Depuis le week-end, une information fait le buzz sur les réseaux sociaux. « Le président de la Cour d’Appel, le juge Sronvie suspendu pour une grosse affaire de corruption. Il est passé devant le conseil de discipline le mardi durant 4h de temps. Dossier à suivre ».
 
Le mémoire de défense du président en intégralité
 
Après avoir cherché à comprendre en quoi consiste cette accusation, nous avons pu mettre en exergue des acteurs d’un feuilleton qui, au départ, avait l’air de rien, mais qui, au fil des découvertes, révèle d’autres acteurs ignorés de l’opinion :
 
Extrait de la une de Liberté No. 2246 /01/08/2015
Extrait de la une de Liberté No. 2246 /01/08/2015


l’huissier Amégbo Ablamvi,
l’avocat Kodjovi Gilbert Dossou aujourd’hui radié du Barreau,
Nayo Awoulmère, président du Tribunal de Première Instance de Lomé, avec comme principaux catalyseurs
l’Inspecteur général adjoint des Services judiciaires et pénitentiaires Alpha-Adini Yakinou et
le président de la Cour Suprême, Akakpovi Gamatho.
Et le sujet principal visé, le président de la Cour d’Appel, Olivier Sronvie.
 
Si en 2013 l’avocat Kodjovi Gilbert Dossou avait suivi les prescriptions de la Caisse de règlements pécuniaire des avocats (CARPA), personne n’entendrait parler de ce dossier dans lequel on cherche à trouver des indices de corruption et de non rédaction d’ordonnances sur la personne du président de la Cour d’Appel de Lomé, Olivier Sronvie. Ce juge est-il coupable des faits qu’on lui reproche ? Ces faits sont-ils avérés ?
 
Tout a commencé en 2013, lorsqu’un navire, Verzina, a été saisi par une dizaine de créanciers et menaçait de couler parce qu’étant dans un état de délabrement avancé. Le Directeur général du Port autonome de Lomé (PAL) a informé les créanciers. Le 16 octobre 2013, le président du Tribunal de Lomé a, par ordonnance n°08/2013, autorisé l’huissier Amégbo Ablamvi à procéder à la vente et verser le produit de cette vente au greffe du Tribunal.
 
598 millions de FCFA, tel est le montant issu de la vente du bateau. Selon les textes, cet huissier devrait verser cette somme sur le compte CARPA. Mais non seulement il ne l’a pas fait, mais il a défalqué 109 millions de la somme en guise d’honoraires sans avoir adressé une note de taxe au président du Tribunal. Et il a gardé par-devers lui le reste, soit 498 millions.
 
Me Kodjovi Dossou qui dit représenter une partie des créanciers, laquelle affirmation a été rejetée par ces derniers, a initié une saisie-attribution et s’est fait reverser les 498 millions par l’huissier Amégbo Ablamvi, suite à une autre ordonnance prise par le même président du Tribunal, Nayo Awoulmère. Ce qui est contraire aux textes de l’OHADA. Et pour mettre la pression sur l’huissier, l’ordonnance est assortie d’une astreinte de 50.000 FCFA par jour de retard. L’avocat reçut donc les 498 millions.
 
Non contents de cette procédure, les conseils des autres parties ont exercé un recours le 19 février 2014 ; mais le lendemain, soit le 20 février, Me Kodjovi Dossou brandit un sursis à exécution dûment signé du même président du Tribunal, Nayo Awoulmère. Le 21 février, une deuxième ordonnance n°200 enjoint l’avocat de verser l’argent indûment gardé sur le compte CARPA. Et dans sa logique, Me Dossou a attaqué cette ordonnance à l’audience du 4 mars 2014. Mais la Cour d’appel déboute l’avocat et confirme l’ordonnance, sous astreinte d’office par l’ordonnance n°075 du 28 mars 2014.
 
Alors, le 2 avril 2014, Me Kodjovi Dossou émet un chèque, non pas de 498 millions, mais de 146.653.450 FCFA à l’endroit de la comptabilité du bâtonnier Kouvahey. Lequel adresse un courrier le même jour à l’avocat pour connaître les détails de cette somme.
 
Le 3 avril 2014, Me Dossou répond au courrier. Et le 24 septembre 2014, par arrêté n°001/2014, le Conseil de discipline de l’Ordre des avocats, statuant contradictoirement en matière disciplinaire et en dernier ressort, a arrêté :
 
« Maître Kodjovi G. Dossou est coupable des manquements aux dispositions des articles 6, 1 et 5 de la Loi n°88-8 du 27 mai 7988 instituant la Caisse des règlements pécuniaire des avocats (CARPA) et de manquement à la probité et à l’honneur. En conséquence, vu les articles 72 et 73 du décret n°80-37 du 7 mars 1980 pris en application de l’ordonnance n°80-11 du 9 janvier 1980 relative à la profession d’avocat, prononce la radiation de Maître Dossou Kodjovi du Tableau des avocats pour compter de ce jour. Ainsi fait, délibéré et vidé à l’issue de l’audience publique du 24 septembre 2014 ».
 
On en était là et la vie reprenait son cours lorsque le 8 mars 2016, une plainte de Me Kodjovi Dossou est initiée contre le président de la Cour d’appel de Lomé, le juge Olivier Sronvie. Selon les termes de la plainte, le président de la Cour d’appel a rendu deux ordonnances sans les avoir rédigées, et le Barreau aurait profité de ces ordonnances pour radier l’avocat. Sans qu’aucune mention ne soit faite de la violation des dispositions relatives au compte CARPA.
 
Le week-end dernier, des informations sur une prétendue corruption dont le juge Sronvie se serait rendu coupable, ont commencé à circuler sur les réseaux sociaux. Pour situer les citoyens, nous avons obtenu copie du mémoire du juge mis en cause, histoire d’être fidèle à ses arguments. Que s’est-il passé ? Le droit a-t-il été dit lors de son audition ? Lui a-t-on notifié une décision avant que la machine à conditionner les populations ne soit mise en branle via ces réseaux ? Ci-après le mémoire.
 
Mémoire
 
I – Nullité de la procédure
 
In limine litis je sollicite la nullité de la procédure en ce que l’enquête administrative a violé les principes d’impartialité, du respect du contradictoire et la confidentialité.
 
1- Retrait de plainte intervenu le 14 mars 2016 (pièce 6) : l’inspecteur au lieu de constater ce retrait de plainte, m’en adresse seulement copie accompagnée d’un SMS que mon accusateur lui a envoyé sur son portable privé. Nous sommes dans une procédure d’enquête administrative et non pénale où l’enquêteur n’est pas accusateur. Il doit se comporter comme un juge du siège et attendre de son rapport pour tirer les conclusions.
 
2-SMS (pièce 7) démontre que l’inspecteur a pris parti pour l’accusateur et entretient des relations privées avec lui.
 
3-Le contenu du SMS qui dit « j’ai porté plainte et ai tout exposé. Vous avez fait à votre niveau le travail. Vous avez eu des résultats peu importants donc mon soi-disant retrait de plainte. Je suis la personne faible dans cette affaire et il vous revient de faire votre travail est tellement éloquent qu’il n’est point besoin de démontrer que c’est suite aux harcèlements de l’inspecteur qu’il a été envoyé.
 
4-Les pressions qu’il a exercées sur mon accusateur l’ont contraint à revenir sur sa plainte. Chose curieuse car cela démontre le manque de rigueur de ce service important qu’est l’Inspection et traduit le parti pris de l’enquêteur qui est devenu un objet entre les mains de l’accusateur.
 
5-Après le retrait de plainte de mon accusateur et après qu’il est revenu sur sa plainte, l’enquêteur m’a envoyé deux courriers dans lesquels il me demande de répondre à certains faits qui, selon lui, « lui aurait été rapportés par mon accusateur» alors que mon accusateur n’a jamais révélé ces faits dans aucun de ses écrits, preuve qu’en dehors de la procédure, il entretenait d’autres relations avec lui. D’ailleurs, il n’a pas nié lors de nos échanges, qu’il le recevait à des heures non ouvrées.
 
6-L’audition de la greffière ne m’a jamais été communiquée alors qu’elle a été communiquée à mon accusateur qui l’a contestée, ce qui a emmené l’enquêteur à convoquer à nouveau la greffière qui lui a dit qu’elle s’en tient à son audition malgré les intimidations de poursuite qu’il lui a fait subir en lui montrant la photo du Chef de l’Etat.
 
7-Cette partialité et ce refus du respect du contradictoire par l’enquêteur se traduisent aussi par la non communication du pourvoi et de l’ordonnance de sursis de monsieur le Président de la Cour Suprême à mon ordonnance portant sursis et le fait qu’il n’a jamais demandé à mon accusateur qui soutient que c’est suite à mes ordonnances non rédigées que le Barreau l’a radié de produire la décision de radiation, ce qui devait lui permettre de conduire son enquête avec rigueur et constater que l’accusation de maitre Dossou est dénuée de tout fondement. Il l’a suivi dans ses mensonges et en a abouti aux mêmes conclusions dans son rapport que c’est sur la base de mes ordonnances non rédigées que maitre Dossou a été radié, ce qui est totalement faux. Pour un rapport qui fonde une poursuite disciplinaire contre un juge, avouons que c’est vraiment léger.
 
L’inspection n’a pas seulement pour mission de poursuivre les juges. Il doit les protéger quand il le faut. Voilà un avocat, pas un simple justiciable, qui avoue avoir corrompu un juge. Il n’est pas inquiété. Au contraire.
 
8-Ce comportement de l’enquêteur s’est poursuivi dans son courrier à moi adressé en date du 11 avril 2016 (pièce 15), il soutient que « je me réunis à mon bureau avec mes « frères» pour me signifier que j’étais maçon et que j’avais rendu des décisions pour plaire à ces derniers alors que je n’ai tenu aucune réunion et que je ne suis membre d’aucune confrérie. Comment comprendre cet acharnement de l’enquêteur qui s’est transformé en défenseur de mon accusateur?
 
9-Enfin, à plusieurs reprises l’inspecteur a fait appeler mes collègues dans son bureau pour leur parler de l’enquête et me vilipender. Pourquoi?
 
10-Le CSM est l’organe qui protège les magistrats. Cette enquête administrative s’est déroulée totalement à charge dans un esprit très partisan au point où aucune vérification des propos de l’accusateur n’a été faite, juste avec pour seul objectif de parvenir à la condamnation de Sronvie, ce qui fait que le rapport en lui-même n’est pas objectif et comporte des contrevérités monstrueuses qui ne peuvent asseoir une poursuite disciplinaire. Comment peut-on soutenir dans un rapport que « quand on se bat pour sa vie on est prêt à tout et à n’importe quoi » ? Qui se bat pour sa vie, mon accusateur? Se battre pour sa vie justifie qu’un avocat aille corrompre un juge sans être inquiété? Qu’est-ce qui empêchait l’Inspecteur adjoint de demander à maitre Dossou de produire sa décision de radiation alors même que je l’ai demandée dans ma réponse à sa plainte. C’est la partialité.
 
11-L’Etat de droit que nous essayons de construire passe nécessairement par le respect des règles élémentaires de procédure. Et l’exemple doit venir des sommités de la magistrature au rang desquelles le service de l’Inspection. C’est pourquoi cette enquête doit être annulée, et partant, toute la procédure.
 
II-Subsidiairement au fond:
 
-Sur la radiation de la procédure sociale concernant ma sœur.
12-Maitre Dossou écrit dans sa plainte que c’est sur la base de mes ordonnances non rédigées que le Barreau l’a radié et que la non rédaction des ordonnances, et partant, leur non délivrance a empêché ses pourvois de prospérer, ce qui a favorisé sa radiation. Qu’étant à la recherche de ses expéditions qui constituaient pour lui une obsession vitale, désemparé qu’il était, j’ai profité de cet état pour faire pression sur lui et lui soutirer d’une part la somme de 10.000.000 frs et d’autre part la radiation de la procédure sociale concernant ma sœur.
 
13-Le rapport de Monsieur l’Inspecteur adjoint a abouti à la même conclusion. Ce rapport affirme: « Maitre DOSSOU Kodjovi a été radié le 14 septembre 2014 par le Conseil de discipline de l’ordre des Avocats pour n’avoir pas obtempéré aux injonctions de l’ordonnance n°140/2014 du 13 juin 2014 et ce, sur dispositif de cette même ordonnance.
 
Contre cette ordonnance, il a formé pourvoi en cassation et aussi uniquement sur la base de l’extrait du dispositif de cette ordonnance. Dès lors, la délivrance de l’expédition de cette ordonnance après sa rédaction était devenue une nécessité quasi obsessionnelle pour maitre DOSSOU Kodjovi.
 
Ce qui à coup sûr le plongeait dans un état d’esprit caractérisé par l’angoisse, la fragilité, la domination et le contrôle. Cette situation que vivait maitre DOSSOU Kodjovi ne peut que le rendre sensible à toute sorte de sollicitations y compris le paiement d’une somme d’argent, l’essentiel pour lui étant d’obtenir ce qu’il considère comme l’unique voie de salut (rédaction des ordonnances).
 
Il se posait alors au maitre DOSSOU Kodjovi un vrai problème existentialiste. Ne dit- on pas quand on se bat pour sa vie, on est prêt à tout et à n’importe quoi » ?
 
14-Montage grossier et mensonge. Je vous produis la pièce 20/22: Arrêté du conseil de l’ordre en date du 24 septembre 2014. Maitre Dossou a été radié pour violation de la loi n°88-8 du 27 mai 1988 instituant la Caisse de règlement pécuniaire des avocats(CARPA). Je vous produis cette décision. Nulle part, il n’est fait allusion, ne serait-ce que pour motiver une des ordonnances querellées.
 
La décision de radiation n’ayant aucun lien avec mes ordonnances, je ne vois en quoi la non délivrance des expéditions a pu causer un quelconque tort à maitre Dossou au point où il se trouverait dans un état de fragilité, d’angoisse, de domination, ne sachant à quel saint se vouer pour que j’en profite pour lui soutier l’argent et la radiation de la procédure de ma sœur.
 
Mon accusateur en était bien conscient, raison pour laquelle, il s’est gardé de produire la décision du conseil de l’ordre le radiant.
 
Dès lors que sa radiation n’a aucun rapport avec les ordonnances, celles-ci mêmes s’il les obtenait ne pouvait avoir le moindre effet sur sa radiation, donc c’est totalement mensonger qu’il affirme, suivi dans ce sens par Monsieur l’Inspecteur adjoint que la non délivrance des expéditions l’a empêché d’exercer des pourvois pour contrer la décision de radiation.
 
Mieux:
 
15-Ordonnance n°75/14 du 28 mars 2014 n’a fait l’objet d’aucun pourvoi de la part de maitre Dossou comme il le soutient. Il ne peut en être autrement dans la mesure où lui-même a commencé son exécution (courrier en date du 03 avril 2014) qu’il adresse au bâtonnier en précisant que c’est exécution de l’ordonnance à pied de requête N°200/14 du 21 février 2014 dont le recours a donné lieu à l’ordonnance n°75/14 du 28 mars 2014 qu’il a envoyé le chèque de 146653450 frs. Donc ici aussi, c’est un mensonge lorsque mon accusateur affirme qu’il a exercé un pourvoi contre cette ordonnance.
 
16-Ordonnance n°140/14 du 13 juin 2014 ordonnant le sursis à l’exécution de l’ordonnance n00133 2014 du président du tribunal de Lomé ordonnant le décaissement des fonds sur minute entre les mains de l’huissier. Maitre Dossou, ici aussi ment. Il ne dit pas la vérité quand il affirme que la non délivrance de l’expédition l’a empêché de faire le pourvoi et que la Cour suprême du fait de la non délivrance de l’expédition n’a pu statuer, ce qui a favorisé sa radiation. Il a exercé son pourvoi (pièce 23) le 03 octobre 2014, soit trois mois après le rendu de cette ordonnance et 10 jours après sa radiation du barreau, et malgré l’absence de l’expédition, il a eu satisfaction car il a obtenu l’ordonnance n°116/14 du 12 novembre 2014 (pièce 25) ordonnant le sursis à mon ordonnance. Quel préjudice a-t-il subi, quel intérêt a-t-il encore à me poursuivre dans cet« état d’esprit caractérisé par la fragilité, l’angoisse, la domination et le contrôle» comme le décrit le rapport de l’Inspecteur au point où j’en profite pour lui mettre la pression d’autant que ce n’est que plus de six mois après, soit le 30 juin 2015 (pièce 21) qu’il a radié la procédure sociale de ma sœur.
 
17-Si maitre Dossou a pu obtenir satisfaction depuis le 12 novembre 2014, quel intérêt a-t-il à venir dans mon bureau en 2015 pour chercher une expédition qui ne peut plus servir et que j’en profite pour exiger la radiation de la procédure concernant ma sœur en 2015. Force-t-on une porte déjà ouverte?
 
18- Le motif de cette radiation de la procédure sociale concernant ma sœur réside tout simplement dans les multiples tentatives de mon accusateur pour être dans mes bonnes grâces afin de gagner ces procès relatifs à ce dossier de navire. Mais Dieu merci, il n’en a gagné aucun.
 
-Sur la non rédaction des ordonnances.
 
Au principal
 
19-Au regard de ce qui précède, cette accusation est sans fondement. Aussi, je suis président d’une grande juridiction comme la Cour d’appel de Lomé et j’ai le pouvoir d’organiser ma juridiction pour son bon fonctionnement. Je ne comprends pas qu’on puisse poursuivre un président d’une Cour d’appel pour non rédaction d’une simple ordonnance rendue de surcroit sur le siège et dont les parties n’ont manifesté le moindre intérêt pour la délivrance de l’expédition.
 
-Au subsidiaire
 
20- Le point 3-1 des directives dit en substance «le juge s’oblige à rédiger intégralement sa décision et à bien la motiver avant son prononcé à l’audience»
Dans quels cas, cette disposition s’applique-t-elle ? Dans les cas où le juge met le dossier en délibéré avant d’aller le vider parce qu’il est fait obligation au juge de rédiger entièrement la décision avant d’aller la vider.
Sommes-nous dans ce cas ici? Non. Parce que ce sont des ordonnances vidées sur le siège. Cette directive ne peut recevoir application en l’espèce. On ne peut donc conclure à une violation du point III-4 de la directive.
 
Très subsidiairement
 
21- La question qui se pose ici est celle de savoir quelle est l’attitude du juge après avoir rendu une décision sur le siège? Le greffier doit lui apporter le dossier pour sa rédaction. C’est ce que j’ai fait.
 
22-La greffière entendue par Mme le rapporteur du CSM déclare «je fais remarquer que dans les dossiers de référé le président ne rédige pas le factum, il met seulement l’attendu principal et le dispositif. C’est le greffier audiencier qui procède à la rédaction de la décision et le soumet au président pour correction et signature. C’est ladite procédure qui a été observée pour l’ordonnance de juin 2014. Après avoir prononcé le dispositif sur le siège, j’ai pris le dossier avec moi pour la rédaction malheureusement, j’ai accusé un retard pour le faire compte tenu du nombre de dossier vidé.
 
J’ai commencé la mise en forme de cette ordonnance le 04 mars quand le 07 mars, l’Inspecteur Général Adjoint m’avait interpellé et le 08 mars le Président de la cour d’appel m’a sommé de traiter urgemment ce dossier. C’est ce que j’ai fait et le 09 mars je l’ai soumis au Président pour la signature. Je précise que c’est moi qui ai rédigé cette ordonnance. Le Président n’a fait qu’apposer sa signature et l’expédition a été délivrée par le greffier en chef».
 
23-Cette déclaration comporte des contradictions. Tantôt, c’est le président qui a mis l’attendu principal, tantôt, c’est elle qui a rédigé.
 
Cette même greffière, lorsque je l’ai interpellée le 08 mars 2016, m’a avoué: «Monsieur le Président, j’étais malade, puis en congé de maternité suivi de mon congé annuel raison pour laquelle je n’ai pas encore saisi la décision. J’ai quand même commencé le 04 mars 2016 et je vais vous la soumettre sous peu pour signature. Monsieur l’inspecteur Adjoint m’a appelé hier et je lui ai dit la même chose».
 
Auditionnée le 19 avril 2016, elle a confirmé point par point l’entretien que j’ai eu avec elle le 08 mars au reçu de la plainte. Elle a précisé les raisons du retard dans la délivrance de l’expédition qu’elle justifie par la charge du travail, son congé de maternité et son congé administratif et le fait qu’aucune des parties ne le lui a rappelé et a ajouté « … J’ai commencé la mise en forme de cette ordonnance le 04 mars 2016 … Ce n’est que le 08 mars 2016 que le Président m’a appelé au téléphone alors que je revenais de l’ordre des avocats où j’étais à l’occasion de la célébration de la journée de la femme de venir le voir au bureau. Quand je me suis présentée, le Président m’a alors demandé de finir vite la saisie de ce dossier pour sa signature. C’est ce que j’ai fait en soumettant le dossier à sa signature le lendemain déjà (09 mars 2016) ».
 
Cette audition ne m’a jamais été communiquée et je l’ai découverte dans les pièces à moi communiquées par le CSM comme la pièce 25. D’ailleurs, la greffière, m’a déclaré que l’Inspecteur Adjoint lui a interdit de m’en parler. Elle a été appelé un mois après son audition et a été menacée par l’inspecteur qui lui montrait une photo du Chef de l’Etat en lui disant que «Me DOSSOU dit qu’il a, à plusieurs reprises demandé l’expédition en vain et que lui Inspecteur Adjoint, il ne voulait pas lui créer des problèmes, l’affaire étant au niveau du chef de l’Etat ».
 
Vous comprenez les raisons de cette déclaration de la greffière qui après avoir dit qu’elle a commencé la saisie vient dire qu’elle a rédigé la décision.
 
24-De toutes les façons, ces déclarations de la greffière font-elles la preuve de la non rédaction des ordonnances rendues sur le siège? Sincèrement NON.
 
25-Aussi, croyez-vous que si je n’avais pas rédigé les ordonnances, le 08 mars 2016, au reçu de la plainte, j’allais demander au greffier d’aller les saisir? Je prendrais les dossiers et les rédigerais et si c’était le cas, la greffière l’avouerait.
 
26-Chers collègues, nous connaissons la pratique dans la maison, lorsque le juge rend une décision sur le siège (cas des flagrants délits et ordonnances), le plus souvent c’est lorsqu’une partie demande l’expédition que le dossier est retourné au juge pour sa rédaction.
 
27-A la Cour d’Appel, eu égard à la charge du travail, j’ai instruit les greffiers qui sont à la chambre des référés de faire des propositions dans les cas où l’ordonnance est rendue sur le siège et dans le cas où la rédaction ne pose pas de problèmes de droits surtout dans les dossiers où on adjuge les demandes comme c’est le cas des quid de droit, des donner actes ou des confirmations de sursis, des carences où ils s’inspirent de modèles. C’est ce qu’on observe chez nous et dans presque tous les pays, même en France.
 
Il faut noter même que le rôle du greffier consiste le plus souvent à saisir les conclusions des avocats dans la mesure où vidant sur le siège, je mets toujours l’attendu principal d’autant que nous avons installé ce logiciel qui nous permet de convertir en WORD par scanner les conclusions des avocats.
 
M. le Président, Mmes et MM, membres du CSM, je vous remercie.
 
Des interrogations s’imposent après lecture
 
Au sujet de l’huissier Amegbo Ablamvi, il est surprenant que le Conseil Supérieur de la Magistrature ne dise rien ou n’enjoigne pas l’ordre des huissiers à demander les raisons pour lesquelles il n’a pas versé les 498 millions sur le compte CARPA, car s’il y a bien quelqu’un qui aurait pu informer l’avocat Kodjovi Dossou de l’existence de cet argent auprès de l’huissier, c’est bien l’huissier lui-même.
 
Concernant l’avocat radié Kdjovi Dossou, il apparaît que même dans le cas où il aurait versé les 10 millions au juge Sronvie, celui-ci n’a pas accédé à sa demande, puisque les ordonnances ne lui ont pas été remises. En plus, il est bizarre que bien qu’étant « dans une situation de détresse » comme le mentionne si bien l’Inspecteur général, l’avocat a eu la clarté d’esprit d’émettre un chèque de 146.653.450 FCFA à l’ordre de la comptabilité du bâtonnier.
 
En plus, et c’est surprenant de la part de quelqu’un dont la vie dépend de la rédaction des ordonnances, pour reprendre les termes de l’Inspecteur général, d’attendre quatre mois, (3 octobre 2014) avant de rédiger un pourvoi alors que le sursis a été rendu le 13 juin de la même année. Très surprenant.
 
S’agissant du président du Tribunal, Nayo Awoulmère, comment le CSM peut-il fermer les yeux sur les actes d’un président qui dit une chose le matin et une autre à midi ? Le 16 octobre 2013, il prend une ordonnance afin que l’huissier procède à la vente du navire et consigne l’argent au greffe. Mais c’est encore lui qui prend une autre ordonnance pour obliger l’huissier à remettre l’argent à l’avocat sous astreinte de 50.000 FCFA par jour de résistance. A ce rythme, où va la justice ? Rappelons que ce même président s’est malheureusement illustré dans l’affaire Getma qui l’oppose au sieur Cosmas Kpokpoya dans une affaire de riz.
 
L’Inspecteur général des services judiciaires et pénitentiaires, Alpha-Adini Yakinou. Il a remplacé l’actuel ministre de la Justice, mais apparemment, a du mal à se départir de ses préjugés dans l’exercice de son métier. D’abord, lorsqu’il enjoint la greffière de la Cour d’appel de ne point rapporter leurs échanges au cours desquels la femme relate comment les choses se sont passées, et ensuite lorsqu’il indique la photo du chef de l’Etat qui, sous d’autres cieux, serait le président du CSM, on se demande s’il existe des termes autres que « pression psychologique » pour désigner cet acte. Pire, c’est après qu’il a reçu la lettre de retrait de la plainte de l’avocat contre le président Sronvie, que l’auteur de la plainte est revenu sur sa décision et réitérer la plainte. Entre-temps, des échanges de messages téléphoniques ont eu lieu entre lui et l’avocat. Qui nous dit qu’il n’y a pas eu d’autres messages plus « croustillants » et qui sait s’ils n’étaient pas envoyés par inadvertance ?
 
Enfin, au sujet du président de la Cour suprême, Akakpovi Gamatho. Les conclusions de l’Inspecteur général ont écarté les soupçons de corruption, de même que le juge rapporteur qui a été missionné par le CSM. Mais poussé par on ne sait quels objectifs, le président de cette cour est revenu sur l’argument de la corruption, tel un pou recherché sur un crâne rasé. Le bouquet final a été lorsqu’il a donné suite favorable le 12 novembre 2014 par décision n°116/14 ordonnant le sursis à l’ordonnance du président de la Cour d’appel, et ceci, en l’absence de la décision attaquée ! Sur la base de quels éléments a-t-il pu deviner la quintessence de la décision de la Cour d’appel ? Les juristes sont appelés à s’intéresser de près aux méthodes qui ont cours au sein de l’appareil judiciaire et dont les médias font écho afin de faire changer les pratiques.
 
Se limiter à la seule information faisant état d’une « suspension » du président de la Cour d’appel dans une affaire de corruption, est un moyen très subtile de conditionner les citoyens avant qu’une décision inique ne vienne mettre la touche finale au sort d’un juge qui, aux dires de ses collègues, fait de son mieux. Et quand l’Inspecteur général fait état de réunions entres « frères », faisant allusion à une confrérie alors qu’il n’en a pas la preuve, c’est dire que tous les moyens sont bons pour faire passer quelqu’un pour ce qu’il ne serait pas. « Le rude combat en faveur de l’assainissement du corps des magistrats » du président de la Cour suprême devrait-il se faire dans ces conditions-là ? Comment l’actuel ministre de la Justice aurait géré cette affaire s’il était encore Inspecteur général ?
 
Source : Abbé Faria, Liberté No. 2246 du 1er août 2016
 

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