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Le processus Vérité, Justice et Réconciliation fait désormais partie de l’histoire. Sa fin officielle a été scellée par la publication (partielle) du rapport. C’était le mardi 3 avril dernier, après sa remise à Faure Gnassingbé, le mandant de Mgr Nicodème Barrigah et les siens. Comme il fallait s’y attendre, un programme de réparation et une batterie de recommandations ont été faites, dans l’intention de régler les torts.
 
De toute la période retenue pour ce processus (1958 à 2005), les événements les plus récents sont les violences électorales d’avril 2005, et beaucoup de Togolais auraient bien aimé voir ce dossier élucidé. Mais ils ont été laissés sur leur soif. Qui sont les responsables de ces violences qui auront coûté la vie à un millier de compatriotes, causé la blessure de cinq mille (5000) d’entre eux et envoyé soixante mille (60 000) autres sur les chemins de l’exil ? Qui sont ceux qui ont ôté la vie à autant de compatriotes ? Et leurs commanditaires ? C’est à cette problématique que Faure Gnassingbé a tenté subtilement de répondre. En tout cas à lire entre les lignes.
 
Abass Bonfoh oublié lors des hommages, « réhabilité » pour les violences
 
Lors de la cérémonie de remise à la présidence de la République du rapport (vide) de 300 pages par Mgr Barrigah, le locataire des lieux a (encore) délivré de ces discours mielleux de réconciliateur hors pair. Tout en clôture de son allocution, Faure Gnassingbé a lâché un pardon timide et loin d’être sincère, aux victimes de toutes les violences à caractère politique et autres violations des droits de l’Homme connues par le Togo de 1958 à 2005, emboitant ainsi le pas à son demi-frère Kpatcha, blanc comme neige (sic) dans la survenue des événements de 2005, qui se produisait le 25 mars dernier lors de son audition. « A toutes les victimes et à tous ceux qui ont souffert de ces violences aveugles qui leur ont causé tant de tort et de blessures, je voudrais leur dire Pardon au nom de l’Etat togolais, en mon nom personnel et au nom des Chefs d’Etat qui ont eu à présider aux destinées de notre pays : Sylvanus Olympio Kléber Dadjo, Nicolas Grunitzky, Eyadema Gnassingbé, Abass Bonfoh », a-t-il laissé entendre, et de rassurer : « Je voudrais également leur dire que l’Etat, conscient de leur profonde détresse morale et psychologique, ne ménagera aucun effort pour prévenir et empêcher la répétition de ces actes attentatoires à la dignité humaine » et promettre au prélat et à ses commissaires que son gouvernement étudiera « avec soin et avec la plus grande attention » leurs conclusions et vos recommandations « pertinentes, efficaces et réalistes ».
 
C’est constant, les excuses de tous les présidents connus par le Togo s’imposent. Même s’ils ne sont pas directement coupables, leur responsabilité est engagée du simple fait que ce sont eux qui étaient aux commandes du pays au cours de ces événements. En plus ils avaient juré sur la Constitution de protéger leurs compatriotes. C’est donc à un devoir qu’ils ont ainsi manqué. Et ces excuses auraient beaucoup plus d’effets si tous étaient encore en vie et le faisaient personnellement et de vive voix, et non par procuration tacite à Faure Gnassingbé.
 
Vous l’aurez donc constaté, le nom Abass Bonfoh, l’actuel président de l’Assemblée nationale, a aussi été cité dans la liste. En réalité cela n’a rien de scandaleux, car l’homme avait présidé aux destinées du Togo à la démission forcée le 25 février 2005 de Faure Gnassingbé qui avait capté le pouvoir et voulait terminer le mandat de son Père avant d’organiser les élections, et ce jusqu’au 4 mai 2005, jour où l’ « Esprit nouveau » faisait son come-back et prêtait serment après la parenthèse sanglante d’avril 2005. Et on parie que les inconditionnels du pouvoir et les esprits non avisés devraient commencer à nous faire des procès. Mais venant de Faure Gnassingbé, cela surprend énormément. Et pour cause.
 
Tous les Togolais, de Djankassé à Cinkassé, et même ceux qui n’ont jamais porté le kaki savent que « Dieudonné » a été président du Togo. Et cela se ressent fort bien dans sa démarche, sa posture lors des manifestations officielles et ses déclarations. Comme quoi, même lorsque le roi perd sa couronne, sa démarche ne change pas d’un iota. Mais aussi bizarre que cela puisse paraître, le « Musulman moderne » a été oublié lors des manifestations marquant la célébration en 2011 du 27 avril 1960, manifestations qui se situaient dans le prolongement du cinquantenaire de l’accession du Togo à la souveraineté nationale et internationale. Il vous souvient qu’à l’époque, des stèles avaient été érigées au monument de l’indépendance, et là-dessus trônaient des bustes à l’image des anciens présidents du Togo, avant d’être enlevés dans la nuit du lundi 25 avril 2011. Ces bustes étaient quatre (04) au lieu de cinq (05) : Sylvanus Olympio, Nicolas Grunitzky, Kleber Dadjo et Gnassingbé Eyadéma. C’est la présence du buste de ce dernier qui avait suscité la polémique et contraint les initiateurs à renoncer à ce travestissement de l’Histoire. Le buste d’Abass Bonfoh n’y avait pas été construit, et le bon sens ne pouvait d’ailleurs pas comprendre un tel acte. Cet oubli (sic) avait suscité à l’époque la douce colère de l’intéressé lui-même. Il ne pouvait pas faire du bruit. C’était comme lorsque l’abeille pique au museau une biche devant la tanière d’un lion. Contre mauvaise fortune, il était obligé de faire bon cœur. Mais comme par hasard, Faure Gnassingbé cite aujourd’hui Abass Bonfoh parmi les présidents du Togo. Un geste loin d’être gratuit.
 
Abass Bonfoh, tu es coupable !
 
L’intérêt de cette citation se trouve au niveau du cadre dans lequel l’acte est posé. A l’époque il s’agissait de rendre hommage aux anciens présidents pour avoir contribué à l’accession du Togo à l’indépendance et à la construction de la Nation ; mais aujourd’hui, il est question des violences et violations des droits de l’Homme qui auront coûté la vie à des compatriotes et créé des frustrations. Mieux, il s’agit de la responsabilité de ces événements. Et parlant de la période choisie et des dossiers retenus par la Commission Vérité, Justice et Réconciliation, celui des violences électorales d’avril 2005 était le plus important, ne serait-ce que par le nombre de personnes tuées.
 
Au moment des faits, celui qui présidait aux destinées du pays, et qui avait donc le devoir de protéger les populations, se nommait…Abass Bonfoh. D’ailleurs le ministre de l’Intérieur d’alors, François Akila-Esso Boko l’avait avisé des risques de violences et appelé à surseoir à l’organisation du processus électoral. « Les conditions politiques d’une élection qui réconcilie le Togo avec lui même sont loin d’être remplies. Les passions sont exacerbées et la campagne électorale a été émaillée de violences jamais rencontrées dans l’histoire électorale de notre pays…De sources concordantes, les risques de dérapages sanglants de ce scrutin à l’issue incertaine sont réels et même actuels. Face à ce danger, la poursuite d’un tel processus électoral est suicidaire pour notre pays », lui avait écrit François Boko le 21 avril 2005 au moment où il rendait le tablier, avant de souhaiter : « Puisse le peuple togolais, aidé par vous, faire preuve d’un sursaut national et renoncer à cette aventure électorale dont tous s’accordent à prédire les perspectives apocalyptiques ». Abass Bonfoh n’avait malheureusement pas écouté ce cri d’alarme. Il était de ceux qui avaient traité le ministre de l’Intérieur d’« irresponsable » et de bien d’autres noms d’oiseau. Il avait fait la sourde oreille, organisé le scrutin, et les conséquences ont suivi. Un millier de compatriotes ont été assassinés. Le responsable indirect de ces événements n’est donc pas à chercher loin. Logiquement, c’est lui Abass Bonfoh. Et c’est justement ce que Faure Gnassingbé a voulu lui signifier implicitement, en citant son nom parmi les présidents du Togo, qui demandent « pardon » à toutes les victimes de ces événements malheureux. Et il est particulièrement concerné par les événements d’avril 2005.
 
Abass Bonfoh se croyait sans doute à l’abri et protégé par Faure Gnassingbé, vu que c’est à lui qu’a profité le crime. Le président de l’Assemblée nationale s’enorgueillissait d’ailleurs, dans l’interview à polémique qu’il avait accordée/niée au confrère Tribune d’Afrique. « …Il y a pourtant un fait qui ne devrait pas vous échapper. Lors des manifestations marquant le cinquantenaire de l’Indépendance, je n’ai pas été cité parmi les présidents du Togo ; avez-vous cherché à en connaître les raisons ? Et pourquoi venez-vous vers moi aujourd’hui ? », avait-il dardé, tout imbu de sa personne, après avoir assené : « Tenez-le bien pour dit… je n’ai jamais donné l’ordre à personne de tirer sur qui que ce soit, je peux le démontrer… Je ne me reproche absolument rien», à la question-du confrère : « Le Chef de l’Etat Faure Gnassingbé, dans une interview il y a quelques années, déclinait sa responsabilité, soutenant que pendant cette période il était candidat. A qui incombe alors la responsabilité de tous ces morts ? ». Durant la prolongation des audiences de la Cvjr, Abass Bonfoh a à nouveau nié toute responsabilité dans la survenue de ces violences. Mais aujourd’hui Faure Gnassingbé lui rappelle son passé et semble lui dire : « Abass Bonfoh, c’est à toi d’assumer la responsabilité des violences de 2005 ! ». « C’est au gré du vent, des humeurs et des intérêts du moment. Et Faure sait comment rouler la mécanique. Quand il lui arrive de parler des morts de 2005, du coup, le Bassari Abass Bonfoh devient président, sinon fut président au même titre que Sylvanus Olympio », résume le confrère en ligne lynxtogo.info.
 
En tout cas, c’est un moyen subtil de se défaire d’un collaborateur devenu encombrant. Il vous souvient sans doute que dans le cadre de la polémique sur les allégations de pédophilie qui ont éclaboussé en février dernier le « Musulman moderne », nous vous rapportions dans l’une de nos parutions que le « Leader nouveau » avait mis la pression sur lui afin qu’il rende le tablier. Même si la polémique s’est quelque peu estompée et il bénéficie d’une paix relative, Abass Bonfoh doit simplement comprendre qu’il est en train d’être lâché. En tout cas s’agissant des violences de 2005, Faure Gnassingbé a été on ne peut plus clair à son endroit. A raison d’ailleurs, puisque c’est lui qui occupait le fauteuil présidentiel au moment des faits. Mais à propos, Faure Gnassingbé lui, est-il blanc comme neige ? Qui va assumer la responsabilité des décès enregistrés au cours de son usurpation du pouvoir du 5 au 25 février 2005 ? Ce n’est quand même pas Kpatcha Simliya, le tueur en série des jeunes filles !!!
 
Tino Kossi
 
liberte-togo.com
 
 

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