Les députés ont repris mardi le chemin de l’Assemblée nationale. A l’occasion de cette cérémonie d’ouverture, la présidente de l’Assemblée nationale a fait un discours élogieux, digne d’un Etat où tout se déroule conformément à la loi. Et pourtant, c’est tout le contraire.

Conformément à l’article 55 de la Constitution togolaise, les députés ont entamé mardi la première session ordinaire de l’année. « L’Assemblée nationale se réunit de plein droit en deux sessions ordinaires par an. La première session s’ouvre le premier mardi de mars. La seconde session s’ouvre le premier mardi de septembre… Chacune des sessions dure quatre mois », extrait de l’article 55.

A l’occasion, les travaux ont été ouverts par la présidente de l’Assemblée nationale, Djigbodi Yawa Tségan. Cette dernière a prononcé un discours dont certaines parties méritent des commentaires. Non pas parce que sur toute la ligne, elle aurait dit des choses sensées, encore moins des vérités d’évangile, mais plutôt parce que de nombreux points de son allocution sont en déphasage avec la réalité.

En attendant d’y arriver, nous estimons qu’il est justifié de rappeler que la séance d’ouverture de la session a eu lieu à Kara. Une politique souvent critiquée et que la présidente de l’Assemblée nationale a tenté de justifier. « Pour la deuxième fois, l’Assemblée nationale procède à l’ouverture de l’une de ses sessions en dehors de son siège et en dehors de Lomé. Cette délocalisation s’inscrit dans la nouvelle dynamique prônée par le président de la République et qui vise à faire en sorte, que chaque localité du territoire national se sente pris en compte par les actions des pouvoirs publics », a-t-elle déclaré.

Et de renchérir : « Cette délocalisation permettra donc non seulement de renforcer l’encrage et le rayonnement de l’Assemblée nationale dans le paysage institutionnel, mais également de consolider le pacte social qui lie le député au citoyen. Ce sera également une occasion pour les élus d’effectuer des visites de terrain pour apprécier l’avancée des réalisations socioéconomiques en cours dans la région tout en s’imprégnant des défis restant à relever ».

Toutes ces déclarations pour faire croire que pour qu’une localité soit prise en compte dans la politique gouvernementale, il faut y faire débarquer tous les membres de l’Assemblée nationale. S’il en était ainsi, la ville de Kara aurait déjà réalisé une percée en termes de développement. Tabligbo qui a aussi accueilli un conseil des ministres serait à l’abri des besoins élémentaires. La présidente de l’Assemblée nationale a donc mal compris le processus de prise en compte des besoins d’une localité.

Dame Yawa Tségan a également évoqué les relations entre son institution et le peuple. « L’Assemblée nationale est traditionnellement présentée comme l’organe délibérant chargé de fabriquer la loi et de contrôler l’action gouvernementale. De ce fait, l’accent longtemps mis sur les rapports entre le Législatif et l’Exécutif fait assez souvent ignorer les liens intrinsèques qui pourtant existent entre le Parlement et le citoyen », a déclaré Mme Tsègan.

Elle a tout à fait raison de dire que les liens intrinsèques qui existent entre le citoyen et le député sont ignorés. Ce qu’elle ne reconnaît pas, c’est que la faute est aux « élus ». Dans un pays où ceux qui estiment avoir été mandatés par le peuple agissent contre les intérêts de ce dernier, on ne peut plus parler de liens entre peuple et députés. Il y a certes des relations, mais elles sont conflictuelles parce que les mandants sont sacrifiés sur l’autel des intérêts pécuniaires des députés. En réalité, la législature en cours est pareille à celle qui a existé en 2002 et qui a suivi aveuglement les ordres de feu Gnassingbé Eyadéma.

C’est la même chose qui se vit aujourd’hui avec l’équipe de Yawa Tsègan, surtout pour ce qui concerne le contrôle de l’action du gouvernement instauré à travers l’article 81 de la Constitution. « L’Assemblée nationale maintiendra la dynamique de collaboration avec le Gouvernement à travers l’enrichissement des projets de loi qui lui sont soumis, de même que la mise en œuvre efficiente des instruments de contrôle et d’évaluation de l’action gouvernementale », a assuré la cheffe de l’Assemblée nationale. Cette déclaration a certainement fait rire ceux qui suivent l’actualité politique au Togo. Depuis quand les députés de la 6ème législature, si solidaires, si reconnaissants à l’endroit de Faure Gnassingbé ont-ils osé contrôler l’action du gouvernement ? Peut-être au pays des rêves.

Il est vrai qu’un gouvernement, pour réussir à mettre en œuvre sa politique, a besoin d’une Assemblée nationale qui le soutienne. Cela contribue à l’efficacité de l’action du gouvernement. Mais cela ne peut être souhaité que dans les pays qui ont une tradition démocratique et où le président de la République et son équipe respectent la loi. Ce qui n’est pas le cas au Togo où les dérives autoritaires sont érigées en mode de gouvernance. Ici et dans le contexte sociopolitique actuel, l’Assemblée nationale doit obligatoirement faire contrepoids au régime. Elle doit jouer son rôle de contre-pouvoir. Yawa Tsègan et ses collaborateurs ont beau feindre de jouer leur rôle, les faits disent le contraire. On n’en veut pour preuve que les 12 mois iniques concédés à l’exécutif pour proroger l’état d’urgence sanitaire. Le Mremier n’en demandait que 6.

Par ailleurs, dans l’élaboration des lois, les députés n’ont pas contribué à l’enrichissement de la législative, du moins pas qualitativement. Malheureusement. Il suffit pour s’en convaincre de s’essayer à énumérer les propositions de loi initiées depuis que cette législature est en place. Rien de consistant à l’actif des députés nommés.

G.A.

Liberté

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