Ces dernières décennies, le secteur de la restauration rapide (Fast Foods) s’est vu élargi avec plusieurs marques étrangères dans de nombreux pays en développement. Dans les capitales africaines, on constate une ruée des consommateurs vers cette gastronomie et le domaine attise l’appétit des investisseurs. La capitale togolaise, à l’instar des autres, compte de plus en plus de restaurants fast foods proposant des menus à l’occidentale comme des hamburgers, des frites, des pizzas, chawarma, etc. Cette nouvelle attraction notamment pour une certaine frange de la population suscite des interrogations. Car la consommation régulière des menus comme le hamburger, les frites, la pizza, le chawarma et tout le reste n’est pas malheureusement sans conséquences sanitaires à court moyen et long termes.

La restauration rapide est en plein essor en Afrique. Le taux de croissance économique s’estimait à 2,7 % en 2021. L’émergence et le succès de cette cuisine rapide auprès d’une certaine classe sociale s’explique par plusieurs raisons dont l’envie de gagner en temps, une population jeune en voie d’occidentalisation, l’urbanisation rapide, l’évolution des habitudes alimentaires et des modes de vie. De nombreux fast foods proposent en menus principaux des frites, pizzas, chawarmas, et des burgers; la liste est bien longue. Une certaine clientèle y trouve pour son compte sans toutefois se soucier des conséquences sur la santé.

Face à ce mode de vie alimentaire, plus d’un professionnel de la gastronomie africaine, défenseurs des droits des consommateurs et nutritionnistes n’ont pas le cœur net. « Je suis inquiet ! Cette inquiétude se fonde sur l’apport nutritionnel de ces aliments pour le consommateur. Au-delà, les conséquences sur la santé sont une autre paire de manches », a indiqué Aziz Awesso, chef cuisinier et promoteur du Championnat culinaire sur la gastronomie togolaise (CHACUGATO).

« Nous constatons également cette prolifération des fast foods étrangères dans la capitale et quelque peu dans les villes de l’intérieur. La question inquiète surtout que cette gastronomie appelle à un changement d’habitude alimentaire qui n’est pas sans conséquences sur la santé», fait savoir Emmanuel Sogadji, Président de la Ligue des Consommateurs du Togo (LCT).

En référence à sa composition faite de plusieurs ingrédients importés (fromage, saujoc, origan, sauce tomate, légumes, champions, jambon…) toute cette gamme de fast foods (hamburgers, frites, pizzas, chawarma…) offre certes un apport énergétique, mais manque de vitamines, de calcium et de nutriments. Ce modèle alimentaire inadéquat sur le plan diététique, en faible apport nutritif et n’apportant principalement que de l’énergie est une malbouffe. A cela s’ajoute la présence de substances chimiques comme les conservateurs. Ces carences et l’absence de fibres alimentaires sont des portes ouvertes à certains cancers, notamment ceux du système digestif. Preuve donc du caractère artificiel de l’alimentation des fast foods. Les aliments trop raffinés ne sont pas forcément plus sains.

« A ma connaissance, il n’y a pour le moment aucune organisation pour réguler le secteur. Et comme toute activité commerciale, tout le monde s’y adonne et la seule chose qui intéresse, c’est la déclaration du chiffre d’affaire, payer les impôts et taxes, mais pas le contrôle sur la qualité de ce qui est vendu aux consommateurs. C’est le ministère en charge de la santé qui a cette responsabilité. On n’a pas les moyens de le faire. Votre sujet nous interpelle à orienter des plaidoyers en ce sens. Il y a trop de laisser-aller dans le secteur », a affirmé le Président de la LCT.

Hamburgers, frites, pizzas, attention à l’arrière-goût et aux risques sanitaires

Selon plusieurs études, les fast foods sont facteurs d’obésité. Il existe donc une corrélation entre les deux éléments. Le lien entre la restauration rapide (fast food) et plusieurs maladies semble évident. Puisque très riches en graisses, en sucres et sel, en calories, en acides gras saturés et en cholestérol, la consommation régulière entraîne logiquement le surpoids. L’obésité est source de plusieurs problèmes de santé. Aux Etats-Unis et dans d’autres pays, le chiffre des personnes en surpoids (obèses) a augmenté au cours des trente dernières années avec l’explosion du nombre des fast foods. On lie à cette malbouffe plusieurs maux comme le diabète de type 2, l’hypertension, les problèmes cardio-vasculaires, l’insuffisance rénale, l’ostéoporose et même le cancer sur le long terme.

En vue de conserver le goût, la fraîcheur et l’apparence des menus, les chaînes de restauration rapide font usage d’additifs. Ces additifs contenus dans les fast-foods sont nuisibles à la santé, à un certain dosage. Ils sont cancérigènes sous certaines formes. « Ces différentes pathologies sont interconnectées et peuvent cohabiter en même temps chez un individu. Les complications qui découlent de ces pathologies sont invalidantes. Ce n’est pas sans conséquences sur la qualité de vie avec son lot de traitements invasifs. Les coûts médicaux sont lourds à supporter, d’où l’appauvrissement progressif noté chez les patients. Enfin, l’ultime, c’est aussi les morts précoces », relève Alouki Koffi, expert en nutrition publique.

Le traitement de toutes ces maladies affecte bien plus que le citoyen, la société s’en trouve également fortement impactée. Alors que nos hôpitaux publics peinent encore à disposer de plateaux techniques adéquats et à prendre en charge certaines pathologies, la question de la malbouffe mérite réflexion. Si rien n’est fait pour régulariser le secteur pour une gastronomie plus saine, la santé publique dans les années à venir en prendra un coup. Une jeunesse malade ne sert certainement pas un pays.

« La progression des maladies chroniques d’origine nutritionnelles dont la malbouffe est potentiellement la cause induite d’une pression indéniable sur le système de santé. Le système de santé est fragilisé sous une forte demande d’hospitalisations et de soins spécialisés du fait des complications. La capacité de réponse du système de soins de nos pays sera à minima puisqu’ils reposent essentiellement sur les modèles de soins aigus. C’est aussi un double défi auquel doit faire face le système hospitalier togolais en raison de la persistance des formes de malnutrition par carences », indique Alouki Koffi.

Les régimes alimentaires trop gras sucrés et salés sont déconseillés quand on veut être en bonne santé. Faire plaisir aux papilles ? Oui, mais avec le souci de préserver sa santé.

Que ton aliment soit ton médicament

Si riche, diverse et variée, la cuisine ne demande qu’à être découverte et appréciée. Pour permettre aux consommateurs de manger sain, les professionnels du secteur ont leurs astuces. Pour Aziz Awesso, cet expert de l’art culinaire togolais, il est possible de tropicaliser, c’est-à-dire réaliser ces menus (hamburgers, frites, pizzas, chawarmas et autres) que proposent les fast foods étrangères avec les produits locaux. « Que ce soit le hamburger, le chawarma, nous pouvons le faire à base de produits locaux, à la togolaise. Il suffirait de demander à un boulanger de nous faire un pain à base de farine de manioc ou (suite à la page 5) d’igname et les ingrédients locaux pour faire la farce ne manquent pas. Nous avons les viandes produites localement (volaille, boeuf…). Pour le chawarma, il nous suffira d’un mélange de farine de haricot et de manioc, le résultat final sera très apprécié », relate le chef cuisinier.

Cependant, parvenir à cet idéal exige des moyens tant financiers que matériels. « Les fast foods 100% togolais, c’est possible », soutient-il. «Nous continuons de travailler et dès que possible, nous ferons découvrir aux Togolais les fast foods 100% togolais », rassure chef Aziz.

Comme Aziz Awesso, la cheffe cuisinière Adjamagbo Vivi Arougba Yvonne également croit en la richesse de la gastronomie togolaise. Motivée par sa valorisation, elle a quitté 29 ans d’exercice en France pour s’installer à Lomé. Son objectif, « contribuer à valoriser la cuisine africaine et partager (son) expérience et (sa) passion avec les jeunes qui veulent embrasser cette profession ». La cheffe cuisinière diplômée de l’école Pot au feu à Paris propose dans son restaurant « Vivi Royale » à Lomé, au quartier Nyékonakpoé, rue des Moussons, des mets exclusivement togolais. « Le Togo regorge d’une riche diversité culinaire qui ne demande qu’à se faire voir et goûter », renchérit Adjamagbo Vivi.

Pour elle, la promotion de la gastronomie togolaise, c’est également contribuer à l’essor du tourisme du pays. C’est « inciter des étrangers à venir chez nous pour découvrir nos plats et nos mets. Vous savez, mon rêve serait qu’un jour mon pays organise le plus grand salon du tourisme gastronomique. Selon moi, à défaut d’amener notre cuisine à l’étranger, essayons de faire aussi de notre pays une destination culinaire de premier choix. Si j’arrive à (Suite à la page 5) partager ce rêve avec mes compatriotes, je suis convaincue que notre tourisme national en général y gagnerait », espère-t-elle.

La cuisine africaine a cette capacité de combiner céréales, légumes et fruits. Les mets locaux sont à privilégier. La cuisine togolaise peut être proposée à tous les repas de la journée (petit déjeuner, déjeuner, goûter et diner). Elle est très riche et diversifiée.

Certains établissements proposent des mets typiquement togolais à toutes ces étapes. Un recyclage des cuisiniers des hôtels d’Etat a été fait pour leur permettre de présenter des cocktails togolais, sur la présentation des mets de l’entrée au dessert à base de produits locaux. Sur le marché, il existe également des goûter proposé par les transformateurs locaux, des amuse-bouche… Les recettes à proposés, ce n’est pas ce qui manque au Togo.

Revenir au consommer local permettra d’éviter le pire. « On considère à tort que l’adoption d’une alimentation à l’occidentale est une forme d’expression de succès social», fait observer l’expert en nutrition. « Parents enseignez et transmettez les connaissances culinaires du terroir à vos enfants. Apprenez-leur à cuisiner togolais et à manger des plats locaux. C’est aussi à ce prix que nous affirmerons nos valeurs et notre différence dans cette mondialisation », lance la restauratrice, Vivi royale.

Prendre soin de sa santé passe par une alimentation équilibrée. L’urgence est au retour à nos fondamentaux. Cette alimentation qui répond à nos besoins nutritionnels en réduisant considérablement le sucre, le sel et le gras. Consommer les fruits et légumes et pratiquer un exercice physique régulier.

La prise de bonnes habitudes alimentaires garantira une meilleure santé pour tous

Pour la Ligue des Consommateurs, du Togo, il faut « encourager le consommer local », en accompagnant les jeunes entrepreneurs transformateurs de produits locaux. La question de parvenir à des produits transformés de substitution est un début de solution. Il faut aussi une sensibilisation en profondeur et plus de subventions pour les associations de producteurs locaux. Egalement, l’accompagnement des transformateurs dans le processus de communication autour de leurs produits. Le tout n’est pas de transformer, mais créer des espaces de promotion de ces produits Made in Togo. Le problème d’emballage des produits locaux, les prix souvent hors de bourse du citoyen lambda et la qualité parfois bas de gamme restent les défis à relever pour que le « consommons local » ne soit plus qu’un slogan.

Source: Journal L’Alternative

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