Par  Maryse QUASHIE  et  Roger Ekoué FOLIKOUE

5 janvier 2016, Barack OBAMA verse des larmes en plein discours officiel : c’est  à propos des enfants tués lors de fusillades dans les écoles aux États-Unis. Plus de six années après, alors que les massacres dans les écoles continuent, alors qu’un homme vient d’abattre 19 enfants d’une école primaire ce 24 mai 2022,  Joe BIDEN se lamente : « Quand en finirons-nous avec le lobby des armes ? ». Le même Joe BIDEN qui se lamente, soutient l’envoi de milliards de dollars en Ukraine pour la guerre.   

Il faut qu’on soit réaliste, si aux États-Unis, on n’arrive pas à vaincre ce lobby, c’est évidemment parce qu’il y a une question de « gros sous » derrière toute cette affaire. Oui, il y a des gens qui vendent des armes, et cela rapporte énormément d’argent. Imaginons les bénéfices que rapporte la guerre en Ukraine. 

 Si la vente des armes marche, c’est parce que les vendeurs n’ont jamais manqué d’acheteurs. Pourtant, si pour beaucoup d’Américains, c’est au nom du Deuxième Amendement de leur Constitution que personne ne peut remettre en question leur liberté en empêchant la vente libre des armes à feu, il faut se dire que leur attachement aux armes à feu vient, avant tout, de leur conviction que la possession d’une arme à feu permet de résoudre des problèmes qu’on ne peut dénouer autrement.

Il semble que nous touchions là le fond du problème. En effet, le responsable de la tuerie du 24 mai 2022, est un jeune homme de 18 ans. Il venait d’atteindre l’âge où on a le droit aux États-Unis de se procurer une arme personnelle. Il est probable qu’il a rongé son frein avant cet âge, préparant son acte. Comment un jeune de cet âge peut-il en arriver là, s’il n’a pas appris auparavant que posséder une arme et en user peut servir à exprimer son opinion ?

 Oui il l’a sûrement appris. En effet, les partisans de la vente libre des armes, ne se privent guère de s’exprimer à ce sujet, mais surtout on les voit à la télévision, vantant les avantages de la possession d’armes personnelles à cause de l’insécurité, montrant le maniement des armes à leurs enfants, etc. Prenez la peine de regarder les séries américaines dont nous sommes abreuvés sur les chaînes internationales. Tuer quelqu’un n’y est guère un problème : au moindre désaccord de fond, pour toute divergence de point de vue, dans les couples, en famille, dans les quartiers, on voit des personnes qui prennent des armes pour éliminer leurs antagonistes. 

Ainsi, même si vos parents ne vous l’apprennent pas, les médias vous disent les « bienfaits » des armes. Par contre, combien de fictions télévisées voit-on qui mettent à l’honneur d’autres voies de résolution des conflits ?   

Mais ce choix de solutions ne concerne pas que le continent américain. 

Ainsi ce 25 mai 2022, l’armée nigérienne parle de succès dans la lutte contre le terrorisme parce qu’une soixantaine de terroristes ont été tués à la frontière Niger- Burkina Faso. Les Africains, n’ont-ils pas appris à leurs dépens, avec l’exemple du Mali, que les succès militaires déclinés en nombre de morts, ne semblent pas arriver à résoudre le problème du terrorisme sur le continent? La France est restée au Mali de 2013 à 2022, avec des hommes et des armes : où en sommes-nous aujourd’hui où on parle de terroristes au Burkina Faso, au Bénin, au Togo ? 

A la décharge des Africains cependant, nous pouvons citer une option qui, quelles qu’en soient les motivations profondes, ne privilégie pas la guerre. Il s’agit de l’Ukraine. Les Occidentaux qui ne se privent pas de déverser des armes tout en souhaitant la fin du conflit et en pleurant sur le triste sort des Ukrainiens, sont furieux que les Africains ne s’alignent pas sur leur position pour dénoncer la Russie et surtout encourager le choix de la lutte armée.

« Olaf SCHOLZ (chancelier allemand) peine à convaincre l’Afrique », titre WalfQuotidien à Dakar. « Avec les présidents Macky SALL du Sénégal et Cyril RAMAPHOSA d’Afrique du Sud, un principal point a fait l’objet de désaccord entre dirigeants allemands et africains, relève le quotidien sénégalais : celui de soutenir les Occidentaux devant la Russie à propos de la guerre en Ukraine. Sur ce, Macky SALL garde le même discours équidistant sur les parties en conflit. Même s’il est d’avis que le conflit affecte l’Afrique, il précise néanmoins qu’il se déroule sur un autre continent. ‘Nous voulons la paix, même si nous condamnons l’invasion. Nous travaillons, nous, pour qu’il y ait une désescalade’, préconise le président du Sénégal qui prône ‘une paix juste pour l’Ukraine, pour la Russie aussi’. Ce qui est clair. » Et WalfQuotidien de rappeler qu’en mars dernier, à l’ONU, le Sénégal tout comme l’Afrique du Sud s’étaient abstenus de voter la résolution onusienne condamnant la Russie face à l’Ukraine. (…) » (RFI, Fréderic COUTEAU, Revue de Presse, 25/5/2022).

Et si, pour le terrorisme en Afrique, on appliquait la solution de la négociation, recommandée notamment par Cyril RAMAPHOSA pour le conflit Russo-Ukrainien ? Car utiliser les mêmes moyens que les terroristes, c’est-à-dire les armes pour donner la mort, n’est-ce pas en quelque sorte leur donner raison, ne serait-ce que sur ces moyens ? Or, la négociation commence d’abord par l’écoute de l’autre. Quels sont les mobiles des  groupes terroristes constitués d’Africains ? N’aurait-on rien à leur proposer pour qu’ils renoncent à tuer ? Alors qu’ils vivaient en paix avec les autres communautés auparavant, pourquoi une telle violence aujourd’hui ?  

Ce type de démarche nous pousserait certainement à aller même plus loin. En effet la violence n’est pas que dans l’utilisation des armes. 

  • N’y a-t-il pas violence à s’accaparer des richesses communes en refusant le partage avec les autres ? 
  • Ne subit-il pas violence celui qui, ainsi privé de sa part de richesse, est aussi empêché de s’en plaindre parce que la liberté d’expression et la liberté de manifestation sont limitées ?  
  • Ne subit-il pas violence lorsqu’il ne sait comment nourrir ses enfants, alors que d’autres apparemment ne savent comment dépenser leur immense fortune dont une partie dort dans des banques à l’extérieur du continent africain ? 
  • N’y a-t-il pas violence à organiser des élections pour que les citoyens puissent choisir qui les représentera mais en prévoyant en même temps comment en détourner les résultats à son propre avantage ? 
  • Ne subit-il pas violence celui qui vit dans un pays où on vante le mérite d’élections libres et transparentes alors que lui ne peut même pas s’inscrire sur une liste, alors que même s’il s’inscrit, même s’il met son bulletin dans l’urne, compte n’est pas tenu de son bulletin dans les décomptes ultérieurs ?

La violence est ainsi semée dans les cœurs, et lorsqu’elle dure depuis des années, des décennies, enlevant toute espérance surtout aux jeunes, celui qui la subit ne pourrait-il pas tomber dans  la tentation d’envisager une solution ultime ?

Pourtant, nous demeurons confiants dans la sagesse des Africains qui au-delà de « Qui sème le vent, récolte la tempête » préféreront s’en référer à ce que dit la CHARTE DE KURUKAN FUGA qui reconnaissant l’existence de plusieurs groupes différents au Mandé stipulait, en son article 7, qu’« aucun différend né entre ces groupes ne doit dégénérer, le respect de l’autre étant la règle. »  

Et quel Africain à la recherche d’armes pour résoudre les conflits ne se reconnaitrait pas dans ces mots de  Martin Luther KING : « La non-violence est une arme puissante et juste qui tranche sans blesser et ennoblit l’homme qui la manie. C’est une épée qui guérit. »

citeauquotidien@gmail.com                                                         

Lomé, le 27 mai 2022

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