RPT / UNIR : la rupture est-elle possible ?

 
Depuis le samedi 14 avril dernier, on devra désormais composer pour toutes les tractations politiques et autres rendez-vous électoraux avec l’Union pour la République, née sur les cendres du Rassemblement du peuple togolais (Rpt). Cette nouvelle formation politique griffée Faure Gnassingbé est justement créée, selon ses initiateurs et les partisans de cette aventure, pour pallier les défaillances de son ancêtre. L’initiative, nous dit-on, serait motivée par le souci de rompre avec le passé. Une rupture justement problématique.
 
Parlant des manquements de ce parti qui a pourtant toujours été présenté, tant sous le Père que sous le Fils, comme le seul à même d’assurer le bonheur aux populations, et que Faure Gnassingbé a représenté volontiers aux présidentielles d’avril 2005 et de mars 2010, les Togolais n’en sauront rien concrètement de sa part. On sait seulement qu’entre-temps, le parti est devenu à ses yeux un monstre hideux, comme celui qui a été récemment présenté comme capturé par les Chinois à Alédjo et que certains ont surnommé « Alédjo Kangana », ou comme ces hommes de la Rome antique qui traversaient la ville avec des clochettes au cou pour signaler leur passage et que tout le monde évitait parce que puant la peste, bref, un parti qu’il faut fuir à tout prix. D’ailleurs le « dissoluteur » en chef nous a plutôt magnifié dans son discours le « vieux parti » auquel il a attribué la paternité de la construction de la Nation togolaise, et jeté des fleurs tant à son Président Fondateur qu’aux hommes et femmes qui ont l’incarné. Quelques extraits : « L’appel historique du 30 août 1969 avait permis en son temps de changer durablement le Togo, alors en proie à une dérive sans précédent » ; « Je voudrais en votre nom à tous, rendre hommage à l’homme par qui toute cette aventure commune, tissée de hauts faits et de grandes réalisations pour le Togo a été possible. Je rends hommage au Père fondateur du Rassemblement du Peuple Togolais qui a su donner l’élan pour un Togo nouveau et nous conduire dans la paix des cœurs et la concorde des esprits vers l’unité et le progrès », « à ces hommes et à ces femmes d’exception », ayant contribué à garder les Togolais « unis et mobilisés autour du chantier de l’édification nationale ». Pourquoi diantre dissoudre un parti qui a tant fait pour le Togo ? Question pour un champion.
 
Les idées « xoxotsoin » de l’UNIR
 
Selon le communiqué officiel annonçant sa création, le nouveau parti, porté par « un groupe de personnalités de toutes les couches socioprofessionnelles et représentant toutes les préfectures du Togo », vise à offrir aux Togolais un nouveau cadre d’expression politique qui permettra de fédérer toutes les énergies, au-delà des clivages politiques, sociaux et religieux, en vue de « bâtir un Togo nouveau dans l’union, la concorde nationale et la prospérité ». « Le nouveau parti s’engage à cet effet à promouvoir une gouvernance politique, économique et sociale fondée sur le dialogue et la participation des forces vives et de toutes les composantes de la société togolaise sans exclusive. Les statuts du nouveau parti insistent sur la nécessité de contribuer à l’ancrage de la démocratie au Togo en œuvrant à l’émergence d’une nouvelle éthique républicaine fondée sur les vertus cardinales que sont l’égalité et la fraternité. La consolidation de la relance économique, l’amélioration des conditions de vie des populations togolaises et en particulier de ses couches les plus vulnérables seront au cœur de l’action du parti », lit-on par ailleurs.
 
Une rupture impossible
 
« Le Congrès de ce jour est appelé à consacrer une forme de rupture avec le passé et à marquer le début d’une nouvelle ère au cours de laquelle, je l’espère, le militant deviendra un acteur de premier plan dans la construction du Togo nouveau, à travers son adhésion sincère aux valeurs fondamentales que nous prônons et qui sont fondées sur le combat d’idées, la justice sociale, le respect de soi et des autres. Ces valeurs sont d’ailleurs celles de la modernité, qui n’est pas envisageable sans un minimum d’éthique et d’élégance dans le combat politique et dans l’art de gérer les affaires de la cité. Nous devons tourner le dos à tout ce qui s’apparente à l’arrogance, au mépris de l’adversaire », déclamait Faure Gnassingbé dans son discours de clôture du congrès de Blitta. Le mot est lâché, la création de l’Union pour la République (UNIR) répond donc à un souci de rompre avec les habitudes répugnantes du passé. Mais peut-on croire à cette rupture ?
 
Cela semble une gageure, rien qu’à considérer la provenance des militants du nouveau parti. UNIR serait créée de façon isolée, comme tout autre parti qu’on ne trouverait pas à redire. Mais voilà, elle est née de la fusion-dissolution-création d’un autre parti existant, qui plus est le Rpt. Faure Gnassingbé récupère donc militants, sympathisants, cadres, bref, toutes les ressources humaines du « vieux parti » à son profit, et c’est à ce niveau que se trouve l’escroquerie politique. Esso Solitoki a été explicite là-dessus. « Cette fusion-création signifie en termes clairs que le Rassemblement du Peuple Togolais va cesser d’exister et l’on va aller vers une nouvelle formation politique, bien sûr avec les militants du RPT, mais aussi avec de nouvelles personnalités…Dans la fusion-création, les militants sont appelés à rejoindre la nouvelle force politique. La dissolution signifierait que le parti cesse d’exister et les militants sont libres de rejoindre le parti de leur choix ; ce n’est pas le cas ici. Il s’agit simplement d’une mue qui s’est opérée pour permettre la mise en place d’un instrument politique qui soit adapté aux réalités du moment », disait-il.
 
La base militante de l’UNIR viendra donc du Rpt. Mieux, le nouveau parti ne sera que l’autre Rpt. Et le Rpt, ce sont des hommes, des comportements, bref, tout un système. On est donc en face d’un simple transfert de « compétences ». « Rien ne se crée, rien ne se perd ; tout se transforme », dirait Lavoisier. Même si ce sont de nouvelles figures qui sont mises au-devant, parmi lesquelles Georges Aïdam et bien d’autres personnalités annoncées, c’est un secret de polichinelle, les barons de l’ancien parti ne seront pas loin. Mieux, ce sont eux qui joueront les vrais rôles dans ce nouveau parti. Ce sont les mêmes méthodes de gouvernance tant politique qu’économique qui auront cours. Le maintien au pouvoir à tout prix, les violations des droits de l’Homme, le tripatouillage de la Constitution, la fraude électorale, le détournement des suffrages et de la victoire d’autrui, la gestion opaque des ressources nationales, le détournement des deniers publics, l’enrichissement illicite, le maintien des populations dans la misère pour les rendre dociles lors des campagnes électorales, le traficotage des rapports, l’exclusion d’élus du peuple de l’Assemblée nationale…toutes ces pratiques seront transférées, et ce sera juste la pérennisation du même système. « Ce n’est qu’une volonté de changer de nom en gardant le même système…C’est toujours les mêmes ruses, la même duplicité. C’est juste une volonté d’enlever de la mémoire ou de l’esprit des Togolais, le nom RPT qui rappelle de mauvais souvenirs : violations des droits de l’Homme, assassinats, violation de la Constitution etc », a glosé Jean-Pierre Fabre, le leader de l’Alliance nationale pour le changement (Anc).
 
Il faut le dire, la création folklorique de l’UNIR n’est qu’un trompe-l’œil . Et comme pour prouver que la rupture n’est qu’une gageure et que les liens séculaires seront toujours gardés entre le Rpt et l’UNIR, il nous revient qu’en marge du congrès de Blitta, et anticipant déjà les risques de blocage des projets de loi en guise de vengeance contre la dissolution de leur parti, il aurait été fait signer à la cinquantaine de députés Rpt, des engagements les contraignant à rester fidèles au gouvernement. Vous avez dit rupture ?
 
Tino Kossi
 

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