02 juin 2020. Hier finissait le délai imparti au sieur Falime Tchablinanni Kisito pour qu’il se plie à la décision de la Maison de Justice de Dapaong lui enjoignant de détruire un forage construit au quartier Koutong-Bong.
Au Togo, le problème d’approvisionnement en eau potable n’est plus à démontrer. « Même Dieu est au courant », dirait quelqu’un. Dans toutes les régions du pays, les populations souffrent du manque d’eau de bonne qualité et s’approvisionnent souvent dans des fosses ou des rivières où s’abreuvent également des animaux. Quand par bonheur l’eau arrive dans une localité, c’est l’allégresse au sein de la population.
Ainsi, les habitants du quartier Koutong-Bong de Dapaong (préfecture de Tône) ont accueilli dans la joie la construction d’un forage alimenté par un dispositif à base de panneaux solaires. Grâce à ces panneaux, une partie de la route le long de laquelle le forage a été construit est éclairée. « Il y a 35 ans, nous avons construit un puits pour approvisionner le village en eau. Malheureusement, ce puits a tari et nous souffrons quotidiennement du manque d’eau. Certaines personnes ont promis réhabiliter le puits ou faire un forage, mais elles n’ont pas tenu leurs promesses », explique un habitant de Koutong-Bong.
Dans leur quête, les habitants ont sollicité l’intervention d’un des leurs qui travaille dans le secteur de l’hydraulique. « Les populations m’ont sollicité parce qu’un oncle a promis leur réaliser le forage, mais il est décédé sans avoir pu commencer l’ouvrage. Etant dans le domaine et pour respecter la volonté de mon oncle, j’ai accepté de répondre à leur sollicitation. Nous avons cherché le terrain et d’un commun accord avec les populations, nous avons décidé de creuser le forage à côté de l’ancien puits du village. Quand il a été mis en marche, les populations ont dit adieu aux soucis d’eau. Je n’ai fait que répondre à un besoin vital de la communauté », explique le donateur, Falime Tchablinanni Kisito, réalisateur d’ouvrage de forage de profession.
Malheureusement, l’enthousiasme qu’a suscité la construction de l’ouvrage fait place depuis quelques semaines à la peur de revivre la sécheresse d’antan. Selon les informations, la Maison de Justice de Dapaong a ordonné la destruction du forage à cause de son emplacement. « Quand le forage a été construit, une dame a dit qu’elle est propriétaire du terrain sur lequel se trouve l’ouvrage. Elle a été au cadastre et elle a été déboutée. Mme Guydayeme Gbayoampo s’est alors plainte à la Maison de Justice et le 1er Substitut lui a donné raison en demandant que l’ouvrage soit détruit dans un délai de deux semaines sous peine d’emprisonnement. Pourtant, elle avait été consultée sur l’emplacement du forage, à l’instar de nombreuses personnes dans le village », indique un jeune de la localité.
En effet, nous avons pu avoir accès à certains documents dont un accord de règlement et un engagement. On y lit : « ENGAGEMENT. Je soussigné M. FALIME Tchablinanni Kisito réalisateur d’ouvrage de forage représentant de la Sté DRILÏNG demeurant à Mélina (P/Tône) Cél : 91 13 79 72 / 99 58 95 49 m’engage à détruire le forage et ses accessoires fait sur la parcelle de terrain privé domaine de l’Etat de dame GUYDAYEME Gbayoampo sis au quartier Koutong-Bong de Dapaong (P/Tône) dans un délai de (02) deux semaines à partir de ce jour 18 mai 2020. Passé ce délai de (02) semaines qui court jusqu’au 02 juin 2020 si je ne détruis pas le forage et ses accessoires à savoir le forage, les plaques solaires, les installations d’éclairage public et le polytank, le 1er Substitut de la justice me fera arrêter par la Police ou la Gendarmerie et jeter en prison. Après que je serai en prison, je donnerai l’autorisation à la dame Guydayème de reboucher le forage et détruire tous les accessoires installés sur sa parcelle de terrain privé et dans le domaine de l’état ou dans l’emprise du ruisseau. Outre cette mesure, je m’expose à des poursuites pénales si le délai est passé sans que j’honore cet engagement qui a été pris sur ordre et décision du 1er substitut de la justice de Dapaong pour respect. Fait à Dapaong, le 18 mai 2020 ».
Ce qui préoccupe dans cette affaire, ce n’est pas tant la décision du 1er Substitut de la Maison de Justice de Dapaong. Ce qui inquiète, c’est le fait que les populations qui profitent du forage mis à leur disposition par un fils de la localité soient à nouveau privées d’eau parce que l’ouvrage se situe sur des parcelles n’appartenant pas au donateur. Et pourtant, l’ouvrage a coûté des millions et est d’utilité publique.
Selon le 1er Substitut que nous avons joint, le donateur n’aurait pas observé les conseils à lui donnés. Il a déclaré avoir conseillé, entre autres, au sieur Filame Kisito de négocier avec la dame. Notre souhait est que les deux parties s’entendent afin de garantir à la population l’accès à l’eau. Et puis, un Substitut est-il en droit de faire signer un tel engagement à un citoyen ?
Nous y reviendrons.
Géraud A. / Liberté Togo