Senouvo_Agbota_ZINSOU_500


Que l’année 2016 soit celle de la paix, mais quelle paix? Non pas celle chantée dans un hymne hypocrite, que l’on est en même temps prêt à faire voler en éclats, les voix humaines la chantant vite remplacées par le cliquetis des armes et les bruits de bottes, dès que le clan usurpateur qui piétine les aspirations du peuple à la vraie paix se sent menacé,
 
Non pas celle claironnée par des bouches pleines et gonflées à côté des ventres qui dans leurs mouvements se vident du peu d’air que contiennent les poumons, des hanches saccadées, des reins cassés, tous cependant fondus dans un creuset national de cinéma d’animation,
 
Non pas celle de la soldatesque qui a le droit de pénétrer dans les maisons, en service commandé ou de son propre chef, pour battre, molester, massacrer au besoin des citoyens qui ne demandent qu’à vivre en paix,
Non pas celle des corps charriés pour bourrer des charniers secrets qui attendent d’être un jour découverts,
 
Non pas celle des maisons, des familles endeuillées, parce qu’un homme ou une femme dont la vie, les opinions, la lutte dans l’arène politique déplaît au pouvoir,
Non pas celle cachant derrière une colombe de marbre froid une horde sauvage et turbulente de fauves prêts à dévorer, à massacrer,
Colombe nourrie de sang de son et de cendre, érigée pour fourvoyer les hommes, brouiller l’horizon, égarer le peuple en le livrant à son pire ennemi,
 
Pas la paix de la fin « sans nous », du déluge, de la tempête déchaînée quand le trône chancelle, tremble, paix violente, aussi meurtrière, aussi bestiale qu’une armée de fauves déferlant sur des hommes, des femmes, des enfants dormant paisiblement dans leurs cases sur leurs nattes ou mangeant leur repas de pâte de mil arrosée de sauce à la viande où l’on croit dénicher une tête de pintade,
 
Non la paix que l’on garantit en pesant sur la même balance le plumage d’un oiseau sauvage mort et la barbe d’un homme vivant, le plumage déclaré plus lourd, donc vendu plus cher que les poils de l’homme,
Pas la paix des bêtes en faveur desquelles on envoie des blindés militaires broyer des hommes, des femmes, des enfants qui ne veulent pas les laisser dévorer la chair, les champs, les écoles, les chaumières des humains,
Non pas la paix de ceux qui pensent clan, ethnie, région, prompts à semer la division, en lieu et place d’une vision de la nation à construire, pierre par pierre, pierres sur pierres venues de différentes origines, mais toutes taillées, patiemment polies d’esprit, dimensionnées pour que l’édifice tienne dans l’harmonie et l’équilibre, pour durer et non pour être renversé, balayé par un vent de violence, d’égoïsme ou de luttes tribales,
 
« La paix, la paix, ô Dieu, la paix », mais la vraie pour chaque citoyen quel qu’il soit, pour chaque foyer, chaque quartier, chaque village, chaque agglomération
 
Que l’année 2016 soit celle de l’avènement de la démocratie, non celle de l’atermoiement, éternuement, toussotement, démo…démo…le mot, plutôt la chose laissée en suspension, qui n’atteint pas sa plénitude, au contraire se réduit, en sorte qu’il n’en reste que des détritus, détritus des valeurs démocratiques dont se gave un certain clan, clan pas forcément celui du lien, même si c’est le sang d’abord, puis les serviteurs du sang donc du clan prêts à verser le sang, à sucer le sang du peuple de diverses manières, l’essentiel étant de s’engraisser,
 
La démocratie, non celle des mots qui tombent dans l’oreille d’un sourd et que pourtant l’on recommence à lui asséner au point que plusieurs fois martelés sur l’enclume, ils s’aplatissent, perdent en poids, en dimension, s’effritent, sont réduits en poudre, pour saupoudrer de poussière de mots ce que l’on croyait être des institutions, des partis, toute la vie politique sous la poussière, enfouie de jour en jour,
 
Non pas la démocratie des charlatans « boko », marchands de démocratie de pacotille, ennemis du vrai savoir, de la vraie lumière, de la réflexion, ceux qui préfèrent se nourrir des étroitesses et des aberrations du système à papa, tout aussi obscurantistes dans le fond que les méthodes de boko haram,
 
Que les cloches de 2015 sonnent la fin des règnes des princes héritiers qui foulent aux pieds les principes de la vraie démocratie et qui cachent leur vrai nom derrière une démagogie permanente, infantilisante, puérile, au lieu d’écouter le peuple, Bodémakutu II et coterie, attardés creusant en réalité la tombe de l’avenir.
Que l’année 2016 apporte à nos concitoyens la santé, non pas celle que l’on court en vain chercher dans les hôpitaux-oripaux, même celui revêtu d’un grand nom comme pour un carnaval, mais à l’intérieur desquels on découvre simplement le vide, vide de médicaments, vide de soins, vide même de chaleur humaine, vide d’humain et finalement, royaume de spectres, de fantômes, de la mort.
 
Sur un autre plan, que ceux qui sont en charge des prisons comprennent, en cette année 2016, que les femmes et les hommes qui y purgent leurs peines, ne sont pas des morceaux de bois, encore moins des déchets à entasser les uns sur les autres mais des humains qui ont droit à la vie, à un minimum de conditions de décence et de dignité, tant que le souffle du Créateur est en eux.
 
Que l’année 2016 apporte à nos peuples le vrai développement, non pas celui qui compte les châteaux et les palais personnels, les voitures de papa, de maman, de papy, de mamie, de tonton, de tata, de moi-même, lancées sur les belles routes tracées seulement pour papa, pour papy, pour mamie, pour les beaux yeux de Rebecca et des autres sept merveilles, pardon, mamelles du monde, dévêtues, dérobées, dévorées…
 
Routes tracées sans réflexion mûrie, qui négligent le creusement des conduits d’eau, ayant pour conséquence un canal inondé en saison des pluies qui a causé la mort d’un enfant se rendant à l’école,
 
Enfant dont l’imprudence n’a d’égale que sa détermination à réussir à l’école pour sortir papa et maman de la condition d’un difficile repas par jour, et lui-même de la misère d’une faible lumière vacillante d’un lampion pour apprendre ses leçons le soir.
 
Je le vois, l’enfant, ce jour fatal, voulant à tout prix se rendre à l’école pour un CEP blanc, traversant à gué ce qu’il prenait pour une simple flaque d’eau mais qui le conduit à un canal inondé dans lequel il s’enfonce et se noie, son corps n’ayant pu être repêché que quand c’était trop tard, couvert de toutes les immondices imaginables. Je l’entends au moment où il criait : Papa! Maman! Je meurs. Je ne l’entends pas seul. Son cri est rejoint par celui des autres enfants de même âge, ou un peu plus, ou un peu moins âgés, eux fauchés par des balles de soudards soûlés et drogués à Dapaon, Mango, Aneho… ou ceux qui simplement meurent de faim, de souffrance, de douleur…Tous ces cris d’enfants, le même cri : papa! maman! On veut grandir, on veut vivre dans une société où l’enfant n’est pas sacrifié, une société qui a un avenir, une société où les enfants grandissent, s’instruisent, deviennent des hommes et des femmes qui prennent le destin de leur nation en main. Il faut avoir mangé la tête de la Tortue, avoir avalé sa propre conscience pour être indifférent à ce cri d’enfants.
 
Que l’année 2016 soit l’année de ces enfants.
 
Que l’année 2016 soit celle de l’avenir que l’on prépare lucide et serein pour nos enfants, nos petits-enfants, par une vraie politique de l’éducation et de la formation, de la jeunesse qui ne soit pas condamnée à l’errance comme les générations précédentes,
 
Que cette jeunesse brise l’étroitesse d’esprit de ceux qui ont accumulé les aberrations, au point que finalement, ils se sont eux-mêmes enfouis sous ces aberrations et les embrassent comme des trésors, les caressent, même lorsque leur poids risque d’étouffer les vraies valeurs.
 
Que l’année 2016 soit celle de politiciens nouveaux, à l’esprit renouvelé, non pas ceux qui pensent en fait comme ceux de la coterie de Bodémakutu II, formatés par la bodémakuterie, et qui eux aussi comptent les billets, même souillés, mouillés gagnés au prix de la sueur et des entrailles des plus pauvres,
 
Qui célèbrent leurs châteaux, leurs voitures, leur argent, rivalisant entre eux et avec la bodémakuterie,
 
Jusqu’à ce que le carburant pour faire tourner la machine humaine s’épuise, jusqu’à la panne prochaine, jusqu’à ce que l’illusion se volatilise, et que la machine abandonnée soit totalement récupérée, remise en route et tourne finalement au profit de la bodémakuterie,
 
Mais des dirigeants ayant un horizon clair, unis autour de cet horizon, qui n’est pas seulement prise du pouvoir, mais projet, programme, des hommes et des femmes qui ne se fourvoient point de cet objectif.
 
Que 2016 nous fasse prendre conscience, pour trouver les moyens de notre révolution.
 
Par Sénouvo Agbota ZINSOU
 

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