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Dans une lettre officielle adressée au Président de la République, l’Alliance Nationale pour le Changement (ANC) dénonce une violation grave de la Constitution dite de la Vᵉ République. Le parti d’opposition fustige la confusion volontaire entre les fonctions de Président de la République et de Président du Conseil des ministres, illustrée notamment par l’affichage du portrait de Faure Gnassingbé dans les administrations publiques. Une démarche politique et juridique qui remet en cause la légalité du fonctionnement institutionnel et appelle à une clarification urgente au sommet de l’État.
ALLIANCE NATIONALE POUR LE CHANGEMENT
A N C
OBJET : Interpellation solennelle pour violation de la Constitution controversée de la « Vème République » et usurpation des attributs de la fonction de Chef de l’État.
Monsieur le Président de la République,
Je tiens, avant toute chose, à réaffirmer avec force ma ferme condamnation et mon rejet absolu des manœuvres illégales et illégitimes qui ont conduit à l’imposition d’une prétendue 5e République et d’une nouvelle Constitution, arbitrairement infligées à notre pays pour instaurer un régime dit parlementaire, en violation manifeste de la Constitution adoptée en 1992 par une écrasante majorité du peuple togolais.
Je voudrais également rappeler que c’est ce coup de force, orchestré et perpétré dans la confusion la plus totale par le système RPT/UNIR, qui a fabriqué la fonction présidentielle que vous incarnez aujourd’hui. Nul n’ignore que l’objectif véritable de ce parlementarisme de façade est de perpétuer indéfiniment le pouvoir en place, en contournant à la fois la limitation des mandats et le suffrage universel direct pour l’élection présidentielle, tout en donnant l’illusion d’une réforme démocratique et d’un partage du pouvoir.
Je me permets, par la présente, d’attirer avec gravité, votre haute attention sur la situation en cours, qui procède du non-respect de la loi et du mépris de la symbolique de l’autorité de l’Etat. Une situation qui renforce la conviction des Togolaises et des Togolais que le système RPT/UNIR, irrémédiablement incapable de gouvernance démocratique, s’entête « à faire croire au Peuple, le contraire du vrai », comme l’exprime avec justesse, la Conférence des Evêques du Togo (CET), dans son message du 26 mai 2025. Une situation qui confirme, si besoin en est, que le régime RPT/UNIR est une dictature abjecte, qui viole systématiquement ses propres lois et engagements, en faisant usage de l’arbitraire et de la violence.
En effet, la « Constitution de la 5[e] République » stipule en son article 40, de manière explicite et sans équivoque, que : « Le Président de la République est le Chef de l’État. Il symbolise l’unité nationale. » En imposant cette « Constitution » au peuple togolais, le pouvoir RPT/UNIR prétendait s’inspirer des régimes parlementaires établis – qu’il s’agisse de l’Inde, de l’Italie, de l’Allemagne ou encore du Royaume-Uni – où, partout, l’exercice réel du pouvoir exécutif relève du Chef du Gouvernement, c’est-à-dire du Président du Conseil des ministres.
La distinction ainsi posée, entre le Président du Conseil des ministres et le Président de la République, n’est pas accessoire : elle est au cœur même du régime parlementaire. Elle consacre une séparation nette des rôles et des responsabilités. D’un côté, le Gouvernement, qui assume pleinement la conduite de la politique nationale. De l’autre, la Présidence de la République, appelée à demeurer une institution neutre, arbitrale, garante de la continuité de l’État et incarnation de l’unité de la Nation, au-dessus des contingences politiques, des intérêts partisans et des manœuvres politiciennes.
Or, l’on constate, dans les bâtiments et administrations publics, le remplacement de la photo officielle de M. Faure Grassingbé, ancien Président de la République en vertu de la Constitution de 1992, par un nouveau portrait de M. Faure Grassingbé, nouveau Président du Conseil des Ministres en vertu de la Constitution dite de la Vème République. En lieu et place du portrait du Chef de l’État constitutionnel, symbole de l’unité nationale.
Monsieur le Président de
la République,Cet acte irrespectueux des principes républicains élémentaires, constitue une violation patente de l’esprit et de la lettre de la Constitution que vous avez la charge d’incarner. Il confond délibérément deux fonctions que la Loi fondamentale qui vous crée, a pris soin de distinguer. En substituant l’effigie du chef du Gouvernement à celle du « symbole de l’unité nationale », il opère un détournement de l’autorité de l’État et porte une atteinte directe à la crédibilité de votre charge, déjà largement affaiblie par l’imposture de l’instauration de la 5[ème] République.
Cette manœuvre de transfert des attributs de la fonction de chef de l’État au Président du Conseil, signifie tout simplement qu’aux yeux du système RPT/UNIR, le Président de la République, dans cette 5[ème] République, est un machin, un objet de décoration, au total une institution potiche, insusceptible de jouer le rôle à lui dévolu par la Constitution imposée au Peuple : être le chef de l’État et le symbole de l’unité nationale.
En votre qualité de Chef de l’État, de garant de la Constitution et de l’intégrité des institutions, il est de votre devoir le plus strict de faire cesser cette usurpation. La « légitimité » que vous octroie la « constitution » que vous incarnez et l’autorité morale de votre fonction commandent que vous rappeliez, avec la fermeté qui s’impose, que le portrait affiché dans les lieux publics, dans les régimes parlementaires, est celui du symbole de l’unité nationale, et non celui du chef de la majorité politique au pouvoir.
Monsieur le Président de la République,
Votre formation académique à Sciences Po Bordeaux, vous a certainement instruit du poids de l’histoire, de la primauté du droit et de la sacralité des symboles républicains dans la construction et la préservation de la démocratie. Vous avez également, sans nul doute, eu l’occasion lors de ce cursus, d’étudier ou de commenter la célèbre formule de l’homme d’État français Pierre Mendès-France, Président du Conseil en 1954-1955 : « Pour un homme politique responsable, la fonction crée le devoir ».
En somme, le privilège spécial de connaître les principes éthiques de la démocratie, dont vous pouvez vous prévaloir, vous impose le devoir de prendre une position publique sans ambiguïté, pour corriger cette énième dérive du système RPT/UNIR. Il vous impose également le devoir de réaffirmer la prééminence de la fonction présidentielle dans la Constitution que vous avez juré de respecter et de faire respecter et qui stipule en son article 40 que « Le Président de la République est le Chef de l’Etat. Il est le symbole de l’unité nationale ».
Enfin, il n’a certainement pas échappé à votre haute attention, que les incohérences de cette constitution – notamment l’omission de l’autorité compétente et de la procédure pour nommer les membres du gouvernement – entachent gravement le décret du 8 octobre 2025 portant composition du gouvernement. Car ce décret, signé par le «Président du Conseil des ministres», n’a aucun fondement constitutionnel et donc aucune base légale. Ce qui induit un acte de pure usurpation de compétence, incompatible avec les principes élémentaires de l’État de droit et du régime parlementaire que les autorités togolaises prétendaient instaurer.
Aucune explication, si habile soit-elle, ne saurait justifier que l’on cautionne la folle ambition d’un homme et de sa cour, déterminés à se maintenir indéfiniment au pouvoir par des manœuvres aussi grossières qu’indignes. Le spectacle auquel nous assistons est d’une tristesse d’autant plus accablante qu’en dehors de tout fondement constitutionnel, le fonctionnement des institutions repose désormais sur l’arbitraire.
Cette situation appelle, à tout le moins, pour la préservation et le respect de la République, une action conséquente et diligente que les Togolaises et les Togolais attendent du Président de la République qui est le Chef de l’Etat.
Dans cette même attente, je vous prie d’agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de ma très haute considération.