En effet, de sources bien introduites, Mohamadou Buhari, vient d’envoyer ce 07 novembre une délégation de trois de ses ministres à la monarchie en fin de règne. Dirigée par le ministre nigérian des affaires étrangères, Geoffrey Onyeama, la délégation porte une lettre très corsée qui attend de Faure Gnassingbé des réponses. Les indiscrétions en notre rédaction stipulent que la lettre serait porteuse de mauvaises nouvelles pour la monarchie. D’abord Buhari voudrait savoir comment le régime compte organiser les élections dans les villes assiégées du pays. Ensuite, elle demanderait l’arrêt de la brimade des musulmans car, poursuivrait-elle, ce sont des brimades ciblées qui ont fait naître la secte Boko Haram au Nigeria. Abuja attend de savoir si la feuille de route en cours d’exécution par Lomé est la même que celle signée le 31 juillet dernier par les chefs d’Etat. En tout cas, c’est l’information qui vient de tomber alors que nous étions sous presse.
De cette réaction du Nigéria à l’atmosphère avec le président Alpha Condé de la Guinée sans oublier la réintégration illico presto du 8ème membre, Pedro Francis Amuzun, de la coalition à la CENI, il n’a qu’un pas. Cette situation ajoutée à la dernière rencontre en Guinée a suscité une réunion le mercredi 7 entre les cadres de la monarchie. Les voix sont discordantes entre les caciques et les modérés sur le sort de Faure G. en 2020. La rencontre houleuse qui a fini tard s’est terminée en queue de poisson. Les choses risquent fort de se précipiter si la monarchie ne change pas sa façon unilatérale de gérer la crise. Une mise au point est attendue d’Alpha Condé contre qui la monarchie marmonne un certain mécontentement pour ce qu’il a appelé un mauvais accueil réservé à sa délégation en Guinée. Lomé II se bat pour garder son président à la CENI et éviter le recensement. Mais entre un panafricaniste Condé qui n’a pas froid aux yeux et un Buhari qui a le devoir de normaliser une région dont il est au volant de la locomotive, on se demande comment ils vont se tirer d’affaire. Panique à bord.
La C14, UNIR et le Comité de suivi de la Crise togolaise étaient chez Alpha Condé à Conakry du Samedi 03 au mardi 06 novembre 2018. A leur arrivée au soir du samedi, le professeur Alpha Condé, président de la République, n’a pas eu le temps matériel pour s’occuper de ses hôtes le dimanche. Les travaux n’ont donc commencé qu’au troisième jour.
Le lundi donc, la coalition a fait le point de la situation par rapport à la gestion unilatérale de la feuille de route par le pouvoir de Lomé. Les deux délégations furent reçues par le facilitateur pour des séances de travail. La C14 fut d’abord reçue en présence du président de la commission de la CEDEAO Jean-Claude Kassy BROU, du général Béhanzin, du ministre ghanéen Kan-Dapaah, représentant le président Nana AKUFFO ADDO, et du ministre guinéen Thibou Kamara.
Le Pr Alpha Condé dit avoir bien saisi les contours de la dernière actualité au Togo par rapport à la crise. Il a déploré n’avoir pas reçu de rapport de la part du comité de suivi des recommandations. Sur cette inquiétude du président, son ministre Thibou Kamara, membre du comité de suivi doit avoir une réponse pour son patron. Le Président Alpha Condé a exprimé son indignation par rapport aux dernières évolutions avant de quitter la délégation en demandant à ce que le travail continue avec le comité de suivi de la CEDEAO afin de lui faire la situation sur deux aspects essentiels de la crise. D’une part, il a demandé qu’il lui soit fait le point sur la mise en œuvre de la feuille de route, c’est-à-dire, qu’est-ce qui a été fait et qu’est-ce qui n’a pas été fait. Au constat, rien n’a été fait et donc, aucune avancée n’a été constatée. D’autre part, par rapport aux mesures d’apaisement, ce qui a été fait et ce qui n’a pas été fait. Ce travail devait être fait en écrit et présenté à toutes fins utiles. Sur ce second point concernant les mesures d’apaisement, aussi, le constat est identique : c’est le dilatoire de la dictature qui fut constaté. Avec le résultat de cette séance, M. Alpha Condé promet d’appeler son collègue Nana Akufo ADDO et les autres chefs d’États concernés.
Par rapport à la présidence de la CENI, Alpha a martelé que c’est un principe acquis depuis le 31 juillet entre les chefs d’Etat : c’est « un spécialiste étranger qui doit diriger la CENI au Togo» et ce spécialiste-président n’aura pas droit de vote. Voilà, entres autres, des dispositions prises par les chefs d’Etat de la CEDEAO que la monarchie cache malicieusement à son opposition.
Dans la foulée, le Professeur a interrogé le Général Behanzi par rapport à la pourriture de la situation au Togo. Celui-ci, dans une démonstration bancale, tente de noyer la C14 en la rendant responsable du non avancement de la feuille de route. Il a, en effet, voulu imputer certaines responsabilités à la C14 afin de sauver la barque du régime. Il n’en faut pas plus pour qu’il soit hué par la Coalition des 14. Lui-même dans ses démonstrations, tentant de joindre un document à l’autre, va d’ailleurs noyer son argumentaire qui finira par ne pas prospérer. La question de la lettre de l’Ambassadeur Garba LOMPO fut évoquée par la C14. Et Alpha CONDE avoua n’être au courant d’aucune lettre et affirma qu’aucun facilitateur, ni le président de la commission de la CEDEAO, ne lui a demandé d’écrire de lettre. La délégation du pouvoir était composée de Gilbert BAWARA, Yark DAMEHANE et Payadowa BOUKPESSI. Elle est, à son tour, reçue par le président Guinéen qui lui a exprimé son mécontentement face au refus d’exécuter la feuille de route. Devant le courroux du président guinéen, les ministres togolais se sont faits tout petits.
Pendant que la seconde rencontre avec le président n’a pas encore eu lieu, dans des démarches solitaires, certains membres de la coalition, nommément Jean Pierre Fabre de l’ANC, Adjamagbo, coordinatrice de la Coalition, et Antoine Folly de l’UDS, sollicitent, à voire Alpha Condé individuellement. Répondant à leur demande, ils ont chacun été reçu à son souhait. C’est alors à se poser des questions. Dans un regroupement comme la Coalition, par ces moments que nous traversons, est-ce que c’est une bonne chose que des membres de la coalition cherchent à rencontrer le médiateur en aparté hors de l’esprit du groupe? Que cachent de telles démarches ? Si elles sont pour la cause de la lutte, qu’est-ce qui empêche de les rendre publiques dans le regroupement et ensuite les analyser afin de les transmettre pour la bonne cause? Si individuellement, ceux qui ont rencontré le médiateur pouvaient chacun expliquer aux Togolais ce qu’il est allé dire, ce serait une bonne chose car ce n’est pas la première fois que cela arrive et ça n’inspire pas confiance quand on travaille en groupe. Et ce ne serait que par devoir de transparence en cette période où on n’a pas droit à l’erreur. Est-ce que ces comportements participer à faire aboutir la cause des Togolais ? C’est juste une question de journaliste.
Après la première rencontre surchauffée où le médiateur a craché des vérités, l’opinion togolais en a eu vent et attendait une sortie de crise heureuse pour le pays. Mais aucun communiqué final n’a sanctionné la rencontre. Malgré ce ton remonté contre la monarchie, n’eut été ses comptes rendus qui semblent précipité la situation du côté d’Abuja, en disant ne pas être informé de ce qui se passait, les Togolais ont de belles raisons de commencer par douter de la sincérité du professeur d’Université dans cette crise. Contrairement à la coalition qui a suivi tout le processus de la visite, la délégation du régime a quitté la Guinée depuis le lundi soir juste après la première rencontre avec le médiateur. Inutile de rappeler que cette séance a obligé les envoyés d’UNIR à se faire petits. Et ils ont dû, après leur rencontre avec le président Condé, quitter immédiatement la ville de Conakry. Les ministres sont donc rentrés le lundi pour parer au plus urgent car leur barque prenait déjà de l’eau. Aucun communiqué final n’a été signé. La délégation de la coalition est arrivée à Lomé le mardi nuit avec la promesse que l’envoyé du médiateur guinéen leur informera des dispositions finales.
Pour sortir le Togo de sa sempiternelle crise, ce ne sont pas les bons textes qui manquent. Mais une chose est de faire des dialogues qui accouchent de textes, l’autre chose est de les appliquer. Si les textes issus de l’Accord Politique Global, l’APG, avaient été appliqués, les travaux de la CVJR n’auront pas été faits. Et si les dispositions de la CVJR de Mgr Barrigah avaient été appliquées, l’actuelle feuille de route n’aurait pas de raison d’être. A moins que la dictature, comme elle sait si bien le faire, ait arrosé certains hommes de terrain de la CEDEAO pour acheter leur silence afin de tronquer la réalité au profit des adeptes du statuquo, il va falloir que le Togo soit considéré comme un Etat en déséquilibre avec l’éthique régionale et traité comme tel jusqu’à sa sortie de crise. Il va falloir mettre des mécanismes qui ne laissent plus la main libre à la dictature d’imposer ses desiderata au Togolais.
Allant du président Buhari à Alpha Condé pour revenir à Nana ADDO, il faut dès maintenant, que la CEDEAO ait directement son œil dans tout ce qui va se faire. Espérons que la voix surchauffée de l’homme fort de la Guinée ne soit pas des discours politiques de trop. Que les décideurs sachent que c’est dans les petits pays que les grands hommes perdent leur renommée et c’est aussi dans les mêmes pays qu’ils inscrivent leur nom dans l’histoire. La coalition ne demande pas de la mer à boire, c’est de la mise en œuvre de la feuille de route signée par la CEDEAO, le 31 juillet 2018 qu’il est question. Quand elle est sortie, les premières impressions à chaud des responsables de la coalition étaient de la rejeter et de battre les pavés. Le régime en avait fait un trophée de guerre. Elles étaient rares, ces formations politiques à avoir anticipé pour reconnaitre que c’était un bon document qui a juste besoin d’une mise en œuvre.
Aujourd’hui, l’unanimité est faite sur le fait que sa seule mis en œuvre est la clé pour obtenir l’alternance. Tout le monde court après la réalisation de cette même feuille de route, la dictature panique et se mélange les pédales à travers des interprétations tellement tronquées que le comité de suivi est revenu à la charge le 23 septembre pour des travaux qui ont accouché des relevés de conclusion afin d’éclaircir les zones d’ombre.
Abi-Alfa
Source : Le Rendez-Vous 334 de ce vendredi 09 Novembre 2018