photo utilisée à titre illustratif
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Du bradage de la carte nationale d’identité à l’éjection d’Adji Otèth Ayassor cachant des crimes économiques commis durant une décennie au ministère de l’Economie et des Finances en passant par l’évasion fiscale dont se rendent coupables les Indiens de Wacem et certains officiels de l’Etat, le Togo est décidément à l’ère des scandales qui sapent sérieusement les fondements de la citoyenneté et l’économie togolaises. Mais aussi curieux que cela puisse paraitre, les acteurs politiques et de la société civile, les élus du peuple ne se sentent pas trop concernés.
 
Enchaînement de scandales
 
On débute le tour par l’éjection d’Adji Otèth Ayassor. Il ne s’agit que d’un limogeage d’un individu pour des raisons que seul Faure Gnassingbé maitrise. Cela n’a rien de scandale a priori, mais cette éviction cachée sous l’argumentaire habile de « remaniement technique » cache un scandale que l’on ne voudrait visiblement pas relever au sommet de l’Etat:
 
Concessions fantaisistes et intéressées de marchés qui affectent la bonne exécution des travaux,
perceptions de rétro-commissions sur des marchés concédés,
orientation du Togo vers des prêts à fort taux d’intérêts de pays asiatiques au nom des dividendes obscurs,
perceptions de commissions tous azimuts, refus de payer les prestataires de services nationaux,
mise en place de réseaux d’enrichissement illicite mis en place au détriment de l’économie togolaise …
 
…ce sont des énormités attentatoires à la bonne santé de l’économie nationale qui se sont produites au ministère de l’Economie et des Finances que l’homme a trusté durant une bonne décennie.
 
L’autre dossier à signaler est sans doute celui de l’évasion fiscale dont se rendent coupables les Indiens de West african cement (WACEM) et autres sociétés exploitant le calcaire, le clinquer et les différents minerais de notre pays. Au lieu que les recettes réalisées soient déclarées et imposées comme il se doit, ce qui devrait dégager pour l’Etat des ressources à mettre au profit de la satisfaction des besoins des populations, ces néo-colons prennent soin de les dissimuler et les rapatrier à travers des sociétés écran au Panama réputé comme un paradis fiscal, avec la complicité certaine des banques et autres services de l’Etat. Ce sont des milliards d’impôts qui échappent ainsi au fisc togolais. Le plus cocasse, des officiels de l’Etat dont le Premier ministre Selom Komi Klassou, en violation des prescriptions légales, détiennent des actions dans cette société qui fait de l’évasion fiscale, se rendant ainsi complices, pour leurs intérêts, pendant que l’on traque les petits opérateurs économiques obligés de fermer boutique et aller s’installer sous d’autres cieux plus cléments.
 
L’affaire de délivrance de cartes d’identité sans nationalité organisée depuis le 20 juillet dernier par Ingrid Awade et la Délégation à l’organisation du secteur informel (DOSI) qui n’en ont pas la prérogative n’est pas moins scandaleuse. Il s’agit d’un bradage de la nationalité togolaise organisé par cette « intime de la République », avec la collaboration des services étatiques dont la Direction générale de la documentation nationale (DGDN). Alors que le certificat de nationalité est la preuve primordiale que l’on est togolais, elle exclut cette pièce du dossier à fournir, ouvrant ainsi l’obtention de la carte d’identité nationale aux étrangers.
 
ADDI, OBUTS…fustigent
 
L’Alliance des démocrates pour le développement intégral (ADDI) est la première formation politique à réagir au scandale de l’évasion fiscale. Le parti du Prof Aimé Gogué a même organisé une conférence de presse lundi pour fustiger ce crime économique et requis du Procureur de la République l’ouverture d’une procédure judiciaire à l’encontre de tous les acteurs impliqués, de même qu’une enquête parlementaire. La formation est allée plus loin jusqu’à exiger la démission du Premier ministre Selom Komi Klassou. Pour manifester toutes sa désapprobation, le parti organise demain samedi une marche de protestation dans la région des Savanes.
 
Dans la même dynamique, le président de l’Organisation pour bâtir dans l’union un Togo solidaire (OBUTS) a aussi réagi à ce scandale, dans les colonnes du confrère afreepress. Agbeyome Kodjo n’a pas eu le courage de requérir la démission de Klassou et compères, mais il a tout de même fustigé l’agissement. « Là, il y a un conflit d’intérêts. Je pense qu’il y a beaucoup de gens qui ont acquis et acheté des actions chez WACEM qui, peut-être, ne sont plus en fonction. Le problème ne se pose pas à ce niveau. Mais celui qui est encore en fonction et qui est impliqué directement ou indirectement dans la gestion de l’Etat, il n’est pas indiqué qu’il puisse acheter des actions », a-t-il avoué.
 
Concernant le PM, le patron de l’OBUTS relève qu’il devrait « céder rapidement ses actions » une fois nommé à la Primature. « C’est une situation pareille qu’on a observée à Londres lorsque le Premier ministre était accusé dans les révélations des Panama Papers. Il a répondu en disant qu’il avait cédé toutes ses actions lorsqu’il a été élu. C’est ce qu’il aurait dû faire et qu’il n’a pas fait peut-être par négligence ou inadvertance », a commenté Agbeyomé Kodjo, et d’émettre ses réserves sur l’Office togolaise des recettes (OTR) qui pratique sous cape la politique de deux poids deux mesures :
 
« Nous avons salué l’arrivée de l’OTR qui est là pour contrôler toutes les recettes de l’Etat et alimenter le Trésor public. Pour autant, si l’OTR a réalisé de grandes choses ailleurs, ici il peine à faire des miracles. C’est pour cela que nous avons dit que l’OTR était dans une démarche dogmatique au lieu d’être dans une démarche pratique. Il y a plein de gens qui quittent le Port autonome de Lomé à cause des redressements intempestifs. Il y a également des commerçants qui se plaignent ».
 
On signale aussi ici et là quelques réactions d’autres acteurs politiques dans des circuits informels.
 
Silence dans les autres QG, les « vuvuzélas » de la société civile muets…
 
Tout autant que les dossiers dont il est question, toute la classe politique – à l’exception sans doute de l’Union pour la République ( RPT-UNIR ) qui s’occupe pour l’instant à offrir des latrines publiques – devrait être scandalisée. Ils sont une bonne centaine de formations à se réclamer à cor et à cri de l’opposition. Devant ces scandales qui sapent le fondement de la nationalité ainsi que l’économie du pays, elles devraient être promptes à monter au créneau et dénoncer ces affaires.
 
Le dossier de l’évasion fiscale est un saignement ostentatoire de l’économie nationale, prive l’Etat des ressources importantes à investir dans la satisfaction des besoins des populations dont ces partis de l’opposition se peignent comme les légitimes représentants. Mais ils brillent plutôt par leur mutisme devant cette suite de scandales. Est-ce parce que ce n’est pas d’un sujet ayant un rapport direct avec le pouvoir qu’ils convoitent, comme la question des réformes, qu’ils se la bouclent ?
 
Dans cette indifférence générale, le commun des Togolais devrait être plus étonné du silence des responsables du Combat pour l’alternance politique en 2015 (CAP 2015), de l’Alliance nationale pour le changement (ANC) et notamment son président et chef de file de l’opposition, Jean-Pierre Fabre, qui plus est, une institution de la République devant jouer un rôle de régulation de la gestion du pays. Puisque depuis l’éclatement de la série de scandales, ils ne sont pas assez bavards. Mais des sources proches nous rétorquent que leur silence n’est pas synonyme d’indifférence, et qu’ils sont en train de peaufiner une réaction qui devra être suivie des actions. Qu’à cela ne tienne, ce que l’opinion constate, c’est qu’il n’y a pour l’instant aucune réaction officielle de cette entité qui incarne l’opposition togolaise, et cela fait désordre.
 
Quid de la société docile, que dis-je, de la société civile ? Ses « vuvuzélas » sont divinement inspirés lorsqu’il s’agit de distribuer les bons et mauvais points, clasher l’opposition, notamment l’ANC et Jean-Pierre Fabre, les accuser d’être responsables de l’absence de mise en œuvre des réformes. Ici, il ne s’agit certes pas de sujets politiques, mais ils ne sont pas moins importants et sont d’ailleurs du ressort de la société civile. Dans des pays normaux, ses leaders devraient être les premiers à monter au créneau, s’approprier ces scandales et agir. Mais les « dignitaires » de la société civile togolaise ne se sentent pas concernés. C’est l’affaire des politiques, doivent-ils se dire. Ils attendent sans doute la prochaine polémique sur le plan politique pour se transporter sur les médias et se produire. Leur rôle finalement ? Allez savoir.
 
Que dire des députés à l’Assemblée nationale ? Sous d’autres cieux plus normaux, les élus du peuple, toutes obédiences politiques confondues, seraient montés au créneau et auraient interpellé le gouvernement sur cette histoire de délivrance de cartes d’identité sans preuve de la nationalité togolaise par « Maman de la République », exiger une enquête administrative et judiciaire sur le scandale de l’évasion fiscale, voter une motion de censure contre le Premier ministre et démettre son gouvernement, réclamer un audit de la gestion décennale du « seigneur » déchu de Défalé. Mais rien de tout cela n’est entrepris par les députés de cette législature.
 
Et les citoyens togolais, demandez-vous ? Tous ces scandales dont ils sont les vraies victimes ne leur disent absolument rien. Ils se foutent que « Maize la marraine attitrée » brade leur nationalité, que les ressources nationales soient exploitées et profitent à une poignée de gens autour de Faure Gnassingbé, que des fonds aient pris des destinations indues au ministère de l’Economie et des Finances. Ce qui les préoccupe, c’est où trouver de quoi tromper la faim ; le reste, ils s’en moquent, c’est l’affaire des politiques. « Tout se passe comme si on a inoculé le virus de l’indifférence à tout le monde », glose un observateur. Ah oui, ici c’est Togo…
 
Source : Tino Kossi, Liberté
 

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