Tant que vivra le Togo, il y aura des élections. Mais tant que le minimum ne sera pas garanti, c’est en vain les uns crieront leur victoire, et les autres dénonceront la triche. Si le pouvoir n’a pas peur d’être battu dans les urnes, et s’il veut mettre au défi ceux qui, chaque fois, l’accusent de fraudes, il n’y a qu’une seule alternative. La publication des résultats par bureau de vote. Autrement, chacun doit comprendre désormais qu’au Togo, élection ne rimera jamais avec transparence.

Dans quelques mois, les Togolais iront encore dans les urnes pour choisir des conseillers régionaux. Et en 2024, il y aura des élections législatives. Mais les Togolais sont-ils condamnés à un éternel recommencement ? Non, pour peu que ceux qui se disent députés, veuillent faire une proposition de loi qui permette aux médias de publier de proclamer les résultats de chaque bureau de vote, conformément aux procès-verbaux. Puisqu’au final, ce ne sera que la compilation de l’ensemble de ces résultats que la Commission électorale nationale indépendante (CENI) proclamera.

Des articles du code électoral à compléter

Lorsqu’on parcourt les articles du code électoral, ceux relatifs au déroulement des scrutins sont assez clairs. Comme l’article 84 relatif aux délégués des candidats ou leurs suppléants qui peuvent présenter des observations, protestations ou contestations, lesquelles devront figurer sur le procès-verbal à signer par tous les délégués.

L’article 90 réitère le pouvoir de police dont dispose le président du bureau de vote qui peut expulser tout élément perturbateur.

La transparence de l’urne est consacrée par l’article 94. « L’urne transparente est pourvue d’une seule ouverture destinée à laisser passer le bulletin de vote. Le président doit, avant le commencement du scrutin, faire constater qu’elle est vide. Il la referme ensuite à l’aide de quatre scellés numérotés ». Là aussi, la toute-puissance du président du bureau de vote ne souffre d’aucune contestation.

Pour confirmer l’engagement de tous les délégués, l’article 97 dispose : « Dès la clôture du scrutin sanctionné par un procès-verbal, la liste d’émargement est signée par tous les membres du bureau de vote ». Les mêmes membres prennent leurs responsabilités lors du dépouillement, puisqu’à l’article 98, il est écrit : « Le dépouillement suit immédiatement la clôture du scrutin. Il est conduit sans interruption jusqu’à son achèvement complet par les membres du bureau de vote concerné, en présence des délégués des candidats. Le dépouillement du scrutin est public. Il a lieu dans le bureau de vote, portes et fenêtres ouvertes ». En d’autres termes, les résultats sont publiés.

L’article 101 a pourtant tout réglé. « Le président du bureau de vote donne lecture, à haute voix, des résultats qui sont aussitôt affichés. Mention de ces résultats est portée au procès-verbal qui est clos par la signature des membres du bureau. Les délégués des candidats présents sont invités à contresigner le procès-verbal. Le président délivre copie signé des résultats affichés aux délégués des candidats… ». La lecture à haute voix est-elle différente d’une publication ?

Avant l’article 102, il manque l’autorisation à donner à chaque bureau de vote de publier ses résultats avant transmission à la Commission électorale locale indépendante (CELI). Mais comme si par peur d’être obligé de reconnaître une réalité jamais reconnue publiquement, le gouvernement, avec l’aide de députés d’un bord donné, a interdit sans le dire la publication par chaque bureau de vote de ses résultats. A quoi auront servi alors les pouvoirs des présidents des bureaux de vote qui veillent au grain ?

Le code électoral est directement allé à l’article 102, lequel dit : «.Au vu de tous les procès-verbaux des bureaux de vote de la préfecture ou de la commune de Lomé, la CELI effectue le recensement des votes de la préfecture à son siège et en publie les résultats… ».

L’article 103 n’est que le prolongement du 102. « Au terme du recensement général des votes et de la proclamation provisoire des résultats, la CENI adresse, dans un délai de 8 jours, un rapport détaillé sur le déroulement des opérations électorales, l’état des résultats acquis et les cas de contestations non réglés… ».

Laurent Bigot, ancien diplomate français y va de sa franchise

Dans tout ce processus, le seul fait d’omettre de faire publier par chaque bureau de vote ses résultats est la garantie que les résultats peuvent être manipulés entre la fermeture des bureaux et la transmission des résultats à la CELI. On n’a pas besoin d’une agrégation pour faire cette déduction. Surtout pour un régime rétif au changement.

Si la CEDEAO, au-delà de son projet de relance de la limitation des mandats présidentiels, veut faire œuvre utile et éviter des coups d’Etat à l’avenir, elle doit imposer une forme de transparence dans les processus électoraux comme ce qui est instauré au Sénégal. Laurent Bigot, ancien diplomate français, l’a reconnu. A la question savoir à quoi servent les élections aujourd’hui en Afrique, l’ancien diplomate y est allé sans langue de bois. « Ce ne sont pas des élections, il va falloir qu’on dise les choses par leur nom. Les processus électoraux en Afrique de l’ouest dans les pays francophones depuis une quinzaine d’années, ne sont pas des processus électoraux transparents ; il va falloir arrêter de dire ça. Il y a un pays qui fait exception, c’est le Sénégal. Pourquoi, Parce qu’il y a une disposition au Sénégal qui rend la fraude très difficile. C’est le seul pays francophone de la sous-région où chaque bureau de vote peut rendre publics les résultats et les médias peuvent diffuser par bureau de vote à chaque élection. Dans tous les autres pays, c’est interdit ».

Au Togo, il est temps, à moins que les concurrents au régime au pouvoir soient de mèche, qu’au moins les résultats par bureau de vote soient publiés par des médias. Si la CENI et la Cour constitutionnelle veulent demeurer des appendices du pouvoir, libre à elles. Parce qu’une fois que les présidents des bureaux de vote auront rendu publique l’issue dans chacun des milliers de bureaux de vote, c’est en vain que les résultats pourront être modifiés. N’est-ce pas la raison fondamentale pour laquelle le régime ne veut pas entendre parler de ce préalable ?

Des élections au Togo, Sylvie, cette actrice de la société civile, proche du monde de la couture ne veut plus en entendre parler, du moins pas tant que la situation d’immobilisme perdurera. « Qu’a-t-on à cacher, pour refuser que les résultats des urnes soient connus de tout le monde lors des dépouillements depuis les bureaux de vote ? », s’interroge-t-elle. Avant de charger : « Aussi longtemps qu’il en sera ainsi, on se trompe en parlant de démocratie au pays des nègres hein. On étouffe la vérité, on achète la conscience des votants. Mais dans les urnes, les gens votent en conscience, bien qu’ils aient accepté les cadeaux. Ils se disent qu’après tout, c’est l’argent du pays! Qu’ils sont en droit d’en bénéficier, eux aussi ». Et d’analyser lucidement la situation. « Mais là où le bât blesse et que ceux qui se laissent corrompre (mais oui, c’est de la corruption pure et simple!) ne réalisent pas, c’est que le corrupteur comptabilise automatiquement les votants d’une corporation donnée, à son profit, sur le papier avant même que le vote ne soit réalisé! Et c’est ainsi que nous nous retrouvons dans un cercle vicieux. Ce schéma, c’est celui de mon cher pays. Et c’est l’exemple de la corporation des artisans couturiers/couturières du pays, sur toute l’étendue du territoire! Quelle que soit la bonne volonté des membres de l’opposition siégeant à la CENI, rien n’y fera! D’abord ils y sont minoritaires. Ensuite, les dés sont pipés avant même qu’on ne siffle le coup d’envoi des élections, dans le découpage électoral. C’est dans quel pays on peut admettre qu’on attribue un poids différent aux électeurs, suivant leur lieu de résidence ?! Seulement au Togo ».

L’opposition au Togo ne dira pas ne pas être au courant de la situation. Et s’il est un point qu’elle devra au moins arracher avant les prochains scrutins pour espérer rebattre les cartes de la transparence électorale, c’est de mettre en demeure le régime et les instances régionales afin que l’impératif de la publication des résultats selon chaque bureau de vote soit acquis. Dans la négative, les contestations des élections ont encore de beaux jours au Togo. Tout comme la manipulation des résultats.

Godson K.            

Liberté

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