Conseil national de lutte contre la Sida (CNLS) | Photo : Liberté
Conseil national de lutte contre la Sida (CNLS) | Photo : Liberté


Les orphelins et enfants vulnérables n’ont eu droit qu’à 0,85% du budget total. Le Togo compte près de 66.000 professionnelles du sexe et plus de 7000 hommes ayant des rapports avec des hommes. Taux de prévalence du Sida : 2,5%
 
Le VIH Sida tue, raison pour laquelle chaque année, des fonds sont alloués aux autorités pour mener la lutte contre ce fléau. Dans trois mois environ, un nouveau rapport sur la situation de l’épidémie du Sida sera rendu public par le Conseil national de lutte contre la Sida (CNLS). Pour apprécier le chemin parcouru en 2015, un décryptage du rapport 2014 s’avère nécessaire pour avoir un point de comparaison. Quelles sont les ressources disponibles et les statistiques dans les secteurs ayant bénéficié de ces ressources ? Combien de professionnelles du sexe et d’hommes ayant des rapports avec des hommes comptera le Togo dans le prochain rapport ?
 
Au total, plus de 10,280 milliards de FCFA ont été mobilisés comme ressources et dépensés dans le cadre du VIH en 2014. Le rapport précise que le taux de consommation des ressources par rapport au budget prévu dans le plan opérationnel était de 62,81%. Dans le domaine de la prévention, il ressort que trois types de services essentiels ont été offerts aux populations cibles : la sensibilisation, la promotion de l’utilisation des préservatifs et l’offre de conseil et le dépistage du VIH. A en croire les chiffres du rapport, près de 1,1 million de personnes-contact ont été touchées par les sensibilisations de proximité sur un chiffre de 1.284.332 personnes prévues, soit un taux de réalisation de 85,63%. Plus de 11 millions de préservatifs ont été distribués sur une prévision de près de 40 millions, ce qui représente un taux de réalisation de moins de 28%.
 
S’il est des chiffres qui feraient écarquiller peut-être les yeux, ce sont ceux qui suivent. Ainsi, au cours de 4183 séances de sensibilisation, 65.986 professionnelles du sexe ont été touchées. Parallèlement à ce nombre, 705 séances de sensibilisation ont permis d’atteindre 7.060 hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes. Mais à côté de ces données, le nombre de personnes ayant bénéficié d’un test de dépistage au VIH n’a même pas atteint la moitié des prévisions. Puisque sur 719.203 personnes prévues, seulement 41% ont été atteints, soit 296.959 individus.
 
Si aujourd’hui le SIDA ne semble plus représenter l’épouvantail qu’il était il y a quelques années, c’est certainement du fait de l’existence d’antirétroviraux. Bien que ce système de traitement ne guérisse pas la maladie, sa découverte a certainement eu des impacts sur les habitudes sexuelles des citoyens. Mais les chiffres qui suivent interpellent.
 
En effet, dans le domaine de la prise en charge médicale, 37.711 personnes vivant avec le VIH (PVVIH) dont des adultes, adolescents et enfants, ont été mises sous traitement antirétroviraux (ARV) sur une prévision de 45.372 dans le plan opérationnel en 2014. Bien que statistiquement parlant, le taux de couverture soit de 82,67%, le rapport indique que le taux national est de 35% ! En plus, 18.999 prophylaxies IO (Infections opportunistes) ont été offertes aux PVVIH sur une prévision de 24.510, ce qui représente un taux de couverture de 77,52%. On apprend aussi que 527 PVVIH dépistées TB+ (développant la tuberculose) ont été mises sous traitement antituberculeux et antirétroviral sur une prévision de 519.
 
Ces chiffres appellent à des commentaires. Les sommes allouées pour la lutte contre ce fléau ne devraient laisser de « nécessiteux en ARV » sur le bas-côté de la route. Lorsqu’on lit que le taux national de PVVIH placées sous ARV est de 35%, on comprend qu’il y a beaucoup de travail qui attend ceux qui ont pris sur eux de soulager les malades de cette pandémie. Doit-on comprendre que ce sont les ressources financières qui constitueraient le facteur limitant pour l’accès des ARV à toutes les PVVIH ? Dans l’affirmative, il y a lieu de tirer sur l’alarme. Car, ce serait un exercice périlleux que de s’essayer de quantifier les ressources dédiées à la prévention et à en contrôler la gestion. Or, il est aisé d’incorporer de faux frais dans la sensibilisation, ce qui n’est pas évident avec les ARV.
 
Pour la campagne 2016-2017, le Fonds Mondial de lutte contre le paludisme, le Sida et la tuberculose a mis à la disposition du gouvernement togolais 40 milliards de FCFA dont 24 milliards pour les deux dernières maladies. Les autorités n’ont encore rien dit sur la manière dont ces fonds seront gérés, et personne ne semble s’en soucier. Or ce sont des fonds destinés à soulager des malades. En 2014, sur les 10,280 milliards de FCFA mobilisés, les privés nationaux s’étaient engagés à hauteur de 1,280 milliard de FCFA et l’Etat à 1,303 milliard de FCFA. Les nouveaux engagements du Fonds mondial pour la période 2016-2017 verront-ils aussi l’engagement de l’Etat ?
 
La lutte contre le Sida nécessite des sacrifices de la part de toutes les parties prenantes. Mais les statistiques auxquelles fait allusion le rapport de 2014 sont trop portées vers d’autres besoins, et plus tôt les responsables rectifieront le tir, mieux les malades pour lesquels les fonds sont décaissés, se porteront. Tenez par exemple, en 2014, les soins et traitements ont occupé moins de 52% des dépenses totales ; les interventions relatives à la protection sociale et à l’environnement favorable des PVVIH ne se sont vu réserver respectivement que 0,24% et 1,33% des dépenses totales. Mais dans le même temps, la gestion et l’administration des programmes a occupé 16,28% ; la prévention en a pris 15,47%, suivie des ressources humaines avec 11,25%, la recherche avec 3,18%. Les orphelins et enfants vulnérables (OEV) se voient consacrer 0,85%, une misère !
 
Les programmes de lutte contre le Sida engrangent d’énormes ressources, et si les acteurs pourraient mettre le bien-être des premiers concernés au premier plan de leurs priorités, certainement que les statistiques auraient un visage plus humain. Le rapport 2015 sera bientôt disponible, et il est encore possible que la répartition des ressources souffre encore d’approximations. Mais il revient à tous les citoyens en général et au ministère de la Santé en particulier, de veiller à une gestion parcimonieuse des fonds du Fonds mondial. Car ce serait dommageable que les indélicatesses dont le ministère a fait cas dans la gestion de certains fonds, apparaissent aussi avec les aides des bailleurs consacrées à la lutte contre ces pandémies que sont le Sida et la tuberculose.
 
source : Godson K., Liberté
 

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