Charles Debbasch

Les comptes bancaires de Charles Debbasch susciteraient-ils autant d’envies au point que des mains tapies dans l’ombre veuillent pourrir la vie à sa femme et ses enfants ? Depuis l’admission dans un centre de soins de l’ancien conseiller de Faure Gnassingbé, jusqu’à sa mort, des manœuvres sont ourdies contre sa femme à des fins inavouées.

A l’annonce du décès de Charles Debbasch, un huissier, Essomada Sansang, a posé des scellés sur le portail de sa demeure : « Portes et toutes autres entrées scellées ce jour 11/01/2022 en vertu de l’ordonnance aux fins d’apposition de scellés n°111/RI/21 rendu le 10 janvier 2022 par monsieur le juge en charge du septième cabinet d’instruction au tribunal de première instance de Lomé (Accès strictement interdit sous peine de poursuites pénales …)

Voici ce qu’en dit rfi.fr. « Dès l’annonce de son décès, des gendarmes sont allés chez lui pour saisir le matériel informatique et mettre sous scellés sa maison. Selon le Procureur de la République, la nécessité de mise sous scellé vient d’une procédure contre sa compagne qui vivait avec lui et de conclure : je ne peux pas en dire plus », rapporte le journal.

Contrairement à ce qu’avance le confrère, en guise de « compagne », c’est un mariage en bonne et due forme auquel des témoins dont l’actuel président de la Cour Constitutionnelle Aboudou Assouma avaient pris part à Paris, sur invitation du disparu. Tous frais pris en charge. Et de ce mariage, sont issus quatre enfants légaux qui vivaient ensemble avec leurs parents à la résidence de la Caisse nationale de sécurité sociale.

Procédure bancale initiée contre la veuve Debbasch

Il y a quelque temps déjà, pendant que Charles Debbasch se faisait soigner dans un centre de soins, des éléments du service central de recherches et d’investigations criminelles(SCRIC)de la Gendarmerie nationale avaient fait irruption dans la demeure où vivaient sa femme et ses enfants. Ils seraient repartis avec l’ordinateur, une carte de crédit, le téléphone personnel et le passeport de l’ancien conseiller de Faure Gnassingbé. Sur instruction de qui ? Mystère.

Alors, pour défendre les arrières de son mari légal, la femme s’y était opposée ; puisque les éléments du SCRIC n’avaient brandi aucun document officiel ou mandat de perquisition avant d’opérer.

Après des échauffourées au cours desquelles la femme avait été menacée d’être abattue, elle avait consenti à suivre (les pieds nus) les auteurs de l’expédition nocturne. Elle passa trois jours dans les locaux du SCRIC sis derrière la Cour d’Appel de Lomé, et fut présentée plus tard au Procureur de la République qui, au demeurant, n’aurait retenu aucune charge contre elle. Au final et selon les dires de la femme, ce sont des gendarmes eux-mêmes qui l’ont reconduite chez elle. Certains lui avaient même demandé de leur préparer à manger.

Mais ce que la justice tente d’ignorer ou de minimiser, c’est qu’au cours des événements qui se sont produits ce soir-là, Abotsi Komlan, un gardien de la maison, avait été tabassé par des éléments du SCRIC. On lui a fracturé la jambe au niveau de la hanche et après qu’il a été proprement rossé, il a été abandonné dans les locaux d’un centre de soins à Lomé. Aux dernières nouvelles, la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH) serait informée des voies de fait commises sur la personne du vigile. La procédure suivrait son cours.

Des acteurs de justice muets tels des carpes

Pour revenir aux motifs qui auraient conduit la justice à sceller la demeure de Charles Debbasch, nous avons pris langue avec certains acteurs du « film ». D’abord, l’huissier Essomada Sansang à qui nous avons demandé copie de l’ordonnance N°111/RI/2021 sur la base de laquelle il avait posé des scellés sur le portail de l’ancien conseiller de Faure Gnassingbé. Mais grande fut notre surprise d’entendre l’huissier nous brandir d’abord le secret de l’instruction, puis de nous renvoyer vers le juge du 7ème cabinet d’instruction. Depuis quand un huissier se permet d’apposer des scellés sans présenter l’ordonnance l’y autorisant ?

Pour faire suite à sa suggestion, nous avons écrit au juge Amah, juge du 7ème cabinet. Tout comme l’huissier, il n’a pas daigné répondre. Dans la même veine, nous apprenons que la femme du défunt l’a appelé en vain ; elle lui aurait laissé un message l’assurant de sa disponibilité en cas de besoin pour les besoins de la procédure.

Même le Doyen des juges à qui nous avons demandé s’il existe un texte qui interdit l’accès à une ordonnance ayant consacré la mise sous scellés de la demeure en question, bien que le numéro de l’ordonnance recherchée figure dans la note du scellé, il ne nous a pas répondu.

Quand nous avons pris contact avec la veuve, elle nous a demandé du temps et nous a envoyé le message suivant : « Pour le moment et pour l’heure, un grand silence de prière pour la mémoire, hommage et honneur à mon époux Charles Debbasch ».

Mais que veulent faire les éléments ayant perquisitionné le domicile avec la carte de crédit qui donne accès au compte bancaire d’un individu ? On arguerait des détournements de fonds par le défunt qu’on pourrait encore comprendre. Mais si c’est une initiative personnelle des éléments de la gendarmerie, ceux-ci devront s’expliquer. Si c’est un ordre reçu de la hiérarchie, la ministre des Armées devra élucider cet écart de procédure. Mais si c’est sur instruction d’un procureur ou d’un juge d’instruction, il revient au Conseil supérieur de la magistrature de demander des explications à celui-ci.

En rappel, trois enfants de la jeune sœur de la femme de Charles Debbasch ont été enlevés en pleine circulation par des éléments de la Gendarmerie il y a quelques mois. Depuis, les trois enfants n’ont toujours pas été retrouvés.

Pourquoi Charles Debbasch et pas les autres ?

La couleur de la peau du défunt jouerait-elle contre sa famille togolaise ? Puisqu’avant lui, il y a eu des disparitions d’illustres proches du régime. Assani Tidjani, Abass Bonfoh, Fambaré Natchaba, Edem Kodjo, et plus récemment Bitala Madjoulba. Mais lors de la transition de ces êtres autrefois chers au pouvoir de Lomé, on n’a pas entendu la justice togolaise faire subir pareilles tracasseries aux familles de ces personnalités disparues. Qu’est-ce qui peut bien expliquer les tribulations auxquelles on soumet la famille ? Des ordinateurs, les devanciers de Debbasch en avaient. Peut-être le contenu du ou des comptes bancaires pourrait justifier autant d’acharnement.

Certaines justices savent habiller des forfaitures pour donner un visage humain à la vengeance ou à l’escroquerie. On veut croire qu’on n’en arrivera pas là avec la famille du désormais ancien conseiller de Faure Gnassingbé.  

Godson K.

Liberté N°3542 du Mercredi 19 Janvier 202

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