La mort du migrant de nationalité malienne Mody Boubou Coulibaly ce lundi 9 mai 2016 à l’Hôpital National de Nouakchott a profondément ému tous les acteurs de la société civile africaine. Le jeune Mody pourchassé par un gendarme mauritanien n’a eu d’autre choix que de sauter du troisième étage du bâtiment en chantier où il travaillait pour tomber sur un piquet de ferraille qui lui transperce mortellement les hanches. Admis à l’Hôpital National de Nouakchott, le jeune migrant mourra quelques heures après. Le seul crime qui lui était reproché était de travailler en Mauritanie sur des chantiers de construction comme maçon sans pouvoir réunir les 30000 ouguiyas (85 euros) nécessaire pour se faire établir une carte de séjour.
 
migrants


Depuis l’instauration en 2012 de la carte de séjour en Mauritanie, les étrangers, et particulièrement les ressortissants de la CEDEAO vivant dans ce pays, ne cessent d’être victimes d’une chasse aux migrants soigneusement organisée par les forces de l’ordre qui tirent partie de la vulnérabilité de ces derniers. Les migrants se retrouvent traqués comme des criminels par des voitures de police, appréhendés dans leur maison et humiliés devant leurs enfants, ou encore arrêtés sur leur lieu de travail parce que sans papier. Il est encore plus choquant de remarquer que se sont majoritairement les migrants originaires du Sénégal et du Mali qui sont plus victimes de ces exactions alors que ces peuples partagent en commun avec la Mauritanie une même histoire depuis l’empire du Ghana voici plus d’un millénaire. Cette chasse aux migrants coûte ainsi la vie à ce jeune homme qui a eu le courage, pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille, d’aller trouver du travail dans un pays limitrophe du sien. Voilà une mère dans un village malien qui vient de perdre son fils de vingt ans au loin et qui ne recevra plus de transfert d’argent pour sa survie par la faute d’une politique répressive des migrants.
 
La société civile africaine condamne ces politiques de chasse aux migrants qui se développent un peu partout sur le continent africain avec l’appui des institutions européennes sous couvert de la lutte contre la migration « irrégulière ». Elle s’insurge également contre le non respect du droit à une vie digne des citoyens africains et la non mise en œuvre, depuis plus de cinquante années d’existence de l’Union Africaine, d’une libre circulation effective sur le continent dont les citoyens pourraient tirer profit. La situation actuelle en Libye en est la triste illustration avec la brigade anti-immigration lourdement armée, grâce à l’appui de l’Union Européenne, qui traque de jour comme de nuit des travailleurs migrants subsahariens, les entassent dans des centres de rétention au lieu de combattre efficacement les trafiquants et les passeurs libyens. De l’Afrique de Sud au Maghreb en passant par l’Angola, la Guinée Equatoriale, le Gabon, l’Ethiopie, le Soudan… la chasse aux migrants est devenue une politique instituée par les chefs d’Etats africains qui pourtant proclament dans tous les sommets des discours sur l’intégration régionale.
 
L’appât de l’aide financière européenne de lutte contre la migration transforme les autorités politiques africaines en de véritables persécutrices de leurs frères et sœurs à la recherche juste d’un travail pour vivre et nourrir leur famille. Cela pourrait rappeler le temps de l’esclavage abolit il y a à peine deux siècles. L’Union Européenne, au détriment de ses valeurs humanistes, et sans honte aucune, externalise ainsi dans les pays africains sa politique migratoire sécuritaire. La société civile africaine en appelle à la commission de l’Union Africaine, à la Communauté Economique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et à tous les chefs d’Etat africains d’écouter la voix de leur peuple et de se lancer résolument dans un réel processus d’intégration régionale. Seul une véritable intégration africaine pourrait empêcher nos pays d’être toujours l’instrument des politiques européennes et permettra d’éviter que de valeureux jeunes, espoir de l’Afrique de demain, se fassent tuer dans d’autres pays sur le continent en cherchant leur gagne pain quotidien.
 
Ont signé au nom de la société civile africaine :
 
L’Observatoire Ouest Africain des Migrations (OOAM)
 
Le Réseau Panafricain pour la Défense des Droits des Migrants (PANDMiR)
 
Le Réseau Caritas – Migration et Développement (MADE) – Afrique
 
Le Réseau Marocain Transnational Migration et Développement (RMTMD)
 




 

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