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Malgré le concert de désapprobations nationales et internationales, Faure décidé à inscrire le Togo sur la liste des pays peu fréquentables au monde (Analyse)
 

Togo – Le premier ne dit jamais rien lui-même, hormis ses sorties mécaniques et stéréotypées des 26 avril et des 31 décembre de chaque année. Le second a balancé récemment et de façon péremptoire que notre pays n’a pas de leçon à recevoir de qui que ce soit. Le duo ne semble pas cependant trop influencé par les cris d’alerte et les condamnations venus de Paris et de Bruxelles. En faisant modifier la loi sur la HAAC et en continuant à harceler les responsables du CST, Faure Gnassingbé et Ahoomey-Zunu montrent en réalité que rien n’est en mesure de les ébranler. Jusqu’à quand?

 

Le harcèlement continue



Alors que le ministre de la sécurité a rendu publics des résultats d’enquête, alors que une vingtaine d’innocents a été jetée en prison sous le chef d’accusation d’association de malfaiteurs dans le dossier des incendies, sous la bénédiction du Procureur qui ne sait pourtant pas quand et comment on arrête des citoyens dans l’affaire dont il est l’enquêteur en chef, les avocats responsables du Collectif Sauvons le Togo (CST) ont été contraints le mardi dernier à passer toute la journée à la gendarmerie. Motif :
 
l’enquête continue. Pis, leurs domiciles ont été perquisitionnés. Vous pouvez imaginer ce que les perquisitionneurs cherchent : des preuves de la responsabilité de ces hommes de droit dans les incendies des marchés. Le fait a arraché à un observateur une remarque qui prend la forme d’une question : « cette perquisition est surréaliste puisque si ces avocats avaient des documents compromettants chez eux à la maison, les auraient-ils gardés jusque-là, après qu’on a jeté en prison leurs camarades de lutte dans la même affaire ? »
 
La question porte en elle la réponse la plus simple et la plus naturelle. Elle autorise à penser que, ni plus ni moins, c’est le harcèlement des adversaires politiques qui continue. On ne comprend pas en effet que, en dépit de toutes les condamnations et de toutes les remarques objectives établissant sans le moindre doute le caractère irrégulier des arrestations dans le dossier des incendies, le pouvoir togolais avance tête baissée et yeux fermés. Avec feu Eyadèma, on a été habitué à la formule chantée par les vaillants animateurs et animatrices de la révolution togolaise : « les chiens aboient, la caravane passe ». La formule est-elle toujours à l’ordre du jour à l’ère du fils ? Difficile à croire puisque Faure Gnassingbé a déclaré que « lui c’est lui, moi, c’est moi ». Mais en réalité, il n’en est rien. Il est toujours risqué d’avoir des opinions opposées à celles du pouvoir dans notre pays. Quand on refuse de baisser la garde et de jeter l’éponge, ouvertement ou sous le couvert d’un accord de collaboration, on doit s’attendre à toutes les brimades, tracasseries et humiliations. C’est la logique du harcèlement.


Pourtant, c’est simplement ce que M. Cambadélis du Parti socialiste français a écrit dans le communiqué qui a dérangé les pontes du pouvoir et du parti qui l’incarne. « On ne fait pas un dialogue franc en arrêtant ses opposants » a-t-il mis dans le communiqué de quelques lignes. Il a eu droit à une réponse prolifique qui lui a reproché «un parti pris aveugle ». En réalité, la journée éprouvante qu’on a fait subir aux avocats Ajavon, Afangbedji et Kpande-Adzaré ne donne-t-elle pas raison à M. Cambadélis ? On annonce que les trois avocats devraient passer devant le juge d’instruction dans la journée d’hier. Si on les avait inculpés, qui aurait encore raison ? Au Togo, on n’admet pas l’évidence, on a pris goût visiblement à la politique d’autruche.

Liberté de presse conditionnelle

 
Non satisfait de poursuivre le harcèlement contre les responsables du CST qui ont commis le crime de lèse-majesté de faire ajourner les élections prévues constitutionnellement pour le dernier trimestre 2012, le pouvoir de Faure Gnassingbé fait modifier la loi organique de la Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication (HAAC).
 
Malgré toutes les condamnations, en dépit de toutes les protestations et surtout de la remarque ô combien pertinente de l’anticonstitutionnalité de la modification, on est allés au bout de la logique. Dorénavant, la HAAC n’a plus besoin d’une décision de justice pour suspendre un programme de radio, retirer l’autorisation d’installation aux radios et télévisions ou encore contraindre une rédaction à mettre la clé sous le paillasson.
 
La modification intervient dans un contexte marqué par une vive contestation des pratiques politiques et judiciaires dans le pays. Du point de vue des observateurs et analystes, le pouvoir tente sûrement de dire qu’il n’est nullement ébranlé par ce concert de critiques et de haro. Il a envie vraisemblablement de narguer davantage tous ceux qui sollicitent de sa part un peu de mesure, de retenue et de réalisme. Autrement, rien n’explique qu’il ait laissé les députés à l’Assemblée nationale voter la modification de la loi organique de la HAAC. Pour l’avoir fait, le pouvoir apporte de l’eau au moulin de ceux qui pensent et soutiennent que ce pouvoir est l’un des plus extrémistes et des plus jusqu’au-boutistes du continent.
 
Extrémiste et jusqu’au-boutiste mais aussi liberticide. La modification est l’expression de la volonté à peine feinte de réduire au silence les médias et les journalistes qui ne savent pas se taire. La procédure suivie de même que les attitudes adoptées par certains confrères bien avant le vote ne trompent pas sur la réelle motivation de la mesure. Des émissions radio comme « Dunenyon » qui d’ailleurs fait l’objet d’une procédure judiciaire en instance au tribunal de Lomé, « Fréquence Actu », « Auditeurs Actu, des radios telle Légende FM, des journaux indépendants comme Le Correcteur, Liberté, l’Alternative, Le Triangle des enjeux, entre autres sans oublier les magazines satiriques « Sika’a » et « Pipo » ont des raisons de se mettre martel en tête. Leur liberté de ton et leur fierté d’être pleinement journalistes, des journalistes qui refusent de se faire complices des bourreaux, des criminels et des fossoyeurs de l’économie ne plaisent pas et dérangent.
 
Le paradoxe, c’est que lorsqu’on donne à la HAAC le pouvoir de fermer des radios et des journaux, peut-être par humeur ou pour faire plaisir à quelqu’un, on parle encore de liberté de presse renforcée, de moyens donnés aux journalistes pour mieux exercer leur métier. Sûrement de l’impertinence.
 

Une logique dangereuse

 
Le concours des événements malheureux de la poursuite du harcèlement des opposants et de la modification de la loi organique de la HAAC ne fait que mettre en emphase la situation inquiétante dans le pays. Des élections législatives attendues depuis le dernier trimestre 2012 ont de la peine à se tenir parce que des forces politiques et non des moindres se sont fait un défi de ne plus laisser faire des élections juste par convenance ou pour la forme. En sus, la presse critique et non complaisante ne relâche pas la pression, ne manquant aucune occasion pour crier haro sur la mauvaise gouvernance, les violations des droits humains et la volonté de pouvoir éternel.
La situation est telle qu’on se demande si, 8 ans en arrière, quelqu’un aurait pu imaginer que la gouvernance de Faure Gnassingbé sera ainsi. Avec feu Eyadèma, tout le monde savait à quoi s’attendre. Avec le fils, il est difficile de croire que le chantre de la modernité et du « lui c’est lui, moi c’est moi » ait perdu le nord au point de tomber dans les mêmes travers que son feu père. Si le PS français a été obligé d’élever la voix, c’est peut-être parce qu’il est déçu de constater que les promesses portées par Faure Gnassingbé deviennent de plus en plus des illusions et des chimères. Le pouvoir de Faure Gnassingbé peut-il se ressaisir et réorienter sa gouvernance ? La question est grande, tous les Togolais se la posent avec crainte et tremblement. La logique actuelle est dangereuse. On ne gagne pas tous les jours à la roulette russe, le sort du pays en dépend.
 
Nima Zara
 
le correcteur
 
 

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