Je n’ai pas encore, malgré la demande de certains lecteurs, écrit un billet sur l’arrestation de Pascal Bodjona, ex-ministre et conseiller de Faure Gnassingbé, ex-ambassadeur du Togo aux Etats-Unis – renvoyé pour incompétence pour certaines langues indiscrètes, maillon incontestable dans la machine à tuer de la dictature togolaise depuis des décennies. Bodjona, l’homme-dictature, trimbalé devant la justice pour une affaire d’escroquerie.
 
Bah ! L’affaire me laisse de marbre parce que je ne vois sincèrement pas en quoi elle me concerne, si ce n’est un bourreau de plus que nous avons le plaisir de voir s’effondrer. Sur ce plan, je me réjouis. Car Bodjona aura été l’un des plus grands cauchemars du peuple togolais, ayant servi les Gnassingbé de père en fils. Tous les Togolais se rappellent toujours son zèle dans la sanglante intronisation de Faure Gnassingbé en 2005, à la mort d’Eyadema. Et ce Pascal Bodjona arrêté pour quelque affaire que ce soit, trimbalé par qui que ce soit devant n’importe quelle juridiction, condamné à n’importe quelle peine, exposé à n’importe quel traitement… bah, du soulagement, la seule impression que cette affaire peut me faire.
 
Mais ce que je ne comprends pas, c’est ce ramdam que font certains opposants de la dictature, s’alignant derrière l’accusé qu’ils considèrent comme une victime de Faure Gnassingbé, invoquant les droits de l’homme. Pascal Bodjona devient donc du coup un pauvre petit agneau que dévore le gros méchant loup Faure Gnassingbé, qu’on tente de nous dire. Et au lieu de se concentrer sur la lutte juste qui nous a jetés sur les routes depuis des décennies, il va encore falloir faire une pause, pour défendre Pascal Bodjona contre Faure Gnassingbé. Je n’ai jamais compris cette bizarre attitude de certains opposants togolais à considérer tout ce que broie ou semble broyer la dictature comme une victime. Je pense à cette scène ridicule de certains militants de l’opposition s’étant en 2005 rués vers l’aéroport de Lomé-Tokoin pour accueillir Natchaba qu’ils considéraient comme une victime, parce que le pouvoir lui aurait bloqué la voie vers la Présidence à la mort d’Eyadema. Ils furent, bien sûr, refoulés par l’éternel valet de la dictature.
 
Des fois, je comprends certains de nos détracteurs nous raillant que nous ne savons vraiment pas ce que nous cherchons.
 
Quelle que soit la raison pour laquelle Pascal Bodjona a été arrêté, quelle que soit le degré d’implication de Faure Gnassingbé dans cette affaire, je ne le défendrai pas, au nom de je ne sais quel droit de l’homme. Justement parce que personne, alors aucun Togolais, n’a jamais pu empêcher Pascal Bodjona de brimer les droits les plus élémentaires de milliers et de milliers de Togolais, ceux qu’il a tués ou fait tuer, mutilés ou fait mutiler, enlevés ou fait enlever, envoyés en exil… Faure Gnassingbé qui monte un coup tordu pour faire emprisonner Pascal Bodjona, c’est l’image biblique de ce royaume-là dont on sent la fin, car ses propres membres s’affrontent entre eux, c’est un nouveau front qu’ouvre le fils d’Eyadema contre lui-même, après celui des sympathisants de son frère Kpatcha Gnassingbé qu’il a fait emprisonner il y a quelques années, et surtout celui du peuple togolais.
 
Ignorons donc les droits de l’homme et laissons Faure Gnassingbé malmener Pascal Bodjona en prison. Les droits de toutes les victimes du gros et gras bourreau l’exigent.
 
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