Mercredi 24 août prochain, les survivants parmi le personnel de l’Hôtel de la Paix descendront dans les rues pour crier l’oubli dans lequel les autorités togolaises en général et leur ministre en particulier, Bernadette Légzim-Balouki, semblent les avoir relégués.De 190 agents qu’ils étaient au départ des problèmes de gestion de cet hôtel, 60 sont déjà morts et un dernier décédé est actuellement à la morgue, après que leurs multiples efforts pour rencontrer la ministre ont été vains. Combien de temps encore Mme Legzim-Balouki et Faure Gnassingbé le chef de l’Etat se montreront indifférents à la misère dans laquelle l’arrêt des activités de l’hôtel a plongé les agents ? Pour une situation du personnel estimée au 31 décembre 2008 à un peu plus du milliard de FCFA, sera-t-il prêt à sacrifier toutes ces vies sur l’autel de l’orgueil ? Et pourtant, il aurait placé l’actuel mandat sous le sceau du social.
Une manifestation des employés de l’Hôtel de la Paix est prévue pour se dérouler le mercredi prochain, avec point de départ le ministère du Tourisme et point de chute celui du Commerce, de l’Industrie et de la Promotion du Secteur Privé pour, selon la lettre d’information, « attirer l’attention des autorités togolaises, une fois encore, sur (leur) situation qui est dans une impasse totale depuis plus d’une dizaine d’année avec son cortège de pertes en vies humaines ».
Le dernier décès, celui de Malou Tchamdja, vient compléter la liste des 60 employés déjà passés de vie à trépas depuis l’arrêt des activités de l’Hôtel de la Paix. Les informations disent que Mme Bernadette Légzim-Balouki devrait avoir la mort de Malou Tchamdja sur la conscience, au cas où elle en aurait une. Parce que par trois fois au moins, cet employé a demandé à être reçu par la ministre, mais celle-ci s’est toujours dérobée par des arguments dont elle seule a le secret.
Il nous a été rapporté que pour le cas de Salako Béni, un autre employé décédé, celui-ci se demandait, deux semaines avant de rendre l’âme si les autorités togolaises iraient au bout de leur logique en le privant de ses droits légitimes. Malheureusement, les faits lui ont donné raison. Il est parti rejoindre la longue liste des victimes de l’Hôtel de la Paix, ce joyau qui avait fait ses preuves en matière d’hôtellerie, mais qui, à cause d’un laxisme avéré dans sa gestion, a ployé sous le poids des dettes. Des dettes qui ont obligé les autorités togolaises à fermer l’hôtel sans une quelconque note de service, ce qui veut dire en droit que les agents restent toujours des employés de l’hôtel.
De ce joyau, il ne reste aujourd’hui qu’un bâtiment décrépi. A plusieurs reprises, dame Légzim-Balouki a affirmé devant des députés qu’un repreneur aurait été trouvé, ce qui serait un pur mensonge pour faire patienter encore les agents qui ne demandent qu’à rentrer dans leurs droits. Mais de quels droits parlons-nous ?
En effet, les autorités en charge du secteur ont demandé la situation du personnel de l’hôtel de la Paix. Et la ministre du Tourisme, le président de l’Assemblée nationale, le Premier ministre et le chef de l’Etat ont reçu cette situation, établie de concert avec l’Inspection du Travail et des Lois sociales en février dernier. En voici la quintessence.
Au 31 décembre 2008, les agents admis à la retraite s’élèvent à 70 et l’état du solde de leur compte est estimé à 404.987.300 FCFA.
Les agents décédés sans avoir bénéficié du fruit de leur labeur sont au nombre de 61 à la date du 16 août 2016 et leur état s’élève au moins à 266.438.789 FCFA.
Savez-vous que des agents de cet hôtel ont été repris par la société SERVAIR (Lomé Catering), mais cumulent des impayés ? Ils sont au nombre de 8 dont le cumul des impayés s’élève à 9.757.435 FCFA. Pour rappel, c’est cette société dont les actionnaires se partagent les dividendes et dont LIBERTE a parlé récemment. Il se posera alors la question des bases de calcul qui ont permis la redistribution de ces dividendes alors même que des employés cumulent des impayés de salaire.
Du personnel aux abois, il y en a qui ont abandonné la lutte parce que ne voyant pas le bout du tunnel. Ils sont trois dont la situation s’élève à 2.076.169 FCFA.
Les agents permanents, eux, sont au nombre de 37 et l’état actualisé de leur situation est évalué à 325.618.332 FCFA.
Il existe des agents qui ont été détachés pour les besoins de la cause. Ils sont trois pour un état cumulé de 43.796.608 FCFA.
On nous apprend que par moments, en période de haute saison, l’hôtel faisait appel à des agents temporaires pour répondre aux urgences. Ils sont 16 agents dont la situation n’est pas régularisée, une situation qui est estimée à 6.668.804 FCFA.
Ainsi, la situation du personnel de l’hôtel de la Paix, toutes catégories confondues, s’élève à 1.059.343.428 FCFA. Et depuis des années, les autorités font tout pour plonger ces citoyens dans une précarité déjà mortelle.
Nous apprenons que des agents ont été obligés de s’installer dans le bâtiment en décrépitude de l’hôtel, non pas pour afficher leur indignation, mais parce qu’ils ont été expulsés des maisons qu’ils ont louées, mais dont ils sont incapables d’assurer le payement des loyers du fait des impayés que l’Etat leur doit. Malheureusement pour eux, non satisfait de tuer à petit feu ces agents, les autorités ont fait déployer des forces de l’ordre pour vider les agents du bâtiment. Et au cours de l’opération, il y a même eu le cas d’un agent, handicapé de son état, mais pour qui les forces de l’ordre n’ont eu aucun égard. Il a été déposé dans un taxi avec comme frais de déplacement une somme de 5.000 FCFA pour être déposé dans son village. Voilà des réalités dans un pays pauvre très endetté, mais qui s’apprête à organiser un sommet sur des fonds propres. Vous avez dit mandat social de Faure Gnassingbé ? Il semble que les promesses de Faure s’identifient à celles de Gascon.
Une ministre reste à l’écoute des problèmes de son (ses) département(s). Mépris de Bernadette Légzim-Balouki ou instructions reçues de ne pas recevoir les délégués du personnel de l’hôtel de la Paix ? Il nous revient que depuis sa nomination à la tête du ministère du Tourisme, jamais cette dame n’a daigné accorder une rencontre au personnel en désarroi. Au grand étonnement des employés dont la majorité provient du septentrion.
Le 2 août dernier, un courrier émanant du Directeur du Développement touristique a été adressé au Directeur général de l’hôtel :
« Dans le souci de permettre aux autorités compétentes de trouver des approches de solutions négociées aux problèmes sociaux de votre établissement, une commission interministérielle est en train d’être mise sur pied pour recenser et étudier les problèmes socioéconomiques de l’hôtel de la Paix. A cet effet, pour faciliter les travaux de ladite commission qui devraient se dérouler dans un bref délai, je vous demande d’actualiser le plus tôt que possible les informations suivantes :
les comptes d’exploitation annuels (couvrant les années d’arriérés de salaire) ;
le tableau de la situation salariale comportant les colonnes ci-après : nom et prénoms, arriérés de salaire de chaque agent, dettes totales de chaque agent vis-à-vis de l’hôtel, solde salarial de chaque agent ;
les créances détaillées de l’hôtel (selon chaque débiteur) ;
les dettes détaillées de l’hôtel vis-à-vis de chaque créancier (fournisseur ou prestataire) ;
les soldes de tout compte partiellement ou totalement impayés (des retraités ou décédés). Comptant sur la diligence avec laquelle ces informations actualisées seront mises à notre disposition, je vous prie d’agréer, monsieur le directeur général, l’expression de ma considération distinguée ».
Serait-on en train d’aller vers un dénouement de cette crise qui n’a que trop duré ? Jusqu’à preuve du contraire, les agents restent des Saints Thomas, parce qu’ayant été trop échaudés. Le chef de l’Etat avait promis avant l’élection présidentielle de 2015 de régler ce dossier, selon son conseiller Koffi Sodokin. Et c’est pour qu’il n’y ait plus de retour en arrière que l’inspection du travail a été réquisitionné pour peaufiner la situation des agents. Donc ce courrier du directeur du Développement touristique ne devrait plus être.
Petit rappel de taille, le nouvel hôtel Onomo qui jouxte l’hôtel de la Paix, est érigé sur une partie de la parcelle ce celui-ci, et l’ancien ministre du Tourisme, Christophe Tchao avait émis le vœu que les frais payés par les responsables d’Onomo servent à apurer une partie de la dette due aux agents. Seulement l’ancien ministre Adji Otèth Ayassor aurait refusé, arguant que celui-ci n’est pas son employeur et ne saurait lui dire l’usage qui devrait en être fait. Reste à savoir la destination de cet argent et ce qu’en avait fait Ayassor. L’aurait-il remis au chef de l’Etat, ou versé au Trésor public, auquel cas les traces devraient le démontrer ? Les Citoyens en général et le personnel de l’hôtel de la Paix en particulier voudraient savoir. Comme quoi, les faits sont têtus et la gestion des deniers publics laisse toujours des empreintes.
Mercredi prochain, les survivants des agents de l’hôtel de la Paix afficheront la misère dans laquelle l’Etat les a plongés. Les autorités anticiperont-elles pour éviter que le visage social du pays ne soit encore plus écorné qu’il ne l’est déjà ? Un mandat social ne se résume pas en des mots ; ce sont les populations qui, au soir d’une présidence, doivent dire : « Avant le mandat actuel, le secteur social était à l’abandon. Mais au crépuscule de ce mandat, on doit reconnaître que vraiment, Faure Gnassingbé a fait du social sa priorité ».
Source : Abbé Faria, Liberté