Contestations électorales en Afrique de l’Ouest
 
Qualifié de modèle démocratique en Afrique de l’Ouest, le Bénin est en proie cette année à une crise post-électorale sans précédent dans le pays. A l’issue du premier tour de la présidentielle du 13 mars dernier, l’ex Dahomey se retrouve, comme la Côte d’ivoire, le Togo, et dans une certaine mesure le Gabon, avec deux présidents. Yayi Boni proclamé vainqueur par les institutions du pays et Me Adrien Houngbédji, qui s’est autoproclamé gagnant. Une auto proclamation qui met de fait cet autre Etat de la sous-région ouest africaine sur la liste des nations du continent en proie à une crise politique.

 
Contrairement au guinéen Cellou Dallein Diallo qui, pour, disait-il, sauver la paix et donner une chance à son pays, a dû prendre acte de la victoire incertaine du Professeur Alpha Condé à la dernière élection présidentielle en Guinée Conakry, Me Adrien Houngbédji, candidat de l’Union fait la Nation (UN), une coalition des forces politiques traditionnelles du Bénin, n’entend pas se laisser marcher dessus. Il croit dur comme fer avoir remporté le scrutin présidentiel du 13 mars 2011 dans son pays, ou du moins il est convaincu que Boni Yayi, le président sortant n’avait pas les moyens de l’emporter au premier tour devant les 13 autres candidats. Et comme huit autres challengers, Me Houngbédji conteste cette victoire frauduleuse du candidat sortant, mais aussi s’autoproclame vainqueur. Le rejet des recours introduits par les uns et les autres devant la Cour Constitutionnelle n’a fait que jeter de l’huile sur le feu. Des affrontements ont été signalés à Porto-Novo quelques heures juste après la proclamation des résultats définitifs au petit matin de ce mercredi.
 
Plus que jamais, Adrien Houngbédji et son staff sont convaincus que tout a été mis en œuvre, avec la complicité des institutions béninoises (Céna et Conseil constitutionnel) pour liquider la démocratie de leur pays. Mais alors, ils n’entendent pas baisser les bras.
 
Dès la proclamation des résultats définitifs par le juge constitutionnel, l’opposant béninois a convoqué la presse nationale et internationale pour une conférence de presse. Là, il a fait état de sa stratégie pour jouir de sa victoire et se faire reconnaître seul président de la République du Bénin. « Lors de la présidentielle béninoise du 13 mars dernier, le peuple n’a pas fait le choix de Yayi Boni. Il y a tout au plus une tentative de le lui imposer. Nous avons gagné cette élection. Le président librement élu par ce peuple à la régulière et sans fraude n’est autre que le candidat de l’UN », a déclaré Me Adrien Houngbédji, au cours de la rencontre. D’après lui, en proclamant Yayi Boni définitivement élu à l’issue du premier tour de l’élection présidentielle du 13 mars, « la Cour constitutionnelle confirme sa décision rendu à titre provisoire le 20 mars, en faisant fi des irrégularités massives avérées qui font de ce scrutin une parodie d’élection et une honte pour notre démocratie ».
 
Ce qui se passe au Bénin, explique-t-il, « n’est pas un épiphénomène. Il s’agit bien d’une attaque en règle contre notre démocratie et l’Etat de droit ». Pour lui, « cette décision de la Cour constitutionnelle ouvre une nouvelle étape de la longue lutte du peuple béninois pour la conquête des libertés et de la démocratie ». En conséquence, il appelle ses militants à la résistance. « Aux millions de Béninois qui m’ont accordé leurs suffrages, à toutes les forces vives de la nation, je dis que les dictatures se nourrissent du silence, de nos hésitations et de nos peurs. N’ayons pas peur ! Nous devons résister à la liquidation de notre démocratie ».
 
A Cotonou, cette sortie musclée de l’opposant est bien accueillie par ses militants et sympathisants qui eux aussi, à la suite de leur leader, semblent décidés à en découdre avec le camp d’en face. Quitte à perdre leur vie.
 
C’est ainsi que d’après les informations en provenance de la capitale politique béninoise, quelques heures après la proclamation des résultats définitifs par la Cour constitutionnelle, des affrontements ont été signalés entre militants de l’opposition et forces de l’ordre. Les manifestants, écrit le journal « L’Evènement Précis », ont été stoppés net par les forces de l’ordre qui ont fait usage de grenades lacrymogènes. Deux heures plus tard, les sources indépendantes disent avoir constaté l’accalmie à Porto-Novo.
 
Par ailleurs, pendant qu’une partie de la population béninoise conteste la victoire du chef de l’Etat sortant, ce dernier reçoit des télégrammes de félicitations de la communauté internationale. Tour à tour, José Manuel Durao Baroso, président de la Commission de l’Union Européenne et Nicolas Sarkozy, chef de l’Etat français lui ont adressé des félicitations. Voilà qui doit convaincre les Béninois du complot organisé contre eux !
 
Rappelons que le scénario béninois n’est pas historique en son genre sur le continent. Les Togolais en ont l’expérience. Après Bob Akitani en 2003 et 2005, Jean-Pierre Fabre, candidat du Frac (Front Républicain pour l’alternance et le changement) s’est proclamé vainqueur de la présidentielle de mars 2010 dans son pays et mobilise, depuis lors, les militants des partis du front chaque week-end à travers des marches de protestation dans les rues de Lomé.
 
Cette démarche sera reprise en Côte d’Ivoire par Laurent Gbagbo, défait par Alassane Ouattara selon les résultats du second tour de la présidentielle ivoirienne proclamés par la Commission électorale. Même si aujourd’hui, avec la défection du Général Philippe Mangou, chef d’Etat major de l’armée ivoirienne jusque-là loyale à Gbagbo, la récréation semble terminée et les carottes cuites pour le président sortant, il y a lieu de noter que depuis le 28 novembre 2010, le pays a vécu une situation historique avec deux présidents ; l’un proclamé par la Commission électorale et reconnu par la communauté internationale, y compris l’Ua (Union africaine) et la Cédeao (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest), l’autre proclamé par le Conseil constitutionnel et soutenu par de hauts gradés de l’armée ivoirienne.
 
Au Gabon, après avoir pris malgré lui acte de la victoire du fils de l’ancien président de la République gabonaise, Ali Bongo, à la présidentielle d’août 2009 dans son pays, l’opposant André Mba Obame, suite aux révélations d’un documentaire de la chaîne française France 2, s’est autoproclamé président de la République du Gabon.
 
Par ailleurs, ce faux pas de la démocratie béninoise ressemble à tout prendre à celui de la démocratie malienne en 2002. En effet,  lors de la présidentielle organisée cette année là, les opposants maliens ont boycotté le scrutin, déclarant que les conditions de transparence et de liberté n’étaient pas réunies. Le Professeur Alpha Omar Konaré sera alors réélu, portant alors un coup à la jeune démocratie de ce pays. Mais aujourd’hui, tout semble rentrer dans l’ordre. Espérons de même pour le Bénin.
 
En un mot, avec la révolution populaire en Afrique du Nord et les crises post-électorales en Afrique subsaharienne, tout porte à croire qu’un vent de changement souffle à nouveau sur le continent, après celui dit de l’Est des années 1990.
 
A.N.
 
source: liberte hebdo

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