Le voile se lève inexorablement sur l’agenda caché derrière les arrestations de responsables politiques au Togo. Le ciblage des ténors de l’opposition doit déboucher sur une mise au ban des plus irréductibles d’entre eux. Alors que le pays prend de nouveau des airs d’une prison à ciel ouvert, le feu nourri des menaces et intimidations se concentre désormais sur Jean-Pierre Fabre, son parti et ses amis du Collectif « sauvons le Togo ». Resserrement de l’étau en prélude au cliquetis des menottes…
« La réalité d’un contrat sur la tête de Jean-Pierre Fabre est une évidence pour nous depuis longtemps ! » L’auteur du constat ne veut pas s’embarrasser de fioritures pour décrire le harcèlement permanent dont l’Alliance nationale pour le changement (ANC) et son président sont l’objet. Membre influent de la branche internationale du parti, il égrène un interminable chapelet d’accusations « infondées », de violations de domicile et même d’agressions physiques contre le N° 1 de sa formation politique. Le trublion de l’opposition togolaise, dont les marches de protestation sont un peu devenues la marque de fabrique, est désormais nommément cité comme commanditaire éventuel des incendies qui ont détruit d’importants centres commerciaux au Togo. Et ce n’est pas la première fois…tour à tour, « fauteur de troubles », « agitateur irresponsable » ou « président de la plage », où il rameute souvent d’impressionnants contingents de loméens, Jean-Pierre Fabre peut ajouter une ligne à un pedigree que le pouvoir togolais veut lui coller à la peau. Coutumiers des contorsions politico-juridiques officielles qui voient la main de l’opposition partout, les responsables de l’ANC et du CST avaient pourtant déclenché des contrefeux au lendemain des incendies et des premières déclarations des autorités. Sentant le coup venir, les deux organisations ont unanimement déploré les événements et clairement averti le pouvoir : elles « connaissent les habitudes de la maison » et ne veulent pas entendre parler d’une implication fantaisiste en guise de déclenchement d’une chasse aux sorcières.
Trublion de l’opposition et bête noire du pouvoir
Mauvaise pioche ou présage malencontreux, le déroulement ultérieur des événements décline point par point les phases d’un plan où le nom du premier responsable de l’ANC revient lourdement. Ce qui n’était alors que rumeur a vite fait de s’imposer comme la pierre angulaire d’une cabale policière avec Essossimna Poyodi le procureur de la République himself en chef d’orchestre de la manœuvre. Des militants et des jeunes du parti sont arrêtés. Les connaisseurs les plus avertis de l’univers politique togolais s’attendent alors à des aveux télévisés, au repentir des exécutants et à la mise en cause de leurs commanditaires. Bingo ! Tout se passe comme prévu avec une variante croustillante : des preuves qui tombent à point (un lot de cocktails Molotov) sont découvertes au siège de l’ANC lors d’une perquisition. La séquence téléréalité ne sera pas du reste, avec de sombres individus prétendant avoir nuitamment tenu conseil dans les locaux du parti et fomenté les incendies avec la bénédiction des ses premiers responsables. Le reste n’est qu’une question d’emballement juridique autour de l’affaire et l’objectif apparait avec un supplément de clarté… « Pour le pouvoir, il faut avoir la tête de Fabre par tous les moyens et en faire un coupable», résume Koffi A., un militant de la première heure, habitué à battre régulièrement le pavé avec « son » président.
Des rumeurs aux aveux : les habitudes de la maison
Coupable…statut promis à un leader politique jamais avare d’une diatribe contre les actuels dirigeants du Togo ? Même si, au prix d’un scepticisme auto-suggestif, on se refuse encore dans les rangs de l’opposition à valider cette option, les voyants restent bloqués sur un rouge obstiné. Les jeunes de l’ANC, eux semblent avoir pris la mesure de la gravité de la situation. Après avoir vu tant de fois les forces de l’ordre prendre d’assaut la maison de leur chef ou en boucler l’accès, ils ne se font guère d’illusions sur la suite des événements. « Nous restons éveillés, car tout peut arriver », confirme l’un deux, les yeux rougis par deux nuits passées sans dormir devant le domicile de Jean-Pierre Fabre. Ce dernier a connu diverses saisons de la répression politique au Togo. Il a vu plusieurs de ses amis de l’opposition passer par la case prison au seul motif de leur engagement. Il sait à quel point ses meetings et rallies à Lomé et à l’intérieur du pays donnent des insomnies à ses accusateurs d’aujourd’hui. Faut-il y voir la source de cette danse du scalp autour de sa personne ? Arrivé en second lors des présidentielles de 2010, selon les résultats officiels, Fabre clame à longueur de journée sa détermination à remettre le couvert et à rafler la mise devant l’équipe en place au Togo lors de prochaines élections. Un scrutin législatif est justement prévu pour le 24 mars et certains absents ne seront certainement pas regrettés !
Franck Essénam EKON
( La rédaction letogolais.com )