Les avocats du pouvoir RPT diront à coup sûr que le pouvoir fait de son mieux face à la situation de sinistre avancée créée par les pluies persistantes qui s’abattent sur le pays. Ils n’hésiteront pas à dire que Faure Gnassingbé et son gouvernement n’ont pas du tout baissé les bras ni ne s’avouent impuissants devant le désastre. N’importe comment, rien n’empêche de soutenir à l’inverse que si le gouvernement fait quelque chose, ce n’est que du saupoudrage et de l’humanitaire qui sont loin de résoudre durablement le problème.
 
Une situation chaotique
 
A la date d’aujourd’hui, les quartiers et villes du Togo qui sont victimes de la clémence du ciel sont nombreux et leur nombre grandit chaque jour. A chacun son tour, certains sont plus atteints que d’autres.
 
Dans la ville de Lomé, les quartiers de Nukafu, Forever, Agbalepedogan, Aflao Gakli (Djidjole et Avedji), Aflao Sagbado sont sous les eaux. Au quotidien, les populations souffrent le martyre, obligées de lutter en permanence contre les eaux pour échapper à la faim et à la soif. Les habitations sont inondées, les rues envahies et interdites ; pis, certaines chambres ont reçu la visite des eaux qui ont drainé avec elles des insectes, des batraciens et des poissons.
 
A Adakpamé, Kagomé, Adamavo, Baguida ainsi qu’à Avepozo, une nouvelle vie s’est imposée aux populations : la vie aquatique. Pour ces populations, les eaux sont devenues une réalité permanente tant et si bien que de nouveaux comportements et attitudes ont vu le jour. « Dans les eaux qui ont envahi notre chambre, nous avons repéré un jour un silure. Dans la cour de la maison, ces poissons abondent, se disputant les eaux avec les grenouilles dont les coassements rythment nos nuits » se plaint Reine, une jeune femme habitant à quelques mètres derrière la paroisse catholique d’Adakpamé. Un autre comportement nouveau est la traversée du pont.
 
Un peu partout dans la banlieue Est de Lomé, les ponts de fortune ont poussé de terre, fruits de l’ingéniosité des populations prises en otage par les eaux. Naguère allant et venant sans obstacle, elles sont obligées depuis des mois à traverser des ponts de longueur variable, entre 30 et 100 mètres, avant de sortir de chez elles. « Chez nous à Adamavo, les frais de traversée de ponts nous écrasent. Même pour aller acheter des bonbons pour 10 F CFA, il faut payer 50 F ou 100 F à l’aller comme au retour. » raconte une habitante qui reconnaît cependant l’utilité desdits ponts : « on n’a pas le choix car sans ces ponts, on ne sait ce que notre quotidien serait devenu ».
 
Au demeurant, on n’a plus besoin d’une grande littérature pour dire que les inondations sont une réalité au Togo, surtout à Lomé, même si des bourgades de l’intérieur ne sont point à l’abri. C’est ainsi que dans la préfecture des Lacs, Agbata, Agbavi, Gbodjomé et Dagué ont rejoint la liste des cités sinistrées. Dans la préfecture de Yoto, Tabligbo par exemple a eu son lot de malheurs et de dégâts causés par les inondations.
 
Des conséquences sociales considérables
 
La conséquence visible de la situation de sinistre est l’état des rues et routes du pays. A Lomé la capitale, la persistance des pluies a aggravé les lacunes et failles du réseau routier. Les pluies abondantes ont creusé encore plus les crevasses et nids de poule. Pis, certaines rues et routes sont coupées en deux par le flot des eaux qui ont monté lentement mais sûrement. Le carrefour dit Todman, à la jonction des boulevards de la Kara et de la Victoire est envahi par les eaux qui contraignent les usagers à des détours et à des arrêts forcés. Ailleurs, les conséquences des pluies sur l’état des routes ont rendu la circulation sur les routes lente et pénible. Une distance auparavant couverte en deux minutes l’est à présent en plus de trente minutes.
 
En liaison avec ces dysfonctionnements, le sinistre engendre aussi des pertes d’argent aux populations. S’il est vrai que le temps c’est de l’argent, les commerçants et tous les citoyens qui sont réduits à vivre au ralenti perdent indubitablement du temps. En outre, dans les quartiers où les ponts sont incontournables, des dépenses extra et imprévues ont surgi qui rendent davantage importantes les dépenses quotidiennes des populations, qui, a contrario, baissent au même moment.
 
Bien plus, si la situation de sinistre engendre des conséquences, celles-ci concernent aussi les questions de santé et de survie. L’abondance des eaux est connue comme la porte ouverte à toutes sortes de maladies, notamment hydriques. Dans les différents lieux inondés, les citoyens sont ainsi exposés constamment aux risques élevés de choléra et de malnutrition. Dans le premier cas, si une épidémie de choléra ou de toute autre maladie se déclenchait, il n’est pas exclu que les conséquences soient grandes étant donné que, d’un côté, les centres de santé existent rarement, et de l’autre, les voies d’accès étant impraticables, l’évacuation et la prise en charge des victimes sont hypothétiques. On peut donc imaginer et estimer les conséquences éventuelles. Par-dessus tout, les inondations s’étendant aux zones rurales, la préfecture de Yoto est par exemple un grenier à céréales, il n’est pas exclu de craindre la survenue d’une famine et plus loin de faire resurgir la vie chère. Les agriculteurs n’ayant pas pu emblaver les champs pour en récolter des produits susceptibles de couvrir la demande, la crise sera naturellement logique. De même, la demande dépassant l’offre, les prix pourraient grimper irrésistiblement.
 
Impuissance et impertinence
 
Contrairement et paradoxalement à la fougue avec laquelle le pouvoir de Faure Gnassingbé s’illustre dans la répression des manifestations qui dérangent la tranquillité de son pouvoir, la question des inondations ne mobilise nullement les énergies et les méninges. Le ministre Titikpina, au comble de l’aveu d’impuissance, s’est simplement et gauchement hâté de renvoyer la balle dans le camp des citoyens qu’il a accusé d’avoir construit dans le bassin des rivières. Réaction indigne d’un ministre qui, sous d’autres cieux, aurait suffi à lui coûter son poste. Mais comme au Togo, on aime les citoyens qui sont prompts à montrer les muscles, on en fait la promotion, des réactions pareilles n’offusquent personne, même pas le keynésien débarqué deux ans plus tôt de la haute sphère du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD).
 
Que fait donc concrètement le gouvernement de Faure Gnassingbé et de Gilbert Houngbo en face du sinistre des inondations ? En grande partie, il se contente de gérer l’humanitaire : la distribution de vivres et non vivres, la réinstallation des sinistrés sont les seules réponses qu’il propose véritablement à la situation. Hors, on ne peut pas dire que les inondations sont une surprise. Autrement, à quoi sert le service de météorologie ? A quoi servent les prévisions vu que, toutes les doctrines politiques établissent que gouverner c’est prévoir ? En 2008, le même phénomène, dans une moindre mesure, s’était produit avec la rupture des ponts dont celui central d’Amakpapé.
 
L’année dernière, le phénomène s’est répété avec une concentration des désastres dans la banlieue Est de Lomé. On ne peut pas comprendre que, sur trois années successives, un gouvernement qui se veut crédible en soit réduit à appliquer des placebos à une même maladie. On ne peut pas comprendre que, après 2008, le gouvernement de Faure Gnassingbé et de Gilbert Houngbo n’aient pu esquisser un plan rationnel de « jugulation » des inondations dans les zones inondables reconnues.
 
On a le sentiment que deux raisons peuvent expliquer le comportement du gouvernement : l’indifférence et l’impuissance ou l’incapacité. On a des raisons de soutenir que si le gouvernement n’a pu proposer de plan efficace et pérenne de résolution du sinistre des inondations, c’est parce que le bien des populations ne l’intéresse nullement. Convaincu que, bon an mal an, il gagnera les élections et donc n’a pas besoin d’une quelconque adhésion populaire pour justifier son pouvoir, ce gouvernement se soucie nullement de ce que les populations endurent, souffrent et attendent.
 
En second lieu, on peut citer de jure l’incapacité en ce sens que, au-delà des proclamations propagandistes, au-delà des promenades périodiques du ministre du développement à la base, rien de sérieux et de concret n’est entrepris pour apporter des solutions pérennes aux problèmes des populations.
 
Si l’on distribue des arrosoirs et des houes aux groupements d’agriculteurs, est-ce dans les eaux qu’ils vont cultiver leur jardin et champ ? Il en découle que, sur ce plan et sur bien d’autres, le gouvernement de Faure Gnassingbé a étalé son incapacité à faire le bonheur des populations.
 
A Adamavo, Kagomé, Baguida, des citoyens sont devenus des « batraciens « depuis deux ans au moins, mais rien de réel n’a été fait pour les en tirer. Un gouvernement responsable peut-il se montrer autant indifférent et inefficace ? Une décision populaire et conservatoire que tous les gouvernements prennent dans pareilles situations est de déclarer les zones victimes « zones sinistrées », en le faisant, on s’impose de faire différentes opérations pour sortir les populations de l’inertie et de la mauvaise passe. Les diplômés des grandes écoles de magement qui gouvernent notre pays n’ont pas pu prendre cette décision non plus. Le pilotage à vue et la volonté morbide de se maintenir au pouvoir sans raison valable ont paralysé le gouvernement togolais. L’inertie s’est installée, ce sont les citoyens qui en paient le prix fort.
 
Nima Zara
source: Le Correcteur

 
 

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