Mauvaise foi, petitesse d’esprit, refus de l’évidence…Et si les gouvernants togolais avaient perdu la raison !?

La énième illustration de l’Etat voyou

Depuis le vendredi 7 octobre dernier, c’est la joie à l’Alliance nationale pour le changement (Anc), et pour cause. La Cour de Justice de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (Cédéao) a débouté l’Etat togolais dans l’affaire d’exclusion des neuf (09) députés se réclamant de ses rangs et l’a condamné à « réparer la violation des droits de l’Homme des requérants » et à « payer à chacun, le montant de trois millions de francs CFA ». Ce verdict est archi clair et ne souffre d’aucune ambiguïté ; mais depuis ce vendredi, c’est un véritable branle-bas autour de Faure Gnassingbé.
Gesticulations puantes
C’est le « Brigadier » de la Cour constitutionnelle, comme le caricaturait un confrère, Aboudou Assouma, celui par qui l’opprobre et le discrédit sont venus, qui fut le premier à dégainer. A peine les juges de la Cour de Justice de la Cédéao ont-ils prononcé le dernier mot du verdict que, toute honte bue, il accorda promptement à republicoftogo une interview, qui sera dépubliée plus tard, dans laquelle il remet son incantation fétiche : l’ « insusceptibilité » de recours des décisions de la Cour constitutionnelle. « L’article 106 de notre constitution est clair : les décisions de la Cour constitutionnelle ne sont susceptibles d’aucun recours, elles s’imposent à tout le monde », a-t-il chanté à nouveau. Comme après le verdict de l’Union interparlementaire. Et republicoftogo y est allé de sa touche personnelle, en assenant, d’abord dans un article titré « Stratégie du mensonge » : « La juridiction régionale a rejeté la demande de réintégration des anciens élus du Togo », et ensuite dans un autre intitulé « Les députés exclus ne seront pas réintégrés » : « La Cour de justice de la Cédéao n’a pas donné suite vendredi à une demande de réintégration des 9 députés togolais (ex-UFC) passés à l’ANC estimant qu’elle ne pouvait remettre en cause les décisions de la Cour constitutionnelle du Togo ». La Cour de Justice de la Cédéao n’a jamais dit ça ; d’où est-ce que republicoftogo tient-il cette info, vous demandez-vous ? Ne lui en tenez pas rigueur, c’est ce que ce site sait faire le mieux au monde : mentir, intoxiquer l’opinion, faire de la propagande du pouvoir…
Dans la soirée, c’est le gouvernement qui a cru bon faire une mise au point. Dans un communiqué diffusé sur la Télévision nationale au cours du journal de 20 heures, le gouvernement dit que « La saisine de la Cour de la CEDEAO visait à obtenir une condamnation de la République Togolaise à faire reprendre aux requérants leur siège à l’Assemblée nationale et à obtenir réparation pour le préjudice subi », mais qu’ « en attendant la notification de la Cour de Justice de la CEDEAO rendue lors de l’audience foraine du 07 octobre 2011, r à Porto Novo », le gouvernement fait observer que « la CEDEAO n’a pas donné suite à la demande des requérants visant leur réintégration à l’Assemblée nationale togolaise. Cette décision tient donc compte du caractère définitif et irrévocable des décisions de la Cour constitutionnelle comme le prévoit l’article 106 de notre loi fondamentale ». Figurez-vous, le communiqué a été présenté par l’autre ministre de théâtre, Charles Kondi Agba, qui n’a pas manqué de servir aux téléspectateurs ses commentaires avec ses traditionnelles mimiques à l’appui.
Comme si cela ne suffisait pas, l’émission « Au cœur de la Nation » sauta tout de suite sur le sujet et les « grandes gueules » du régime sont déversés dans l’arène. L’autre chaîne télé du pouvoir, La Chaîne du Futur est aussi entrée dans la danse. Pascal Bodjona, Esso Solitoki et compagnie se sont saignés à nier l’évidence. On parie que si l’arrogantissime Arthème Ahoomey-Zunu n’était pas coincé à Genève, pour les besoins de l’Examen périodique universel, il devrait sans doute être envoyé au front. Même le grand diplômé de la Fondation Konrad Adenauer était de la partie. On dirait que le gouvernement manquait de compétences à envoyer pour cette « mission impossible ». Le Monsieur n’aura été visiblement d’aucune utilité, ses prises de paroles se faisant au compte-goutte, ses argumentaires réduits à des slogans UFC et laissaient à désirer, ce qui a eu l’effet de mettre en boule Me Ajavon Zeus. Dimanche encore l’émission « Plateau de la semaine » s’est consacrée à l’affaire. Comme si cela ne suffisait pas, « les grandes gueules » se sont transportés sur LCF pour les mêmes gymnastiques.
Mauvaise foi, petitesse d’esprit, perte de raison…
On serait dans un pays normal, où les gouvernants ont le sens de la dignité qu’on nous épargnerait de cette comédie. Le verdict de la Cour de Justice de la Cédéao est un bien cinglant camouflet à la Cour constitutionnelle togolaise, et au-delà, Faure Gnassingbé, et dans les conditions normales, les gouvernants devraient faire profil bas, raser les murs et se cacher dans un trou, comme la cousine de la souris qui sent agréablement mauvais…Mais ce n’est pas le cas. Et pourtant la décision est claire. Il est demandé à l’Etat togolais de « réparer la violation des droits de l’Homme des requérants » et « payer à chacun, le montant de trois millions de francs CFA ». Selon les connaisseurs du droit, la réintégration des députés abusivement exclus à l’Assemblée nationale s’impose de facto comme la réparation requise, même si la précision n’est pas faite.
Pourquoi la Cour n’a-t-elle pas été précise sur ce point ? Cette question, beaucoup de non avertis se la posent, car c’est ce qui fonde l’argumentaire tiré par les cheveux des gouvernants togolais. « La manière de parler à un Etat est différente de la manière dont les citoyens se parlent entre eux », indique Me Adama Doe-Bruce, avant de couper court: « Mais lorsque vous lisez la décision de bout en bout, vous voyez de façon claire et limpide que la Cour de Justice dit bien que les députés n’ont jamais démissionné et donc que logiquement, la réparation de cette chose qui constitue une violation, doit être leur réintégration».
« Cette agitation n’est rien d’autre que de la mauvaise foi des gouvernants en place, d’autant plus que nulle part la Cour de Justice de la Cédéao n’a acclamé la Cour constitutionnelle togolaise pour avoir exclu des députés régulièrement élus. Les seuls points sur lesquels les requérants ont été déboutés, c’est la procédure accélérée et urgente demandée à la Cour pour traiter le dossier et aussi la reconnaissance par la Cour de la violation alléguée de leur droit d’association. Sur toute la ligne la Cour a donné raison à Jean-Pierre Fabre et les siens, et c’est l’Etat qui a été condamné. Le reste n’est que de la mauvaise foi manifeste et de la petitesse d’esprit », s’emporte un compatriote devant les gesticulations et la polémique inutiles entrenues par les mauvais perdants. « Que les officiels togolais descendent très bas ! Après le verdict de l’Uip, l’argument était que cette instance n’est pas un tribunal et que ses décisions ne s’imposent pas à ses membres. Soit. Mais aujourd’hui après le verdict d’une vraie cour, on trouve à redire. C’est comme on veut faire croire que la Cour de la Cédéao a prononcé la violation mais demande que l’Etat togolais la répare juste par le paiement de…3 millions de FCFA à titre de dommage et intérêt, puis c’est tout. Prenons l’exemple dans nos sociétés mêmes. C’est comme quelqu’un qui est accusé de vol de la poule d’autrui, l’affaire arrive au niveau du chef qui condamne le voleur à offrir un litre de Sodabi (alcool local) comme dédommagement et lui demande de garder la poule volée…J’ai même l’impression que ceux qui nous dirigent ont perdu la raison ! », renchérit un observateur.
La presse, l’Uip, la Cour de la Cédéao, le même langage
Et pourtant il n’y a rien de nouveau dans cette décision de la Cour de Justice de la Cédéao. Au-delà du droit, ce n’est que le bon sens qui a été appliqué, ce que Aboudou Assouma lui, a refusé de faire. Les observateurs avisés et la presse responsable ont toujours fait remarquer que ces pseudo lettres de démission ne pouvaient pas justifier une exclusion de députés de l’Assemblée nationale, chose qui ne s’est jamais passée. Les concernés eux-mêmes ont tout fait pour montrer qu’ils n’ont pas démissionné. L’Honorable Ouro-Akpo avait même voulu sauter sur Abass Bonfoh et lui retravailler le portrait au cours de la séance plénière consacrée à l’affaire. Mais cela n’a pas empêché « Dieudonné » de transmettre les fameuses lettres à la Cour constitutionnelle pour prendre la décision inique le 22 novembre. Ce sont pratiquement les mêmes observations qui ont été faites par l’Uip dans son arrêt rendu lors de ses assises du 15 au 19 avril dernier au Panama.
Le Comité avait fait remarquer, entre autres observations, que « les lettres de démission en question ne peuvent pas être considérées comme légalement valables et que, par conséquent, il ne s’agit pas, en l’espèce, d’une démission volontaire mais de la révocation d’un mandat parlementaire », avant d’inviter « les autorités à réfléchir à la façon dont peut être réparé le tort causé aux députés qui ont ainsi perdu leur mandat», et « le Président de l’Assemblée nationale, ou toute autre autorité ou personne actuellement en possession des lettres de démission signées en blanc par les 11 députés ANC non exclus du Parlement, à les leur restituer dans les meilleurs délais ». La Cour de Justice de la Cédéao aussi constate que «les requérants n’ont jamais exprimé leur volonté de démissionner en remettant ou en envoyant une lettre au président de l’Assemblée », qu’ils n’ont pas été entendus et fait remarquer que le Togo n’a pas seulement violé les dispositions de l’article 6 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale, mais aussi des instruments internationaux dont il est partie. D’abord l’article 7 de la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples qui dispose : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue», ces droits comprenant celui de saisir les juridictions nationales compétentes de toute violation des droits fondamentaux qui lui sont reconnus et garantis par les conventions, les lois et règlements en vigueur, des dispositions reprises par l’article 1er H du Protocole additionnel de la Cedeao sur la démocratie et la bonne gouvernance qui stipule que « Les droits contenus dans la Charte africaine des droits de l’Homme et des Peuples et les instruments d’intégration sont garantis dans chacun des Etats membres de la Cedeao ». Ensuite la Déclaration universelle des droits de l’Homme qui dispose en son article 10 que toute personne a droit, en pleine égalité, à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal indépendant et impartial qui décidera soit de ses droits et obligations, soit du bien fondé de toute accusation en matière pénale jugée contre elle.
C’est manifeste que l’Etat a été débouté sur toute la ligne, et que ces agitations ne sont que celles d’un mauvais perdant et illustrent fort bien le gangstérisme d’Etat au Togo. Des observateurs avisés semblent comprendre ce branle-bas. « Le problème ce n’est pas tant la réintégration des députés exclus. Ces gesticulations s’expliquent en réalité par la peur du futur qui s’empare du régime Faure Gnassingbé, surtout par rapport à la saisine de cette même Cour de Justice de la Cédéao par les avocats de Kpatcha Gnassingbé après le procès scélérat dans l’affaire d’atteinte à la sûreté de l’Etat. Qu’en serait-il si éventuellement cette Cour venait à débouter une fois encore l’Etat togolais dans cette affaire ? C’est la grosse énigme », croit dur comme fer un ancien cacique du pouvoir.
Tino Kossi
source : liberté hebdo togo

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