation, le souffle puissant de l’effort nationale lorsqu’il en va même de la survie de l’âme d’un peuple désorienté, mais qui a besoin de se sentir aimé, écouté, protégé et d’être le complément d’objet direct des préoccupations de tous les responsables politiques du Pays, tel que le Président de la République vient ainsi d’en donner la mesure et de tracer les chemins d’une nouvelle donne ? S’il y a quelque insuffisance regrettable dans le bilan de ses quinze années d’exercice solitaire du pouvoir, assumons-les sans complexe et n’y songeons plus que pour les réparer. S’il demeure des frustrations et des colères, des ravines de mutilés sociaux charriés par les torrents de misère, n’y songeons que pour accoiser les souffrances à travers une sanctuarisation de la justice sociale et de l’état de droit. Parce que vous avez choisi les racines et les ailes de l’histoire au travers d’une décision qui flotte en nous, en surimpression sur celles hasardeuses et malheureuses qui, d’un coup, s’en fussent anéanties, permettez que j’emprunte à André Malraux son : « Entre ici Jean Moulin…», Pour vous dire : entre ici Faure, sous les voûtes solennelles de l’histoire où s’épandent et s’exhalent les fines effluences de la grandeur et du rayonnement, avec le sentiment extraordinaire d’incarner deux verbes d’état les plus éloquents qui soient : « Être »; « Exister » ! Vous n’êtes plus ce que vous fûtes ; vous n’êtes plus seulement ce que vous êtes, quoi qu’en dise la vérité de certains faits têtus ou quoi que puissent en penser les vouloirs iniques et ce qu’ils espéraient que vous fussiez et que vous en demeurassiez. D’ores-en-avant vous vous êtes immiscé dans le soyeux des replis les plus secrets de nos souches intimes éplapourdies pour Exister dans notre conscience collective qui déploie l’étendard de la félicité en vous ouvrant le cœur des hommes et les portes closes de l’histoire. Qu’il nous soit permis de vivre dans la communion de nos cœurs à mesure que nous y puisions quelque désintéressement inépuisable qui doit s’achever dans l’essor de l’âme de notre peuple au plus haut de ses plus hauts espoirs. Vous venez de laisser un de ces souvenirs immarcescibles, si présents qu’on a pour ainsi dire jamais besoin d’y penser pour se rappeler. Allez Peuple ! Versez! Versez! Emplissez vos verres des bulles pétillantes de votre éternelle reconnaissance, et tous ensemble, levons nos verres à la santé, à la résurrection et au rayonnement d’un destin que les rafales des forces décidées eussent voulu chavirer. Que les vents dominants de l’histoire le soutiennent dans sa montée vertigineuse dans l’empyrée de la sagesse. Et Dieu apparut ; leva sa main ouverte d’où s’échappait le parfum de sa décision. La superficie du Pays ne pouvait contenir le Monde entier venu rendre un hommage apothéotique à l’homme historique et assister à une paisible et émouvante passation de pouvoir sous le regard ému de Dieu, et dans l’essor des applaudissements inaudibles des ombres désassemblées de nos Chers disparus.
 
Cyr Adomayakpor Alban de la Meunière
 
source : La Gazette du Togo
 

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