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Adoption de lois liberticides, embastillement des opposants, musellement de la presse, répression de manifestations hostiles et surtout boulimie du pouvoir. Des dérives instituées en mode de gouvernance dans deux contextes géographique et temporel différents : le Niger de l’ancien Président Mamadou Tandja en 2010 et le Togo de Faure Essozimna Gnassingbé en 2013. Et si l’Histoire n’était qu’un éternel recommencement ?
 
18 février 2010-18 février 2013. Cela fait trois ans que des militaires nigériens ont montré une autre image que celle malheureusement présentée par certains de leurs collègues du continent noir. Dans un sursaut de patriotisme et devant la mégalomanie du Président Mamadou Tandja alias « Tandja 1er », la grande muette nigérienne menée par le commandant Salou Djibo « a pris ses responsabilités ».

Il était une fois le tout-puissant Tandja 1er



Tout commence début 2009. Le deuxième mandat de Mamadou Tandja finissait le 22 décembre. Mais, à l’instar de certains de ses homologues africains, il nourrissait secrètement l’envie de continuer et si possible, de mourir au pouvoir. Il lance alors la campagne « Tazartché » (continuité en langue Haoussa) et veut modifier la Constitution par voie référendaire. « Le peuple demande que je reste, je ne peux pas rester insensible à son appel », dit-il à qui veut l’entendre. Devant les réticences des députés et de la société civile, l’ex homme fort du Niger s’applique à démolir une à une les institutions de la République.
 
Le 26 mai, il dissout l’Assemblée nationale. L’opposition se mobilise et la rue gronde. Les manifestants sont arrêtés, violentés, la presse est mise au pas et Niamey fait la sourde oreille à la litanie de condamnations de la soi-disant communauté internationale. En juin, il s’octroie « des pouvoirs exceptionnels » au titre de l’article 54 de la Loi fondamentale et dissout la Cour constitutionnelle. Mamadou Tandja organise le 4 août, envers et contre tous, « son référendum » couronné par la victoire du « Oui » avec un score évidemment brejnévien : 90%. Mais, le pire reste à venir.
 
Mécontent des invectives, Tandja 1er décide de multiplier les partenaires du Niger et surtout de se rapprocher de la Chine, de l’Iran et de la Libye, des pays qui ont la démocratie en horreur. Le risque était alors grand de voir le mégalomane vendre l’uranium brut nigérien à Téhéran qui cherche avidement à se doter de la bombe atomique. Une visite de ce dernier à son homologue Mahmoud Ahmadinejad était même en étude. Mais, elle ne se fera jamais.
 
En milieu d’après-midi du 18 février 2010, l’homme qui narguait depuis 9 mois ses compatriotes et la communauté internationale s’est terré comme un rat dans son bureau après que des tirs nourris à l’arme lourde ont éclaté devant la Présidence. Mamadou Tandja est arrêté sans coup férir par les mutins signant ainsi définitivement sa mort politique.

Et vint le « tout-puissant » Faure Gnassingbé



Huit ans après son ascension au pouvoir dans des conditions effroyables, Faure Gnassingbé peine toujours à asseoir son autorité au Togo. Plusieurs de ses affidés d’antan et membres de sa famille croupissent aujourd’hui en prison, condamnés pour « tentative de coup d’Etat » ou soupçonnés d’escroquerie. L’opposition regroupée au sein de deux coalitions: le Collectif « Sauvons le Togo » (CST) et la Coalition Arc-en-ciel lui mène la vie dure et la rue réclame hebdomadairement sa démission.
 
Et la situation ne semble pas s’arranger pour le jeune président car, il est contraint d’organiser des législatives, au premier semestre de cette année. Pour sauver la face et clouer le bec à ses détracteurs, Faure Gnassingbé espère gagner cette joute électorale. Mais voilà, son camp politique est au plus mal, et pis encore, aux yeux de plusieurs observateurs, il n’a jamais remporté un scrutin à la loyale au Togo.
 
Les choses se sont, en outre, accélérées ces dernières semaines suite à la sombre affaire d’incendie des deux grands marchés de Kara et de Lomé. Sans attendre les conclusions des enquêtes, le pouvoir met aux arrêts plusieurs membres de l’opposition dont l’ancien Premier ministre Messan Agbéyomé Kodjo, président de l’Organisation pour bâtir dans l’union un Togo solidaire (Obuts). Cette « neutralisation » des opposants a suscité l’indignation du Parti socialiste (Ps) français à travers un communiqué au titre évocateur de « démocratie bafouée » daté du 13 février. Cette sortie médiatique de la formation politique du président français, François Hollande, sera suivie par celle du Front de gauche de Jean-Luc Mélenchon. Tout en s’inquiétant de ces arrestations « orchestrées depuis un mois par le pouvoir en place », ces deux partis exigent la « libération » des détenus. Comme Mamadou Tandja en 2009, Faure Gnassingbé crie à l’« ingérence dans les affaires intérieures » du Togo et invite au respect de la « Justice » de son pays.
 
Le débat était encore vif quand le régime Rpt/Unir/Ufc décida de passer à la vitesse supérieure avec une cible de choix : la presse. En effet, mardi dernier, l’Assemblée nationale a adopté le projet de modification de la loi organique n°2009-029 donnant ainsi d’importants pouvoirs de sanction à la Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication (Haac). Si ce texte est promulgué, la Haac peut, en cas d’infraction, suspendre provisoirement un média de presse écrite ou, dans le cas d’un média audiovisuel, lui retirer définitivement son autorisation d’exploitation. Or, la Constitution de 1992 dispose que « l’interdiction de diffusion de toute publication ne peut être prononcée qu’en vertu d’une décision de justice ». Ce recul en matière de liberté de la presse mobilise les journalistes togolais, la sous-région et plusieurs organisations internationales comme Reporters sans frontières (Rsf).
 
Faure Gnassingbé fidèle à ses habitudes, gît dans un silence retentissant, manœuvrant en sous marin. Le Togo semble figé dans le temps et même les conseils des ministres sont devenus rares. Officiellement, le dernier remonte au début janvier 2013. Pendant ce temps, la misère ambiante, la faim, l’oppression… exaspèrent le quotidien des Togolais dont le destin est suspendu aux instincts souvent diaboliques des zombies politiques avides de la souffrance du peuple.

Faure-Tandja: même combat, même fin ?



S’il est possible de répondre positivement à la première partie de cette question, bien malin qui devinera la deuxième. Mais, les faits sont têtus et les mêmes causes produisant les mêmes effets, beaucoup d’analystes s’interrogent sur l’acte final de la tragi-comédie à la togolaise qui se joue depuis plusieurs années déjà. Certes, le Togo n’est pas le troisième producteur mondial d’uranium indispensable à l’industrie nucléaire, mais ce petit pays garde son importance géostratégique dans le dispositif français dans le Golfe de Guinée (son rôle de base arrière des forces de la Licorne lors de la récente crise ivoirienne en est la preuve). Et, Faure Gnassingbé et ses sbires avec à leur tête le sulfureux Charles Debbasch (condamné en France dans l’affaire Victor Vasarely et principal artisan du coup d’Etat constitutionnel de 2005) n’ont pas jusqu’ici démérité en alchimies pour calmer le courroux des « groupes identitaires et des puissances financières ».
 
Mais, face aux récurrentes atteintes à la démocratie et à leur volonté clairement avouée d’embastiller l’opposition togolaise et de museler la presse, auront-ils les reins solides, la baraka et surtout les arguments pour convaincre les « partenaires » du Togo de soutenir le processus électoral en cours dont ils espèrent sortir avec « plus de légitimité » et s’ouvrir ainsi la voie d’un troisième mandat ? La boulimie du pouvoir empêche trop souvent de lire dans les signes du temps. A trop forcer la nature, elle finit par se retourner contre soi. Dans un Togo à l’horizon obstrué, à l’alternance interdite et où les dirigeants cherchent par tous les moyens à se perpétuer au pouvoir même au prix du sang de leurs compatriotes, la colère du peuple affamé et surtout les pleurs de femmes se transforment rapidement en véritable tsunami. Que celui qui a des oreilles entende…
 
Edem Assignon
 
lalternative-togo
 
 

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