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Dans un article intitulé « Intervention militaire au Mali ; l’illégalité de la participation du Togo, absence de protection des Togolais vivant au Mali, omerta sur le coût financier pour le contribuable », votre journal, dans sa livraison n°1380 du 25 janvier 2013 stigmatisait les conditions dans lesquelles les troupes togolaises ont été envoyées au Nord-Mali. Sans l’autorisation du parlement. Mais depuis vendredi dernier, c’est fait. Le gouvernement l’a eue. Néanmoins, c’est la question de son utilité et de son opportunité qui demeure posée.
 
S’il est vrai que Faure Gnassingbé, en tant que Chef de l’Etat togolais reste le Commandant en Chef des Forces Armées Togolaises, il n’en demeure pas moins qu’avant d’engager les troupes togolaises dans un conflit qui plus est, se déroule au-delà des frontières nationales du Togo, il devrait obtenir l’autorisation parlementaire. Des dispositions analogues existent dans les constitutions de nombreux pays, dont la France, le Bénin, etc. Et si ailleurs, la procédure a été respectée, ici en revanche, seul Faure Gnassingbé a décidé, et un total de 879 soldats togolais devraient, dans le cadre de la Mission de Soutien au Mali, appuyer les troupes françaises engagées dans ce pays depuis le 11 janvier et très actives sur le terrain.
 
En effet, en France, en lieu et place d’un débat national sur l’opportunité d’une intervention française dans le conflit au Nord-Mali, un conseil de guerre a néanmoins été tenu, permettant d’évaluer les forces et les faiblesses de la France, le coût d’une telle opération, les probables mesures de rétorsion des islamistes et djihadistes contre les intérêts et ressortissants français et les éventuels remparts. Au Bénin, Boni Yayi a, le 18 janvier 2013, fait un discours à la nation pour annoncer la légitimité de la participation des troupes béninoises à la bataille au Nord-Mali, et demandé le soutien du peuple béninois. « En combattant les actes de terrorisme, d’insécurité et d’intolérance religieuse au Mali, nous nous prémunissons ainsi de leur répercussion et de leur contagion dans notre sous-région pour garantir la paix et la sécurité, conditions indispensables au développement durable de nos pays», dixit le numéro un béninois.
 
Silence radio du côté de Lomé !
 
Sur la participation des troupes togolaises, aucune information n’a vraiment filtré. Aucune démarche officielle entreprise par Faure Gnassingbé auprès des parlementaires pour obtenir leur autorisation. C’est au journal télévisé de 20 heures sur la Chaîne TVT que les Togolais, les parlementaires y compris, apprendront que le Togo envoie ses troupes au Nord-Mali. Et pourtant, le principe posé en la matière par l’article 72 de la Constitution togolaise est et demeure clair : « Le Président de la République est le chef des Armées. Il préside les conseils de la défense. Il déclare la guerre sur autorisation de l’Assemblée nationale. Il décrète la mobilisation générale après consultation du Premier Ministre ». « L’autorisation de l’Assemblée nationale, ce n’est pas un simple courrier ordinaire signé par son Président. Elle est forcément précédée d’un débat au cours duquel les différents ministres concernés par l’opération sont soumis aux questions des députés. Au ministre de la Défense, les élus du peuple peuvent demander à connaître les moyens logistiques et le nombre de militaires togolais qui seront déployés, à ses collègues de la Sécurité et des Affaires étrangères les mesures de protection des compatriotes vivant au Mali, à celui des Finances l’ardoise de cette participation pour notre pays… », expliquait un ancien parlementaire. Mais que nenni. Faure Gnassingbé a décidé ou du moins a exprimé sa volonté et ses collaborateurs ont dit « Amen ! » sans savoir ni se demander de quoi cette mission retourne, tant en termes logistiques, de coût financier, d’éventuel bilan humain. Quoique le bien-fondé d’une telle mission ne soit pas sujet à caution, la procédure d’engagement des troupes togolaises dans le conflit malien appelait des observations critiques car violant la disposition n° 172 de la Constitution togolaise.
 
Tentative de régularisation de la procédure, à quelle fin ?
 
Vendredi dernier, Le Col. Yark Damehane, ministre de la Sécurité et de la Protection civile et le Général Atcha Titikpina, Chef d’Etat major général des FAT appuyés de bien d’autres personnalités, étaient face aux députés. Objectif : obtenir, certes à retardement, le quitus parlementaire à l’intervention du Togo aux côtés des forces libératrices du Nord-Mali. Bref, le gouvernement cherchait une régularisation de la procédure qu’il a obtenue d’ailleurs.
 
A l’occasion de cette session parlementaire où toutes les questions citées plus haut ont été abordées, Yark Damehane et Atcha Titikpina se sont expliqués sur les réelles motivations de cette intervention du Togo, ont évoqué la question du coût de l’opération pour l’Etat togolais, celle des gains des éléments faisant partie de la mission.
 
Combien va coûter au contribuable togolais la participation de notre pays à la Misma? Le gouvernement va-t-il communiquer là-dessus ? Eh oui ! C’est fait. 500 millions FCFA, c’est le fonds de roulement des opérations ; dont 200 millions ont permis de remettre en état des véhicules et engins lourds ; 50 millions FCFA pour remettre en état l’habillement, 50 millions FCFA pour remettre en état de l’hôpital niveau 2 ; 100 millions pour assurer l’alimentation des éléments 30 millions FCFA pour le carburant ; 35 millions pour la location de TLN ; 15 millions pour l’achat de matériel de transmission et 20 millions comme avance payée sur les primes de terrain. 100 véhicules et 4 motos seront également mobilisés pour la mission.
 
Le bon côté des choses, dixit le Général Atcha Titikpina, c’est qu’au retour de cette mission, chaque militaire percevra 2 millions 400 F CFA comme prime de participation payés par les nations unies. « Ces missions améliorent les conditions de vie des militaires togolais et surtout constituent une valeur ajoutée à l’économie nationale ». Selon lui, « plus de 3 milliards de F CFA sont injectés chaque année dans l’économie provenant des primes perçus ». Et en cas de décès d’un soldat, les Nations Unies versent 50. 000 dollars à la famille du défunt.
 
Sur les éventuelles mesures de représailles des islamistes contre les intérêts et/ou ressortissants togolais, le Col. Yark Damehane se veut rassurant et claironne que le Togo dispose des meilleurs services en matière de renseignements et de sécurité. Comme quoi, toutes les dispositions seraient prises pour éviter aux ressortissants togolais au Mali ou ailleurs, d’être la cible de ces djihadistes délogés ou du moins en pleine déconfiture dans ce conflit.
 
Au-delà de l’aspect informatif que revêt cette session parlementaire, que peut-on en tirer d’autre ? Visiblement pas grand-chose, quoique le Parlement ait donné son autorisation à cette opération. Car non consulté avant l’envoi des troupes togolaises et mis devant le fait accompli, le Parlement pouvait-il asséner un cinglant camouflet au gouvernement en décidant du retrait des troupes togolaises de ce conflit ? Si théoriquement cela est du domaine du possible, matériellement, ceci devient difficile voire impossible à envisager. Ajouté au fait que Faure Gnassingbé dispose d’une majorité mécanique à l’Assemblée nationale, le débat qu’il y a eu à l’Assemblée nationale, et à retardement encore, n’a qu’une portée symbolique. Le vrai débat, pour avoir tout son sens du point de vue de la légalité, aurait dû avoir lieu avant l’envoi des troupes togolaises au Nord-Mali. Organisé a posteriori, il ne s’apparente qu’à une diversion.
 
Magnanus FREEMAN
 
liberte-togo
 
 

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