C’est sans doute amusant, mais révélateur de l’indéniable réalité qui se vit dans les marchés aussi bien à Lomé qu’à l’intérieur de notre pays.

 En effet, nous avons eu un échange informel avec une revendeuse de maïs dans le marché d’Atchanvé à Agoè Nyévé en vue de nous formuler une idée précise sur les conditions dans lesquelles les denrées se vendent sur le marché. Après qu’elle nous ait affirmé que le bol du maïs se vend présentement à 750fcfa sur le marché, nous lui avons juste rétorqué que l’État a pris une mesure qui fixe le prix de ce bol à 650fcfa.

 A elle de corroborer en ajoutant qu’effectivement des femmes clientes viennent et leur disent la même chose, comme quoi le Président de la République, Faure Gnassingbé a décidé que le bol de maïs soit vendu à 650 FCFA. Pour ne pas chercher à trop polémiquer au risque de s’exposer à une querelle vaine, elles ont trouvé une réponse appropriée qu’elles servent à ces clientes: “le maïs de Faure ne se vend  pas ici”.

C’est aussi simple et tout à fait compréhensible puisqu’avant de décider du prix de vente d’un produit, il faut bien en connaître le prix d’achat au départ, ou du moins en être le propriétaire.

 Cela dit, il se pose un vrai problème sur le terrain en ce qui concerne l’applicabilité des mesures initiées de haut par le gouvernement. Les femmes revendeuses de céréales disent avoir acheté leur maïs dans des fermes à un prix bien précis. A celui-ci va s’ajouter celui du transport qui est drastiquement revu à la hausse suite à l’augmentation des prix des produits pétroliers.Comment donc peut-on leur imposer un prix de vente qui n’a aucun rapport avec celui d’achat et de revient?

Voilà pourquoi, malgré la distribution des fiches dans les marchés indiquant les prix décidés par l’État, aucune femme revendeuse ne s’y plie. Car après tout, il s’agit bien d’un commerce qui sous-tend, forcément, un besoin de gain et rentabilité si minimal soit-il.

 Tous ces faits indiquent clairement que la solution au problème de la vie chère et à la flambée des prix des denrées à grande consommation n’est aucunement dans une imposition de prix à la vente finale, sans mesures d’accompagnement efficace, mais dans des initiatives plus réfléchies et plus mûries.

 A moins pour l’État, dans des circonstances actuelles, de disposer de ces propres céréales et de les mettre sur le marché à des prix qu’il lui conviennent, il est très risqué de s’immiscer dans le commerce que font les bonnes femmes des marchés de notre pays. Ainsi la solution pour l’État serait peut-être, de racheter aux bonnes femmes, leurs céréales aux prix que celles-ci voudront bien les vendre et ensuite de les revendre à 650 fcfa qui apparaîtrait donc comme un prix subventionné.  Les gouvernants ont-ils le temps, les ressources humaines ou financières pour une telle manœuvre, visiblement fastidieuse? Peut-être que l’agence nationale de sécurité alimentaire pourrait s’y mettre!

Mais tout ceci relèverait naturellement du jonglage. L’enjeu véritable pour les gouvernant est de renforcer le pouvoir d’achat des citoyens, d’abord en injectant des ressources financières dans l’économie, d’abord au niveau des banques qui pourraient alors alléger leurs conditions d’octroi de prêts. C’est ce que les USA et beaucoup de pays européens ont eu à faire, après Covid-19. Cette mesure aura l’avantage de stimuler les producteurs à prendre des prêts bancaires sous des conditions souples et ainsi de se consacrer à une production massive de produits activement recherchés sur le marché de la consommation locale.

Ensuite, favoriser l’émergence de start-up, notamment dans le domaine de la production agricole et bien d’autres domaines à fort potentiel. C’est ainsi qu’au moins à moyen et à long terme, cette vulnérabilité sera progressivement jugulée en même temps que l’État pose les balises d’un développement durable et surtout inclusif du pays.

 Il faudrait en outre, revoir totalement les salaires des agents de l’administration publique, car il faut le reconnaître, le traitement salarial dans notre pays est si maigre qu’il pousse les gens à utiliser des méthodes non orthodoxes pour se maintenir en vie et continuer à servir l’État. Voilà qui explique le grave fléau de la corruption dont le pays à du mal à se défaire, faute de solution alternative crédible et efficace.

 Sans une revalorisation considérable des salaires des fonctionnaires togolais, les maux qui gangrènent le pays et l’empêchent de bâtir une économie forte vont naturellement demeurer pour longtemps encore et les disparités vont s’accentuer au jour le jour dans notre société, pendant que l’administration elle-même se montre inefficace et engluée par des lourdeur qui amenuisent son rendement et son efficience.

Tout ceci impose à l’État, la mise en place d’une cellule de réflexion prospective sur le devenir de notre société; sans quoi, nous risquons de pactiser indéfiniment avec un pilotage à vue, marqué par la recherche circonstancielle de solutions parfois hasardeuses à des problèmes qui, pourtant, sont d’ordre strictement structurel.

Luc Abaki

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