ANALYSE DU 24 SEPTEMBRE 2011

 
Installé depuis six ans à la tête du Togo, Faure Gnassingbé ne cesse de renforcer une gouvernance patrimoniale, hier soutenue par le Rassemblement du Peuple Togolais (RPT), aujourd’hui par la coalition RPT/AGO (Amis de Gilchrist Olympio). Cette gestion est fondée sur l’inégalité et les tensions entre Togolais et Togolaises de tous bords. En cela, il se dégage une atmosphère de nuisance aux dépens du Peuple togolais qui entrave et retarde l’amélioration du mieux-être du citoyen et le développement du pays. La crédibilité de Faure Gnassingbé a faibli au fil des années, au point d’amener de nombreux citoyens à ne plus avoir de doute sur l’incapacité de ce Monsieur et son réseau, à assurer, de façon harmonieuse, le progrès économique, social et culturel dans ce pays. Mais pire, cette gouvernance fondée sur l’unilatéralisme, est aussi incapable d’apaiser les douleurs et les cicatrices du passé, bref, Faure Gnassingbé est incapable de réconcilier l’ensemble des Togolais. Alors, il fait semblant !
 
Du coup, Faure Gnassingbé qui, pour certains représentait la solution ou tout au moins faisait partie de la solution, devient celui qui empêche toute solution du problème togolais. Tant que l’hypothèque de la pérennisation au pouvoir de Faure Gnassingbé après 2015, avec son réseau oligarchique ou clanique ne sera pas levée, il ne pourra y avoir de véritable dialogue politique « normal » au Togo ! Plusieurs exemples pris dans l’actualité des événements du Togo confirment que le dialogue politique que Faure Gnassingbé qualifie d’« inclusif », s’il en est l’ordonnateur, le positionne comme juge et parti.
 
1. DIALOGUE AU RABAIS
 
Le fond des problèmes du débat politique actuel au Togo réside dans l’inapplication de l’Accord Politique Global (APG), abouti à Ouagadougou et signé à Lomé en août 2006, notamment sur les réformes institutionnelles et constitutionnelles à mettre en œuvre. Selon les conclusions relevées par la mission d’observation électorale de l’Union Européenne (MOE-UE), c’est principalement le non-respect des engagements de l’APG – pourtant acceptés par le RPT – qui explique les imperfections dans l’organisation de l’élection législative du 14 octobre 2007 et a permis le holdup électoral de Faure Gnassingbé lors de l’élection présidentielle du 4 mars 2010.
 
Le fonctionnement des institutions de la République selon des règles démocratiques ne sera pas assuré, tant que ces problèmes ne seront pas réglés. Pour masquer les carences et les imperfections de leur fonctionnement Faure Gnassingbé se livre à des effets d’annonce non suivis d’actes concrets. Il abreuve les citoyens togolais de formules politiques lénifiantes, mais dès qu’il doit passer à l’opération, ses actes sont systématiquement à l’opposé de ses assertions. Neuf mois après le discours de vœux à la nation appelant à un dialogue inclusif – hormis deux manœuvres de diversion en direction du Parti pour la rédemption et le renouveau (PRR) et du Comité d’action pour le renouveau (CAR) – Faure Gnassingbé n’arrive toujours pas à engager un dialogue transparent avec les mouvements de l’alternative et les contre-pouvoirs citoyens. Il devient sélectif en choisissant des partis et des associations qui pourront former au moment opportun son mouvement présidentiel, voire son futur nouveau parti politique.
 
Est-ce que l’annonce du Conseil des ministres le 12 août 2011 portant création d’un nouveau cadre de concertation avec l’opposition, peut être prise plus au sérieux que celle de Faure GNASSINGBE en date du 31 décembre 2010 ? Certainement pas, si l’on en juge par les moyens matériels et financiers conséquents qui auraient dû être mis à la disposition de la structure de concertation. Dès le départ, les manœuvres d’installation du « CPDC-2011 » présageaient d’un dialogue au rabais !
 
2. DEMARRAGE RATE DU CADRE DE CONCERTATION (CPDC-2011)
 
Faure Gnassingbé a donc reculé devant la difficulté en envoyant le Premier ministre Houngbo au front 1. Ce dernier a rencontré le 9 septembre 2011 un certain nombre de partis politiques, entre autres le CAR, le PRR, la CPP, l’ALLIANCE, la Convergence démocratique panafricaine (CDPA), l’Organisation pour Bâtir Un Togo Solidaire (OBUTS), le parti pour la démocratie et le renouveau (PDR). Mais rien de concret n’est sorti de cette réunion et aucune proposition du Premier ministre 2 pour définir les contours du nouveau Cadre permanent de dialogue et de concertation (CPDC). Le 14 septembre 2011, le Conseil des ministres prend un décret portant nomination de différents acteurs devant prendre part aux discussions, sans avoir au préalable obtenu l’accord de principe de certains protagonistes. Mais plus grave, l’initiative du Gouvernement ne met sur la table aucune véritable feuille de route définissant le mode de fonctionnement, les moyens alloués, les thèmes à discuter au sein du nouveau CPDC. Signe du mode autoritaire, voire dictatorial de Faure Gnassingbé, les modalités de prise de décision sont totalement absentes. A ce titre et pour éviter des quiproquos futurs, le mot « concertation » signifie qu’il n’y a pas de « négociation » et donc que toutes les décisions seront unilatéralement prises par les représentants de la mouvance présidentielle au nom de Faure Gnassingbé.
 
Le CVU-Togo-Diaspora indiquait dans son communiqué le 2 mars 2011 : « Le dialogue inclusif n’est assurément pas la seule condition d’une sortie de crise, c’est un piège. Il faut un contrat exclusif pour refaire les élections propres au Togo »… « Si Faure Gnassingbé souhaite vraiment initier un véritable dialogue en vue d’une sortie de crise politique au Togo, il doit adresser directement et dans la transparence, une invitation, sans contreparties, aux dirigeants des partis politiques et aux organisations de la société civile, pour les convier à une rencontre commune et publique. Il ne peut y exposer unilatéralement que sa propre vision du Togo. Il doit affirmer que toutes solutions ne peuvent qu’être un consensus entre l’ensemble des structures représentatives de la population togolaise et de la diaspora qu’il refuse toujours de recenser.»
 
Les conditions préconisées par CVU-Togo-Diaspora ne semblent pas davantage réunies après le décret gouvernemental du 14 septembre. Personne ne connaît à ce jour ce qui a été dit, ce qui a été décidé, la teneur de l’Agenda proposé, encore moins l’ordre du jour final… Le flou entretenu sur ces sujets précis, constitue un chèque en blanc donné à Faure Gnassingbé. Le risque est que le « CPDC-2011 » serve de paravent pour justifier un consensus de façade qui éclatera à la veille de la première élection à venir. Pour les dirigeants politiques qui ont rencontré le Premier Ministre et accepté de figurer dans le casting, la question peut se poser de savoir s’il s’est agi d’un arrangement pour jouer la « non-transparence » vis à vis du Peuple togolais… Heureusement, il y a encore au Togo des partis politiques vigilants, des hommes politiques vigilants qui refusent pour la énième fois de tomber dans le piège tendu dans un flou artistique. Il est par ailleurs étonnant de voir figurer dans le décret du 14 septembre l’Alliance Nouvelle pour le Changement (ANC) de Jean-Pierre Fabre, parmi les participants au titre des partis politiques alors qu’elle avait publiquement décliné l’invitation du Premier ministre en la motivant ! L’ANC a d’ailleurs récusé publiquement cette initiative. A moins qu’il ne s’agisse pas de la même personne compte tenu de l’orthographe utilisée, il est tout aussi étonnant de constater que Monsieur Mensah Kodjo Agbéyomé figure comme numéro un sur la liste des membres, alors que son parti politique OBUTS, ne figure pas dans la liste des membres au titre des partis politiques. 3 Faure Gnassingbé doit apporter une clarification au Peuple togolais. A quel titre figure Mr Agbéyomé sur la liste ? Ce dernier a d’ailleurs exigé cette clarification.
 
Après tout le temps perdu jusqu’ici, qui ne fait qu’aggraver chaque jour la vulnérabilité économique des citoyens togolais, n’est-il pas sage de dépasser le temps des discussions sibyllines pour passer à celui des actes concrets en optant pour la transparence ? Cette absence de lisibilité à l’issue de la première rencontre augure mal de la réussite du « CPDC-2011 » si le dialogue « inclusif » est confondu avec le dialogue « unilatéral » de Faure Gnassingbé !
 
Il faut bien constater un vrai échec d’organisation de la part du Gouvernement. Il n’aura pas fallu attendre une semaine pour que le cadre du « CPDC-2011 » nouvellement promu se lézarde, avec les interrogations et les remarques acerbes émises publiquement tant par les participants à la première réunion de concertation avec le Premier Ministre que par les non-participants listés contre leur gré. Un viol administratif comme les dirigeants du RPT/AGO savent le faire en croyant ne faire de mal à personne. C’est raté !
 
L’intention réelle de Faure Gnassingbé et de son Gouvernement RPT/AGO est-elle vraiment, in fine, de régler les nombreux problèmes de tous ordres qui restent en suspens, ou bien cache-t-elle un agenda caché pour endormir le Peuple et les partenaires au développement en vue de se maintenir en 2015 au pouvoir ?
3. LE CPDC 2011 : UNE ANNONCE EN TROMPE-L’ŒIL POUR LES BAILLEURS DE FONDS DU TOGO !
 
Le CPDC peut servir de manœuvre pour faire semblant de satisfaire les demandes formulées par les partenaires au développement du Togo, dans la perspective de l’organisation des prochaines élections législatives, normalement prévues en octobre 2012. Celles-ci pouvant éventuellement être couplées avec des élections communales, mais jusqu’ici aucune garantie sérieuse n’a été donnée par Faure Gnassingbé de sa réelle volonté d’organiser un tel scrutin.
 
Lors des scrutins, législatif de 2007 et présidentiel de 2010, les rapports des missions d’observation électorale de l’Union européenne (MOE-UE), ont constaté des dysfonctionnements institutionnels et conclu implicitement en 2010 à l’impossibilité de désigner avec certitude le véritable vainqueur. Malgré la proclamation de Faure Gnassingbé comme vainqueur par la Cour Constitutionnelle, le contentieux postélectoral de l’élection présidentielle 2010 reste donc toujours en suspens. En réalité, c’est bien la « communauté internationale » qui s’est alignée sur l’Union africaine et la CEDEAO qui ont légitimé la contre-vérité des urnes au Togo.
 
Après les constats de carence répétés de la MOE-UE, il est donc difficile pour Faure Gnassingbé et son gouvernement RPT/AGO d’organiser les élections législatives de 2012 et à fortiori en 2015 sous les mêmes auspices. Quoique cela fasse plus de 40 ans que la Communauté internationale se laisse abuser par des élections togolaises sans vérité des urnes.
 
Des élections frauduleuses en 2012 et 2015 auraient pour effet de décrédibiliser à la fois le processus électoral et de remettre en cause l’efficacité de la Commission européenne à qui les peuples européens demandent de plus en plus de comptes sur sa gouvernance. Ils pourraient lui reprocher de soutenir financièrement l’organisation des scrutins et d’envoyer des MOE sur le terrain à fonds perdus. Ceci dans la mesure où ces aides contribuent, in fine, à faire régresser le processus démocratique, créer une situation d’instabilité permettant aux militaires non républicains d’imposer par la force les résultats de la contre-vérité des urnes, non sans avoir au préalable brutalisé les citoyens, la société civile, les opposants politiques, les journalistes et les étudiants. Les observations de l’Union européenne, de l’Union africaine et de la CEDEAO ne sont jamais suivies des correctifs « obligatoires » permettant d’éradiquer les graves errements qui permettent la fraude électorale à grande échelle. A moins que tout ceci ne soit l’œuvre d’une certaine Françafrique qui aurait, parait-il, disparu depuis l’avènement du Président Sarkozy et de sa rupture. Ce qu’il y a de sûr, il n’y a toujours pas eu de rupture et d’alternance au Togo.
 
4. NOUVELLE MANŒUVRE DE DIVERSION
 
En reprenant la coopération avec le Togo à l’issue de treize ans d’interruption pour des raisons de déficit démocratique, la Commission européenne ne sera plus crédible si après avoir constaté à deux reprises, par le biais de ses représentants accrédités, que les scrutins de 2007 et 2010 ont été tronqués et phagocytés par Faure Gnassingbé et le RPT, elle laisse organiser de nouveaux scrutins selon le même mode opératoire qu’elle a déjà décrié. Par ailleurs plus récemment en Centrafrique la MOE-UE a été amenée à constater l’impasse que peut constituer le dialogue politique inclusif et l’inefficacité à laquelle il peut conduire. 4
 
Le CVU-Togo-Diaspora rappelait aussi le 2 mars 2011 : « Avec une telle attitude toute réconciliation est repoussée à une date indéfinie. Il n’y a, en l’occurrence, aucun geste crédible du Gouvernement togolais pour un véritable dialogue entre acteurs responsables ! Il y a seulement l’expression d’une volonté unilatérale d’utiliser des capacités dilatoires pour berner les diplomates bien intentionnés. Cela ne doit pas tromper la communauté internationale. »
Le peuple togolais peut craindre que le nouveau « CPDC-2011 » de Faure Gnassingbé, ne soit qu’une nouvelle manœuvre de diversion à la fois à usage interne dans la mesure où elle trouve les cautions politiques nécessaires, mais surtout à l’intention des partenaires au développement du Togo, dont l’Union européenne.
 
Il faut rajouter à ces considérations, que la gouvernance patrimoniale de Faure Gnassingbé au service exclusif de l’oligarchie et du clan dont il conduit les destinées, est également une des causes de l’impossibilité de tout dialogue constructif et surtout de toute entente possible entre le Peuple togolais et le pouvoir politique qui ne veut pas satisfaire ses légitimes aspirations à la liberté et au bien-être. Le pillage des richesses du Togo qui apparait comme facteur dominant de l’équation politique appliquée par Faure Gnassingbé, l’empêche de satisfaire les besoins élémentaires des citoyens togolais. Faure Gnassingbé n’est pas le Président de tout le Togo mais seulement du réseau qui gravite autour de lui, prêt à le lâcher dès que la Cour pénale et Transparency International auront fini de mener leurs enquêtes techniques avant les poursuites politiques et judiciaires.
 
5. RESTITUER D’ABORD L’ARGENT DES TOGOLAIS (ES) AUX TOGOLAIS (ES)
 
Les Togolais doivent peut-être remercier Faure Gnassingbé d’avoir organisé contre ses demi-frères Kpatcha et Essolizam Gnassingbé, un procès politique pour atteinte à la sureté de l’Etat. Cela a permis le déballage au grand jour d’éléments chiffrés de la fortune léguée par feu Etienne Eyadema Gnassingbé ! Si elle n’a pas permis de faire éclater la vérité sur la véracité de la tentative de coup d’Etat reprochée au principal accusé (Kpatcha Gnassingbé), la mascarade judiciaire qui vient de se dérouler a au moins officiellement révélé au Peuple togolais, l’ampleur du pillage opéré depuis plus de quarante ans. C’est bien la première fois de son histoire depuis l’accession du Togo à l’indépendance, que le Peuple togolais a pu assister à de telles révélations publiques. Les récentes révélations, partielles, faites par les membres de la famille Gnassingbé dans le cadre des audiences de la Cour suprême du Togo, donnent une idée de l’ampleur du pillage auquel a du se livrer le clan familial, pour accumuler une telle fortune, même s’il n’est possible de la quantifier que de manière approximative. Le manque de transparence chronique de Faure Gnassingbé ne facilite pas le travail d’investigation de cvu-togo-diaspora.
 
Pour mesurer l’importance de ces révélations, il est utile de rappeler qu’elles ont été prononcées sous serment devant la Cour suprême du Togo.
 
Les sommes révélées devant la Cour suprême font état de montants vertigineux pour le commun des citoyens togolais. La Chambre judiciaire de la Cour Suprême a révélé que Kpatcha Gnassingbé aurait effectué courant 2008, un retrait de 266 millions dans les livres d’une institution bancaire de la place (ce qui justifierait selon elle, un des faits du complot). A cette somme, il faut rajouter 29 milliards de FCFA qui, selon Rock Gnassingbé, auraient été puisés directement dans l’héritage familial par Faure Gnassingbé, pour lui permettre de payer les frais de sa campagne électorale lors de présidentielle de 2010, ainsi que les sommes enlevées au domicile de Kpatcha Gnassingbé au mois d’avril 2009 par le colonel KADANGA, à l’issue de l’assaut donné par ses troupes, soit : 68 kilos d’or, 375 000 €, 200 000 $US, 192 000 000 FCFA et 4 diamants (la pureté et le nombre de carats n’ont pas été précisés).
 
Sur la base des déclarations faites devant la Cour suprême, le total de la somme qui a été saisie au domicile de Kpatcha Gnassingbé s’élève à 2 451 455 888 F CFA et le total général des sommes déclarées en audience à la barre à 31 717 455 888 F CFA (trente et un milliards sept cent dix-sept millions quatre cent cinquante-cinq mille huit cent quatre-vingt-huit Franc CFA) :
 

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