faure-eyadema


Les élections législatives du 25 juillet 2013 viennent s’ajouter à la longue liste de mascarades électorales organisées au Togo depuis l’ouverture de l’ère démocratique dans les années 90. L’alternance tant voulue par la majorité des Togolais est étouffée dans l’œuf par un régime dictatorial qui use de ruse et de violence pour s’accrocher au pouvoir au grand dam d’un peuple de plus en plus désenchanté et exaspéré. Du père au fils, rien n’a changé sous la dynastie des Gnassingbé.
 
Et pourtant, en succédant à son père dans des conditions peu orthodoxes en 2005, Faure Gnassingbé disait à qui veut bien l’entendre :« Lui c’est lui, moi c’est moi ! », (allusion faite à son père feu Général Président qui s’est servi de l’armée pour régenter 38 ans durant le Togo). Une chimère pour endormir ceux qui voudraient bien le croire. Huit ans plus tard, force est de constater que les méthodes n’ont guère changé. Achat de conscience, hold-up électoral, désir d’une présidence à vie, instrumentalisation des institutions de la République, caporalisation de la presse, laborieuse avancée démocratique vers un Etat de droit, violation des droits de l’homme, dénie des droits socioéconomiques, propension à voter des lois liberticides … sont au passif du jeune monarque.
 
Unir, le nouveau creuset national
 
Deux ans après sa prise de pouvoir par les armes en 1967, le caporal Etienne Eyadema a créé le Rassemblement du peuple togolais (Rpt) le 30 novembre 1969 à Kpalimé, dans la région des plateaux. Un creuset national dans lequel devraient se fondre toutes les forces vives de la nation. Devenu parti Etat, le Rpt a connu des hauts et des bas. A l’usure du temps, la marmite Rpt commence à fermenter les sauces et il urge de la remplacer. C’est à Blitta que son héritier Faure Gnassingbé a décidé son euthanasie contre vents et marrées le 24 avril 2012 dans une formule ambigüe d’ « Union-création » au lieu d’une dissolution pure et simple du parti qui l’a porté au pouvoir après la mort subite du timonier national en février 2005.
 
Le même jour, l’Union pour la République (Unir) – à ne pas confondre avec Upr de feu Jean Kokou Sapa- est portée sur les fonts baptismaux à Atakpamé, toujours dans les plateaux. « Faure Gnassingbé a fait du neuf avec du vieux », disaient à tort ou à raison ses détracteurs. D’aucuns estiment que le nouvel homme fort du Togo a « déshabillé Paul pour habiller Pierre ». Entre le Rpt et Unir les habitudes de la maison n’ont nullement changé. C’est du bonnet blanc et du blanc bonnet. Unir se comporte exactement comme un parti Etat, seul le nom a changé et les pratiques sont les mêmes. S’y retrouvent des gens mues par leurs intérêts égoïstes, entre autres, les directeurs des sociétés d’Etat, les ministres, les préfets, les maires, les chefs de villages et de cantons. Comme une pieuvre, Unir étend ses tentacules pour phagocyter des partis politiques d’opposition comme la Nouvelle dynamique populaire démocratique (Ndpd), le Bloc d’Action pour le changement (Bac), et dans une moindre mesure l’Union des forces de changement (Ufc), le Nid et d’autres partis qui pensent que l’Unir constitue un raccourcit d’ascension sociale.
 
La démocrature en remplacement de la dictature
 
A la différence de la dictature pure et dure, la démocrature est une nouvelle forme de dictature garnie des attributs de la démocratie.
 
Selon le dictionnaire la Toupie, La dictocratie (ou démocrature) désigne un régime qui, sous l’apparence d’une démocratie, fonctionne en réalité comme une dictature. Une constitution est en place, des élections ont lieu régulièrement, la liberté d’expression est garantie dans les textes, cependant les élites en place manipulent ces institutions afin de conserver leurs privilèges. Cela peut être aussi le cas lorsqu’il existe une collusion entre les médias et le pouvoir en place.
 
A y voir claire, le Togo fonctionne exactement comme une démocrature où les institutions ne jouent pas leur rôle de contre pouvoir. Seule le quatrième pouvoir essaie de sortir la tête de l’eau mais jusqu’à quand ?
 
Les faiseurs du roi remerciés en monnaie de singe
 
« …Je reconnais avoir demandé d’abord aux généraux et ensuite aux officiers supérieurs de faire allégeance à mon frère, le Président Faure… », témoignait Kpatcha Gnassingbé le 25 mars 2012 devant la Commission vérité justice et réconciliation (Cvjr). Des révélations qui prouvent à suffisance le rôle prépondérant joué par Kpatcha dans la prise du pouvoir par son demi frère Faure Gnassingbé le 5 février 2005. On comprend aisément sa présence aux côtés de Faure lorsque l’armée faisait allégeance au nouvel homme fort du Togo. L’artisan de ce coup d’Etat militaire est sans nul doute feu Gal. Assani Tidjani. Accusés en 2009 d’atteinte à la sureté de l’Etat, les deux faiseurs de roi sont arrêtés et incarcérés à la prison civile de Lomé. Suite à une longue maladie, le Gal. Assani Tidjana meurt en France. Kpatcha Gnassingbé croupit toujours dans les geôles de la prison civile de Lomé dans l’attente d’une grâce présidentielle qui tarde à venir. Leur sort ressemble à celui d’Olivier Tchango et d’un certain Bodjolé, compagnons d’arme du Gal. Eyadema.
 
Le cas le plus surprenant concerne l’ancien ministre de l’administration territoriale, Pascal Bodjona, l’artisan de la prétendue victoire de Faure Gnassingbé en 2010. Impliqué dans une rocambolesque affaire dite d’escroquerie internationale il est lâché par son mentor et ami de longue date. Grâce à la perspicacité de ses avocats, il jouit d’une liberté provisoire. Il n’a de cesse clamé son innocence dans cette obscure affaire cousue de fil blanc. Triste sort pour les faiseurs de roi sur la terre de nos aïeux.
 
Décidément, Faure Gnassingbé sur les traces du Gal. Gnassingbé Eyadéma pour une présidence à vie.
 
Isidore Akollor
 
Actu EXPRESS N°258 du 20 Août 2013
 

LAISSER UNE RÉPONSE

Please enter your comment!
Please enter your name here