La toile s’est enrichie subitement depuis quelques jours d’un nouveau centre d’intérêt politique lié à l’élection présidentielle de 2020. François Akila Esso Boko enflamme la toile sur une certaine intention d’être candidat à la prochaine élection présidentielle. Candidat pour naturellement gagner un scrutin qui devrait mettre fin à 53 ans de règne de la famille Gnassingbé. Circonspects, les observateurs attendent de voir jusqu’où ira cet officier Kabyè qui a donné les preuves du divorce avec le système RPT/UNIR et qui malgré ses atouts endogènes et exogènes n’est pas sûr d’aller au bout de son ambition. La pesanteur Gnassingbé et partenaires pesant lourdement sur sa candidature. Du coup, l’officier rebelle se retrouve jonché entre illusion et alternative pour le Togo nouveau. D’autres paramètres jouant dans cette nébuleuse politique togolaise.

En 2005, pendant la succession sanguinolente de Papa Eyadéma par Faure Gnassingbé, une explosive élection présidentielle était programmée pour consacrer l’installation de Faure à la tête d’un pays qui a manifesté violemment contre la prise du pouvoir par voie d’allégeance des généraux des Forces armées togolaises.

Les manifestations de l’opposition étaient réprimées dans le sang, avec une rare barbarie et la tension était vive. La communauté internationale était très préoccupée et c’est à la veille du scrutin du grand risque que le ministre de l’intérieur d’alors a fait une sortie nocturne pour tirer la sonnette d’alarme. Pour lui, la tension était électrique dans les deux camps, pouvoir et opposition, décidés à en découdre pour prendre le pouvoir.

Pour lui, le pays était au bord de l’explosion et il fallait suspendre le processus électoral, organisé une transition de deux ans, créer des conditions d’apaisement avant d’ aller à une quelconque élection. Il n’a pas été écouté, au contraire pourchassé avant de se faire extradé par les soins des services spéciaux de l’ambassade d’Allemagne au Togo. François Akila Esso BOKO a fui son pays le Togo, pour devenir à ce jour avocat au barreau de Paris.

Depuis, les services de renseignement du pouvoir politique togolais ne l’ont pas lâché. Ses tournées dans la sous région et en Afrique sont surveillées comme du lait sur le feu. Face à la stabilité de la situation politique togolaise qui règne après les grandes turbulences de 2017 et 2018, les enjeux de 2020 s’annoncent non sans remous.

François Boko veut se faire compter parmi les candidats. Et face à l’histoire et à l’expérience tout est permis et rien n’est permis. Tout dépendra du pouvoir en place.

François Boko, officier, avocat, politique…

Agé aujourd’hui de 54 ans, le Saint-cyrien Akila Esso Boko était officier de la gendarmerie et est rentré servir son pays, mais face à sa liberté de pensée et à sa vision démocratique de la gestion, il s’est vite fait hara-kiri, rentré en conflit avec le Général Eyadema pour être conseiller juridique au ministère de la justice.

Compétence s’imposant, il est finalement nommé ministre de l’Intérieur 3 ans avant le mort du Général en février 2005. Les escalades de violences pour le maintien du pouvoir orchestrées par le système RPT d’alors ne peuvent tranquilliser un officier démocrate. François Boko finit donc par craquer face à l’annonce du bain de sang pour la présidentielle de 2005 d’après la mort d’Eyadema. Sa sortie est considérée comme une trahison dans un pays où ou la démission n’est pas dans le vocabulaire des autorités politiques. Il est rentré en exil et a durci l’esprit démocratique en créant le FRAC avec Jean Pierre Fabre, leader de l’Alliance nationale pour le Changement en vue de créer les conditions de l’alternance. Combattu et présenté comme bête noire du pouvoir, Boko est resté prudent et stratégique face à ses positions et à ses orientations.

Entre 2017 et 2018, l’avocat de Paris a été consulté par plusieurs acteurs pour apporter sa contribution en vue de porter haut le flambeau de l’alternance. Partie remise, les pouvoir RPT/UNIR a mis les bouchées doubles pour étouffer la résistance populaire. La complicité de la CEDEAO et de la communauté internationale ont déjoué tous les pronostics face à un régime qui était chancelant. Aujourd’hui, on est à la veille de l’élection présidentielle régulière pour 2020.

L’opposition affûte ses armes pour obtenir l’alternance, le pouvoir ne baisse pas les bras pour se maintenir. François BOKO entre en scène, entre l’illusion de ses détracteurs et l’alternative pour ses partisans. L’homme de Tchitchao, tout en donnant l’espoir de créer la surprise et balayer le système devrait mesurer les obstacles dont le pouvoir a la capacité de dresser contre ses challengers sérieux. Pour ce faire donc, l’officier de la gendarmerie devrait se rendre compte des grands défis qui l’attendent face à cette aventure politique en terre togolaise.

Entre illusion et alternative

Il est annoncé pour rentrer au pays et préparer sa candidature pour l’élection présidentielle de 2020. Il effectue actuellement une tournée européenne et américaine avant de rentrer au pays.

Illusion, beaucoup sont passés par cette étape présidentielle et ont proclamé le miracle pour être les pions de la situation. Tous et pour chacun sont tombés dans les montages et les pièges du système et sont repartis la queue entre les jambes.

Koffi Yamgnane présenté comme le candidat de la France a mordu la poussière dans le bourbier togolais. Les autorités, après avoir infligé du doute sur ses dossiers d’identité ont réussi à exhumer une salle affaire de courtage de papier en France qui lui avait coûté une mise en examen.

Depuis le sorcier de Bandjeli a perdu ses marques et est moins présent dans ses invectives. Pour aller encore plus loin, le pouvoir a, non seulement empêché les manifestations de l’opposant dans la région septentrionale du pays, mais aussi a réussi à corser les prix des hôtels où devaient résider la délégation du natif de Bassar. Le franco-togolais a marmonné sa désapprobation et a conclu que le pouvoir togolais est cynique et n’est disposé à favoriser le fonctionnement d’une démocratie.

Alberto Olympio, à peine sorti, si tôt étouffé. Le leader du Parti des Togolais a nourri de l’espoir dans une république où la déception est grande. Sa découverte des irrégularités du fichier électoral qu’il combattu lui a attiré la foudre des manœuvriers du pouvoir qui ont aussi réussi à dénicher une autre affaire de Cauris Investment où le leader est mis en cause devant les tribunaux. Cette action initiée par ses partenaires lui a coûté un mandat d’arrêt international. Alberto Olympio a fini par remettre le parti à son frère pour être porté disparu. Le système a réussi son coup.

Et que dire des coups montés contre Gilchrist Olympio, de son temps d’opposant, contre Pascal Bodjona et d’autres qui ont perdu aujourd’hui leur ambition de combattre le système.

François Boko ; le système togolais le connais assez bien et sait sa carte est une bonne.

Officier de l’armée, il a l’adhésion d’une partie de l’armée. Originaire de l’ethnie Kabyè du Chef de l’Etat, il a des chances de piocher dans le fief du pouvoir. Avocat à Paris, il a des chances d’être soutenu par la diaspora qui n’est pas électrice pour le moment, selon la constitution.

Mais le pouvoir togolais étant convaincu qu’il est une alternative crédible a plus d’un tour dans son sac pour le neutraliser. C’est pourquoi, François BOKO doit compter sur des soutiens forts, des stratégies efficaces pour combattre le système RPT/UNIR.

L’autre poche de résistance se trouve dans le propre camp de l’opposition. Elle est incarnée par la C14 qui reste fermée après les déboires des dernières législatives.

Va-t-elle accepter d’accompagner une candidature externe alors que tous et chacun envisagent de se présenter ?
 
Ce sont des équations qui mettent le soldat en position d’illusion pour les uns et d’alternative pour les autres. Le reste sera une question de stratégie et de tact, à la limite de négociation pour arriver à bout d’un système qui n’est pas prêt à lâcher prise.

 
Carlos Ketohou
Source : L’Indépendant Express No.466 du 19 mars 2019
 

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