Création du nouveau parti de Faure sur fond de transhumance politique

La messe de requiem du RPT a été dite samedi dernier à Blitta. Sur les cendres de ce monstre qui a terrorisé pendant plus de quarante ans les Togolais, est née le même jour à Atakpamé, l’UNIR, entendez l’Union pour la République dont le deuxième homme fort après Faure Gnassingbé, est Georges Aïdam, un ancien dignitaire du « parti des déshérités du Togo ». Zoom sur cet homme qui a dit adieu à ses compagnons de lutte pour rejoindre avec armes et bagages, Faure Gnassingbé, dans son parti « yéyétsoin ».
 
Georges Kwaku Aïdam, c’est le nom du Vice-président du dernier né des formations politiques nationales, nous avons nommé l’UNIR. Lui, il aime Faure Gnassingbé plus que tout au monde. Ses idéaux et convictions, les causes qu’il défend et même ses opinions politiques, il y a renoncé, sans coup férir.
 
Pourtant, c’était à la faveur de la transition démocratique dirigée par Me Joseph Kokou Koffigoh, qu’il a été révélé à l’opinion nationale. Il était nommé Secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Administration territoriale et de la Sécurité chargé des consultations électorales. Un gouvernement qui en somme, n’aura duré que le temps d’un feu de paille, du 30 décembre 1991 à septembre 1992. Soit neuf mois au total. Mais l’homme garda de si bons souvenirs de son passage au gouvernement que la tentation devint permanente chez lui d’y retourner, à tout prix. Après quoi, il fut renvoyé à ses chères études. Mais sa prière de revenir à la charge sera très tôt exaucée. Par qui ? Question pour un champion. Militant de premières heures du CAR, il fut élu député de l’Ogou pendant la première législature de la IVè République. Le CAR de Me Agboyibo était à l’heure de sa gloire politique. Aucune formation politique ne pouvait lui tenir la dragée haute. Sa percée en 1994 (36 députés) rendait témoignage de cette bonne santé politique. Tout allait bien, sinon très bien au sein du parti. Mais en 2003, l’home brûlera la politesse à son mentor en refusant d’être son directeur de campagne lors de la présidentielle de 2003. Arguant qu’il ne pouvait pas assumer une telle fonction. Pour quelle raison ? Grand mystère. Aussi claqua-t-il la porte du CAR.
 
Mais il revint, après la présidentielle sanglante de 2005, faire amende honorable à Me Agboyibo qui le réhabilita au sein du parti, tel le père qui accueillit son fils prodigue lorsque ce dernier retourna au domicile de son papa après des années de rébellion et d’errance. Mieux, il lui accorda une place de choix au sein du gouvernement d’union nationale en faisant de lui son Directeur de cabinet. On était en 2006, après la grave boucherie humaine de 2005 survenue lors de l’accession de Faure Gnassingbé au trône royal et la signature de l’APG (Accord politique global). Là encore, Georges Aïdam se délecta du pouvoir et prit un réel goût à ses délices. Entre son mentor et lui, c’était le parfait amour, la lune de miel. Mais cette symbiose volera en éclat après les législatives de 2007. D’après les recoupements, Me Agboyibo était pressenti pour être reconduit dans ses fonctions de Premier ministre. Et Georges Aïdam, l’Etre dont la boulimie était insatiable prit la directiion du courant qui plaidait en faveur d’une entrée du CAR au gouvernement. Une proposition que déclina Agboyibo, sans doute échaudé par le constat amer de l’érosion de son parti sur l’échiquier politique. Accepter cette offre aurait été un pas de plus vers le suicide ou l’auto-sabordage politique, s’est-il probablement dit. C’était donc la pomme de discorde entre les deux hommes.
 
Pour rappel, le parti à l’emblème du soleil levant ne s’était adjugé que quatre sièges sur les quatre-vingt et un disponibles à l’hémicycle togolais lors de ce rendez-vous électoral. Et selon des sources proches du parti, une telle désillusion électorale a été le déclic pour un auto-examen, une autocritique de la marche politique du CAR. Périclès, ce grand penseur grec des idées politiques et l’un des concepteurs de la démocratie n’a-t-il pas dit que tout système qui ne se soumet pas à la critique ou à l’auto-critique est voué à sa propre ruine ? Soit. Mais pour Georges Kwaku Aïdam, peu importe. Preuve par deux qu’il n’avait qu’une conception purement alimentaire de la politique. Conséquence de cette querelle de clochers, l’ambiance devint pestiférée et très délétère au sein du parti. Et au congrès du 08 avril 2008 qui a porté Me Dodji Apévon à la tête du parti, Georges Kwaku Aïdam, n’a pas été reconduit dans ses fonctions de secrétaire national. C’était la goutte d’eau qui avait fait déborder le vase. Il démissionna à nouveau du parti et ceci, pour la seconde fois.
 
Et pendant trois bonnes années, il était resté aphone et d’ailleurs invisible sur la scène politique. Mais les Togolais ne mettront pas trop longtemps pour savoir ce qu’il est devenu. En 2010, lui et sa femme Célestine Aïdam ont surpris plus d’un en battant campagne pour Faure Gnassingbé. Ils se seraient d’ailleurs fortement impliqués dans les fraudes qui ont émaillé le scrutin de 2010 dans la préfecture de l’Ogou. Pour mémoire, Célestine Aïdam aussi a connu un parcours atypique, presque identique à celui de son époux. En 2006, nous souvient-il, c’était elle qui avait signé l’APG au nom du GF2D, une organisation féministe réputée proche de l’opposition. Elle a plus tard été ministre des droits de l’Homme dans le gouvernement d’union nationale dirigé par Me Yaovi Agboyibo au moment où son époux était directeur de cabinet du Premier ministre Me Agboyibo. Actuellement, elle est, d’après les informations qui nous reviennent, très pressentie comme membre du bureau à venir de la CNDH (Commission Nationale des Droits de l’Homme). Ce serait la récompense de ses nobles et loyaux services rendus au « Fils de la nation ». Comme on le dit, seuls ceux qui se ressemblent, s’assemblent. Militants de l’opposition et défenseurs des droits de l’Homme, Georges Aïdam et sa femme ont très vite fait de retourner leurs casquettes et de rejoindre le parti « yéyétsoin » de Faure Gnassingbé. De là à dire que ces derniers n’ont aucun repère identitaire et n’ont pas d’idéaux ni de convictions politiques, il n’y a qu’un pas.
 
Mais d’un autre côté, ces mouvements massifs des militants du CAR vers les Gnassingbé commencent à éveiller certains soupçons. Hier, les députés Tchégno et Allagbé qui en pleine mandature, ont regagné le RPT, plus tard Christine Agnélé qui a grimpé les échelons au RPT à la vitesse de la lumière et aujourd’hui Georges Aïdam, l’autre transhumant au profit de l’UNIR de Faure Gnassingbé. Y aurait-il un pacte secret entre le CAR et les Gnassingbé, lequel confinerait le premier dans le rôle de vivier pour les seconds?
 
Magnanus FREEMAN
 
 
liberte-togo.com
 

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