Depuis quelques mois, les choses se passent en Côte d’Ivoire comme si c’était au Togo. De la répression des manifestations à leur interdiction en passant par la mascarade électorale en vue et les tentatives de musèlement des candidats à la présidentielle du 31 octobre 2020, la similitude entre les événements de Lomé et d’Abidjan est manifeste. ADO est allé à l’école de Faure Gnassingbé et semble avoir bien appris ses leçons. 

Avril 2015. Après deux mandats caractérisés par un fiasco général dans la gestion du pays, Faure Gnassingbé rempile pour un 3ème mandat, contrairement à la tendance généralisé dans les pays de la région ouest africaine où tous les pays limitent le mandat présidentiel à deux. Quelques mois auparavant, il s’est fendu d’une sortie des plus provocatrices en déclarant, lors d’un sommet de la CEDEAO à Accra, que la Constitution en vigueur au Togo sera scrupuleusement respectée. En d’autres termes, il comptait profiter de la non limitation du mandat présidentiel introduite dans la Constitution du pays par son père. A l’époque, il formait un duo avec le président-herboriste gambien Yahya Jammeh, qui accumulait, lui aussi, les mandats présidentiels.

Nul ne pouvait s’imaginer qu’alors qu’ils étaient tous d’accord pour harmoniser le mandat présidentiel dans tous les pays de l’espace CEDEAO, les pépés pseudo-démocrates nourrissaient eux-aussi l’envie de mourir au pouvoir en sautant le verrou de la limitation des mandats présidentiels. Alpha Condé et Alassane Dramane Ouattara (ADO) mobilisent leurs troupes pour affronter le peuple.

Mais depuis quelques semaines, celui qui alimente l’actualité sociopolitique dans son pays, à travers ses prises de décisions, reste indéniablement Alassane Ouattara. Depuis le décès de celui qu’il présentait comme son successeur, le « vieillard d’Abidjan » s’est positionné comme la seule personne au sein de son parti à même de briguer la magistrature suprême. Et sa méthode semble inspirée d’un autre dictateur.

ADO comme Faure Gnassingbé

Dans un pays où la population dans sa plus grande majorité aspire à la démocratie dont les socles sont, entre autres, la limitation du mandat présidentiel, les idéologies prônant le pouvoir à vie passent difficilement. Dès 2016, Alassane Ouattara s’est ménagé un tremplin vers un 3ème mandat en organisant un référendum contesté par l’opposition. Cette modification de la Constitution lui autorise légalement de briguer un nouveau mandat, même si la légitimité d’une telle option n’est pas acquise.

Devant le tollé suscite par son référendum, Alassane Ouattara a assuré ne pas avoir l’intention de se représenter pour un nouveau mandat. Cette posture nous est familière dans un pays comme le Togo où Faure Gnassingbé donne l’impression de vouloir quitter le pouvoir tout en travaillant, dans sa mainmise sur les institutions, à une réélection à la tête du pays.

ADO n’a pas seulement appris de Faure Gnassingbé comment se faire passer pour une victime et se dire obligé par la force des choses de porter le flambeau de son parti. « Face à ce cas de force majeure, j’ai décidé de répondre favorablement à l’appel de mes concitoyens », a-t-il déclaré lors de son discours de célébration de l’indépendance de son pays.

Il a aussi assimilé la leçon, celle de durcir les dispositions sécuritaires pour étouffer dans l’œuf toute volonté de contestation. A Abidjan et dans les différentes localités de la Côte d’Ivoire, les manifestations populaires contre le 3ème mandat de Ouattara sont réprimées dans le sang, même celles organisées par les femmes. Les activistes sont mis derrière les barreaux, à l’instar des détenus politiques dont regorgent les prisons du Togo. Le bilan officiel des violences qui ont émaillé les manifestations de la semaine dernière dans plusieurs villes est de 6 morts, 173 blessés et 69 arrestations. Pour couronner cette option de musèlement, Alassane Ouattara décrète la suspension de toutes manifestations publiques jusqu’à la mi-septembre 2020, au nom de l’Etat d’urgence. La décision a été prise lors du Conseil des ministres tenu le 19 août 2020. Ceux qui oseront aller à l’encontre de cette décision trouveront Ouattara sur leurs chemins.

Pépé ADO n’a pas mis du temps à faire comme tout bon dictateur. Ceux qui ont un poids politique et sont capables de ruiner la réélection de Ouattara sont poussés hors du pays. Ceux qui se voient candidats ou ayant déclaré leurs candidatures sont empêchés de rentrer au pays. Le plus illustre dans ce cas, en dehors de Laurent Gbagbo, n’est autre que l’ancien président de l’Assemblée nationale ivoirienne, Guillaume Kigbafori Soro. Comme l’ancien ministre François Boko dont l’embarquement à bord d’Air France a été empêché par Faure Gnassingbé, Alassane Ouattara ferme les frontières à tout vol à bord duquel se trouverait son ancien allié. Pire, il fait délivrer un mandat d’arrêt contre lui pour pouvoir l’arrêter s’il réussit à poser les pieds en terre ivoirienne.

Et ce n’est pas tout. En acceptant « le choix » de ses militants auxquels il a fait distribuer des billets de banque comme au Togo, Alassane Ouattara sait qu’il va devoir passer en force pour pouvoir se maintenir à la tête du pays. Inspiré par les coups de force électoraux de son filleul togolais, il s’est dit assuré de sa victoire. « Nous allons gagner », a-t-il répété, se promettant même une victoire dès le premier tour, comme sait se l’offrir Faure Gnassingbé. Puisque le ridicule ne tue pas, ADO a même brandi une pancarte portant l’inscription « ADO un coup KO ». La mascarade électorale est annoncée et le 31 octobre prochain ne sera qu’un jour de formalité, pour légitimer ce mandat de trop.

En tout cas, les Togolais se souviennent d’Alassane Ouattara comme celui qui a aidé Faure Gnassingbé en provoquant la dislocation de la C14 avec son « cadeau » de 30 millions.

source : G.A. / Liberté Togo

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