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« Lui c’est lui, moi c’est moi ». Voilà l’incantation par laquelle il avait promis une nouvelle gouvernance, bien loin de celle (mauvaise) de son défunt père. Bien plus, il s’était peint en ange gentil et super vertueux, posant de facto son géniteur comme son opposé parfait. Avec la surenchère faite en plus par ses griots, les Togolais s’attendaient à voir de bonnes vertus à l’œuvre. Mais en huit ans de gouvernance, difficile d’appréhender l’homme dans son entièreté. Les jours qui passent révèlent de plus en plus son implication présumée dans tous les coups fourrés de la République. Au point qu’il est permis de s’interroger sur sa réelle personnalité. Lui, c’est Faure Gnassingbé. Petit tour d’horizon des dossiers puants dans lesquels il est cité.

Falsification du rapport de la CNDH

Lorsque suite à la publication le 19 février 2012 sur le site de la Commission nationale des droits de l’Homme (Cndh) du rapport authentique confirmant la commission d’actes de tortures sur les détenus de l’affaire Kpatcha Gnassingbé, induisant ainsi que la première version publiée 48 heures plus tôt était fausse, et même quand la prise en otage au palais de la présidence de Koffi Kounté par les « sécurocrates » du Prince de la République, en son absence, pour l’obliger à avaliser le rapport traficoté, fut ébruitée, très peu de Togolais, pour ne pas dire aucun ne pouvait penser un seul instant à l’implication de Faure Gnassingbé dans une manœuvre aussi déshonorante pour le premier citoyen d’un pays. Mais c’est la triste réalité qu’ils sauront plus tard. Par le témoignage de la victime de ce scénario digne d’un ghetto.

Loin du Togo où les « sécurocrates » en voulaient à sa vie, le président de la Cndh d’alors, Koffi Kounté révéla ce pan de ses tribulations à Yves Hardy, chroniqueur à Amnesty International qui en avait même fait une chronique (1er juin 2012) titrée « Koffi Kounté, une conscience ». En voici un extrait, à titre de rappel: « Le 25 janvier 2012, Koffi Kounté remet en main propre son projet de rapport au président de la République. « Il me l’avait demandé, je ne trouvais pas anormal de lui donner la primeur du texte. » Une semaine après, il apprend que le doyen Charles Debbasch, conseiller à la présidence, veut le rencontrer (…) Le conseiller attaque sans détour le contenu du rapport : « À sa lecture, j’ai eu le sentiment que certains rédacteurs en voulaient au chef de l’État » « Doyen, je ne comprends pas, réplique Koffi Kounté, j’ai rédigé personnellement le rapport. » « Ne nous énervons pas, reprend Charles Debbasch, en lui tendant un document écrit et une clé USB, voici le rapport révisé».

En découvrant le texte à son bureau, Koffi Kounté tombe des nues. L’analyse des faits est dénaturée et les conclusions inversées : les allégations de torture ne sont plus fondées. La voix douce s’efface au profit de l’indignation : « C’était inadmissible. Comme si au moment de rendre un jugement, on me tendait un papier : voici le verdict que tu dois rendre ! En contradiction totale avec mon serment de magistrat ». Dans les jours suivants, les pressions se multiplient. Le garde des Sceaux, le président de la Cour constitutionnelle, puis Charles Debbasch reviennent à la charge en dramatisant la situation : « Je risquais rien moins que de faire sombrer le régime, résume Koffi Kounté. Pourtant, je précisais dans mon rapport que si l’Agence nationale de renseignement (ANR) dépendait du chef de l’État, elle disposait d’une autonomie de gestion et que nous n’avions aucune preuve de consignes venues du sommet de l’État ». Le président de la CNDH tente un dernier recours auprès de Faure Gnassingbé. Ce dernier a cette fois choisi son camp : « Je te demande d’adopter le rapport tel que modifié par le conseiller Debbasch » ». En clair, Faure Gnassingbé était bien au fait de cette falsification. S’il est difficile de dire si c’est lui-même qui l’avait ordonnée (le pas est d’ailleurs vite franchi), l’opinion sait néanmoins qu’il l’a cautionnée.
Instrumentalisation de Mohamed Loum dans l’affaire des incendies

Le temps a fait son effet et on finit par en savoir plus sur les personnes présumées impliquées dans cette affaire des marchés qui pourrit la vie aussi bien de Faure Gnassingbé que des responsables du Collectif « Sauvons le Togo ». C’est en réalité la rumeur qui est devenue clameur. Au registre des commanditaires, des noms comme Ingrid Awadé, Felix Kadanga et autres sont cités.

Avec ses propres témoignages en mars dernier dans une lettre adressée au leader de l’Alliance nationale pour le changement (Anc), confirmés quelques jours plus tard lors des auditions entre lui et Agbéyomé Kodjo devant le juge d’instruction, l’opinion a su que Mohamed Loum alias Toussaint Tomety par qui le malheur de la plupart des responsables du Cst est venu, était instrumentalisé. Et il avait cité des noms comme les Capitaines Akakpo, Agbenda, Yanani, le Procureur de la République Essolissam Poyodi, entre autres. A l’époque l’authenticité de la lettre avait été contestée par les griots de ceux que ces révélations gênaient. Mais Mohamed Loum est revenu sur le montage, cette fois-ci dans un élément sonore rendu public par le Cst et dont nous avons reproduit la transcription dans la parution d’hier.

Loin de se dédire, le jeune Toussaint Tomety a confirmé ses dernières révélations et ajouté d’autres noms : Ingrid Awadé, Charles Debbasch, Djimon Oré, et surtout Faure Gnassingbé. Le Prince était donc au fait de tout ce montage, et y aurait même participé, à en croire les propos de Loum. « Le Capitaine Akakpo m’a passé au téléphone le président de la République en personne et on a discuté trois fois successivement sur ces affaires d’incendie », a-t-il craché, et d’ajouter : «Ils m’ont fait un passeport diplomatique soi-disant que je suis le petit fils de feu Eyadèma Gnassingbé. Ils m’ont donné beaucoup d’argent. Ils m’ont ouvert un compte bancaire de plus de 10 milliards qu’ils m’ont donné dans un compte en pensant que si je finis de coopérer avec eux pour mettre les opposants en prison, c’est cet argent qu’ils vont me donner ; je vais aller vivre en Asie où ils m’ont donné une maison. Ils m’ont tout promis. Je n’ai pas voulu ». Que vient chercher Faure Gnassingbé dans une affaire judiciaire ? Le premier magistrat du pays qui devrait veiller à l’effectivité de la justice, aurait participé donc à la cabale.

Trafics d’influence dans l’affaire d’escroquerie, dossier Kpatcha Gnassingbé…

Contrairement aux deux cas sus-évoqués, ici ce ne sont nullement les aveux des pions de ces affaires qui les mettent en exergue. Mais les faits parlent d’eux-mêmes. L’opinion a été témoin des intrusions intempestives de l’inénarrable ministre de la Justice, Me Tchitchao Tchalim et de la présidence de la République dans l’affaire d’escroquerie. Mieux, c’est la présidence qui a piloté l’instruction de ce dossier créé de toute pièce ou instrumentalisé pour régler des comptes à Pascal Bodjona et Bertin Agba.
Les allers-retours de la présumée victime de l’escroquerie, l’Emirati Abbas Al Yousef à Lomé sont organisés et supportés par le palais. Pour venir à Lomé et permettre de noyer davantage les deux frères de Kouméa, le Prince envoie des émissaires, le plus souvent l’un de ses conseillers et des avocats d’Abbas Yousef pour le supplier presque. L’affaire est suivie de bout en bout et des échanges de mails ont lieu entre lui et le conseiller du Prince bien identifié. Les contenus de certains ont été même révélés entre-temps. Point n’est besoin de revenir sur les nombreux vices de procédure qui sont assez illustratifs de l’immixtion du pouvoir dans cette affaire. Comme pour tout couronner, Loïk Le Floch-Prigent a avoué dimanche avoir été l’objet de pressions pour noyer Pascal Bodjona. Et ce ne serait pas pour plaire à la grand-mère du voisin ! On sait à qui profiteraient toutes ces manœuvres.

Le dossier Kpatcha Gnassingbé, il y a longtemps qu’il devrait être bouclé à la Cour de justice de la Cédéao. Selon les connaisseurs du droit, un délibéré ne se reporte pas, sauf cas de force majeure. Mais dans cette affaire, c’est la troisième fois qu’il a été repoussé, et la prochaine audience est attendue en fin juin. Autant de reports, à cause des influences de Lomé par le truchement de la présidente de la Cour, Mme Awa Nana, à coups d’espèces sonnantes et trébuchantes.

On peut multiplier les dossiers à foison. Avec autant d’implications présumées, on est en droit de s’interroger sur la personnalité même de Faure Gnassingbé. Car visiblement, il ne s’illustre pas de façon honorable. Cette image devrait expliquer le traitement qui lui est réservé par les plus grands dirigeants du monde qui le fuient presque depuis huit ans.

Tino Kossi

Liberté Togo

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