Bénin-Législatives 2023 : Haine, ruse, tribalisme et ivresse du pouvoir, Talon paie le prix de ses obsessions
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Venu en chef gang et en guerre contre les institutions que l’homme d’affaire détestait, Patrice Talon perd pieds lors des premières élections, relativement transparentes, qu’il a organisées. L’autocrate béninois qui s’est beaucoup investi dans le développement doit tirer les leçons, les béninois contestent sa propension à l’autoritarisme. Et surtout, libérer Reckya Madougou injustement emprisonnée et dont le parti a arraché sa part de lion, s’impose à lui. Décryptage.
C’est à 20 Km de Porto-Novo que dans la cour d’une lugubre prison, une femme savoure cette victoire en téléchargement. Reckya Madougou. Détenue depuis près de deux ans pour avoir osé être candidate contre Patrice Talon, cette technocrate de 48 ans est devenue le symbole de tout un peuple. Avec Joël Aïvo, condamné à ses côtés à 10 ans de prison alors que Madougou en a pris le double, le duo est devenu l’ultime espoir d’un peuple qui a vu sa démocratie s’éteindre à coups de « talonades ». Ces premières élections sobrement libres ont permis de secouer le président et de lui remettre les idées en place alors que d’autres rendez-vous électoraux plus importants s’annoncent. Tous les regards sont tournés vers 2026 où Talon ne pourra pas briguer un troisième mandat, ne pouvant pas disposer des 4/5 de parlementaires indispensables à une modification constitutionnelle. Plus rien ne sera comme avant pour la démocratie béninoise.
Malgré le fichier électoral douteux
Le fichier électoral est pourtant l’un des plus douteux de la sous-région car depuis 2016, il a été modulé à la taille des seuls candidats de la majorité présidentielle. La mise à l’écart systématique de l’opposition lors des législatives de 2019 et des municipales un an plus tôt ainsi que la présidentielle de 2021 a fini par convaincre les militants de l’opposition de ne pas se mobiliser, conséquence, un fichier qui semblait largement acquis à Patrice Talon. C’est d’ailleurs certain de la victoire de son monstre siamois, Union progressiste (Up) et Bloc républicain (Br), que le président béninois a finalement laissé l’opposition prendre part au scrutin après avoir tenté de l’écarter. Mais profondément attaché aux acquis démocratiques qui ont fait sa renommée et déterminé à sauver ce qui reste des institutions, le peuple béninois a barré la voie à Patrice Talon. En douceur. Les premiers résultats, sortis des urnes, donnent Les Démocrates en tête et alors qu’en écartant l’opposition, Talon avait la totalité des députés de l’Assemblée nationale, il perd pieds. Et devrait s’attendre à d’autres élections intermédiaires plus catastrophiques pour son camp d’ici la présidentielle de 2026.
La forte pression américaine
La souplesse de dernière heure du président à
Leçons d’une défaite
Cette défaite, Patrice Talon la doit à trois principaux facteurs auxquels ont su s’ajouter d’autres. D’abord, son obsession hystérique à vouloir abolir la démocratie. Il y est arrivé plus ou moins en saccageant les institutions, en brimant les autres opposants et en contraignant à l’exil les principaux leaders d’opinion après avoir méprisé, humilié et maltraité son prédécesseur. Yayi Boni a été assigné à résidence, très malade et privé de soins, pendant près de deux mois. Il était le meneur de la campagne des Démocrates après avoir payé les 168 millions (260.000€) de caution nécessaire à une liste électorale au Bénin. Ensuite, son hostilité hérétique à la contradiction. Le président a sans doute une vision, mais il entend l’imposer à tous en méprisant par la ruse et la méchanceté toute voix discordante. Enfin, l’ivresse de la puissance qui lui a fait croire que tout est joué et qu’il est maître absolu du jeu politique. Un peuple longtemps démocrate comme les béninois ne se laissent pas duper aussi allègrement. A cela s’ajoute une piteuse tribalisation de la mécanique politique avec une douce haine à l’égard des populations du septentrion. Talon les tient en aversion systématique si ce n’est culturelle. Originaire du sud du pays, il a cultivé, dans une enfance semi-bourgeoise cette propension « quolibettante » à se moquer des « toménou », gens de pays lointains, désignant le nord.
Tout cela a contribué à mobiliser les béninois contre un président qui a pourtant réformé le pays et engagé de grands travaux. Et s’il n’étrangle pas la démocratie à nouveau, c’est le début de sa pimpante décrépitude.
MAX-SAVI Carmel, Afrika Stratégies France