Un reportage de la chaîne américaine CNN diffusé la semaine dernière relatif au trafic et vente aux enchères des migrants en Libye suscite indignation et émoi de par le monde. Des « marchés d’esclaves » organisés et entretenus par des passeurs qui se proposent de faire franchir la mer méditerranée aux migrants majoritairement ressortissants de l’Afrique subsaharienne et voulant se rendre en Europe en passant par l’Italie, la première porte d’entrée.
« Des garçons grands et forts pour le travail de ferme » vendus à 1200 dinars libyens soit 400 dollars chacun. Il n’en faut pas plus pour que plusieurs voix sortent du bois en Afrique et en Europe notamment des manifestations un peu partout dans les Ambassades de la Libye. On peut, cependant, dénoncer la tragédie humaine sur Lampedusa mais que des gens soient surpris de la vente d’esclaves en Libye où sont retenus les migrants, paraît flou.
Parmi les réactions, celle du président togolais Faure Gnassingbé sur cette situation en Libye surprend beaucoup de Togolais au regard du drame qui se vit dans son propre pays.
Hypocrisie générale
L’indignation généralisée du reportage de la CNN montre la gravité des faits. Mais les réactions de l’ONU et surtout des chefs d’Etat africains apparaissent une hypocrisie à grande échelle. Veut-on faire croire aux Africains qu’avant le reportage de la CNN, les chefs d’Etat n’étaient pas au courant de cette pratique en Libye ?
Si c’est le cas, cela relève de l’irresponsabilité notoire et doit être assimilé à la non assistance à personne en danger. Combien de migrants africains ne sont-ils pas morts noyés dans la mer méditerranée depuis plusieurs années déjà ? A chaque série de morts, c’est plutôt l’Occident qui sort des déclarations et s’engage à éradiquer le fléau.
Le phénomène de migration clandestine s’est accentué aux côtes libyennes depuis la mort en 2011 du guide Mouammar Khadafi. Généralement, ceux qui périssent dans ce fléau viennent des pays instables comme l’Erythrée, la Somalie, le Soudan, le Burundi, la RD Congo… La cause principale de ces départs forcés, c’est bien la mal gouvernance.
Pour faire face à la migration clandestine, il faudra d’abord déraciner les dictateurs qui consacrent le pillage des ressources de leur pays et contraignent le peuple à l’indigence et à la grande misère.
Ces chefs d’Etat qui ont fait du fauteuil présidentiel une propriété privée malgré leur incapacité congénitale à satisfaire aux besoins élémentaires de leur peuple sont la principale source de l’esclavage du 21ème siècle en Libye. S’en émouvoir oui, mais s’attaquer aux racines est meilleur.
Autrement, tout ressemblerait à de nouvelles comédies sous les tropiques surtout que beaucoup de chefs d’Etat africains donnent l’impression qu’ils n’étaient pas au fait de cette pratique avant la diffusion du reportage de la chaîne américaine.
Et que dire de Faure Gnassingbé qui affiche l’air de celui qui est préoccupé par la vie humaine.
Faure Gnassingbé, pyromane au Togo, pompier en Libye
Après avoir suivi le reportage de la vente aux enchères des êtres humains en Libye, le président togolais au nom de la CEDEAO, a exprimé son « amertume et son indignation ». Pour lui, il est inadmissible que de telles pratiques aient cours à notre époque. Face à ce qui ressemble, selon lui à une infamie, en sa qualité de président en exercice de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), « après concertation avec mes pairs de la sous-région ouest-africaine, nous prendrions des mesures hardies contre ce phénomène affligeant pour notre continent et l’humanité tout entière », a-t-il dit.
Pathétique tout cela. Tout homme en possession de tous ses sens doit s’indigner du drame humain qui se joue en Libye. Et lorsque le Président togolais prend vite la mesure de la gravité de cette situation et entend ameuter ses pairs de la CEDEAO, on ne peut qu’apprécier à sa juste mesure.
Mais lorsque cela vient d’un chef d’Etat dont le pays est en crise grave depuis plus de trois (3) mois et qu’il ne dit rien, c’est bien curieux.
Depuis le 19 août, une grande partie du peuple togolais est dans la rue pour les réformes politiques. Les réponses du pouvoir de Faure Gnassingbé ce sont les répressions sauvages et meurtrières, avec une vingtaine de morts, plus de 400 arrestations, plus de 700 personnes contraintes en exil au Ghana, au Bénin. A Mango, Bafilo et Sokodé, une bonne partie de la population vit dans la brousse pour échapper aux représailles.
Comment peut-on comprendre le silence de Faure Gnassingbé face à un drame de ce niveau dans un pays où il est investi chef de l’Etat ? Ces deux (2) sorties au congrès de son parti UNIR à Tsévié et au Camp Témédja, ne s’adressaient qu’à une partie du peuple, ses militants et l’armée. Et très vite, ces déclarations n’ont fait qu’aggraver la tension dans le pays. Comment peut-on alors comprendre un tel président qui joue au pyromane dans son propre pays tout en voulant être pompier en Libye ?
Kokou Agbemebio
Source : Le Correcteur No.791 du 20 novembre
 

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