On pense généralement, et pas seulement en Afrique, que le Togo est une horrible dictature rétrograde. Le pays que j’ai visité, ce mois de Septembre, a tout d’un enfer. La poussière, l’insalubrité, la souffrance, la grande pauvreté, les mensonges d’état, en sont le décor. “On a touché le fond de la piscine”, s’est plaint un jeune garçon de 16 ans lors d’un dîner auquel ses parents m’ont invité. “C’est plus que cela, fils”, rectifie le père : “le pays a touché le fond depuis, maintenant il pioche dans le béton”. L’image n’est pas outrancière.Le Togo, en effet, vit dans l’informel.Tout le monde jongle, se débrouille. De la présidence à la rue. Il n’y a pas une autorité qui donne l’exemple depuis le sommet. On a envie de se couvrir le visage pour ne pas voir le ravage.
Lorsque le RPT, avec l’appui des Forces Armées Togolaises (FAT) échafaude une démocratie bizarre qui ne laisse aucune place à l’opposition politique, réprime toute contestation, ferme toute voie pouvant permettre d’accéder au pouvoir par les urnes, ridiculise ceux qui s’obstinent à essayer de passer par ce chemin pacifique, le Togo ne peut avoir que cette physionomie lamentable. Malgré que le pays court, à grands pas, vers des lendemains incertains, le régime RPT-FAT se paie le luxe de l’intransigeance, très souvent, de désinvolture, en prenant des engagements qu’il ne respecte jamais. Ainsi se multiplient à loisir les dialogues politiques fantaisistes, attirant sur le pays la pire des malédictions : celle du chaos. S’il n’est pas mis fin aux dérives de ce système militaro-fasciste, et très vite, il ne restera aux Togolais, pour obtenir le changement, que la voie sanglante, très coûteuse et même suicidaire.
Quand va t-il finir, ce régime indésirable ? La question est présente sur toutes les lèvres, dans tous les cœurs. C’est une préoccupation majeure chez tous les Togolais, en dépit de la pauvreté qui les traîne plus bas que terre. La jeunesse – elle ne s’en cache pas – sait qu’avec Faure (un Gnassingbé) aux commandes de l’état, son avenir, s’il n’est pas pire, sera à tout le moins identique au présent. A Lomé comme dans le pays profond, il est facile de lire sur les visages la lassitude, celle de vivre sous le joug d’un pouvoir vomi qui ne procure la richesse et la sécurité qu’à ses affidés. Sous la bannière du RPT, l’état est déréglé, les inégalités se sont approfondies. Dramatiquement. Pour le plus grand profit des nouveaux riches et leur sarabande de maitresses qu’on voit parader en 4×4 dans Lomé, bravant les nids-de-poule, arborant sans gêne, une opulence indue. La source qui les enrichit, lorsqu’on remonte les fils, conduit droit dans les caisses de l’état ou au centre de réseaux illicites.
Pour humer l’air de la pauvreté que ce parti et ses soutiens ont répandu sur le Togo, il suffit de visiter les localités de “Vo”et des “Lacs”. Non loin de la capitale, au Sud-Est du pays. C’est dans cette région que le RPT a extrait et exploité, pendant près de 40 ans, les phosphates, alors poumon de l’économie nationale. Les habitants, en échange de la manne minière que leur sol a offerte au pays, n’ont reçu que la paupérisation. Leurs conditions de vie (l’agriculture) et de survie ( l’environnement ) en sont paradoxalement détruites. A Vogan, l’hôpital ressemble à une vieille chaumière décrépie, le lycée, à une bicoque de métayers perdue au fond d’une ferme agricole. Les rues de la ville, très souvent coupées en petits tronçons à peine praticables en saison de pluies, sont assimilables à des pistes rurales trouées. Le RPT a été incapable d’offrir, ne serait-ce que pour amadouer les autochtones, les moindres infrastructures de base à la région minière.
Aujourd’hui, au Togo, l’industrie phosphatière a fait faillite. D’abord appelée OTP, ensuite IFG et puis SNPT, elle a été saignée à blanc. Peu importait l’appellation. Selon une anecdote très répandue, les villageois se demandent, “comment peut-on vendre du sable et faire faillite ?” Où est passé l’argent des phosphates ? Il s’est évaporé. Dilapidé dans l’entretien du train de vie du régime dont les barons, anormalement riches, ne connaissent pas les chemins de la sobriété. Quant aux pauvres villageois spoliés, ils devront se contenter de fausses promesses sans cesse renouvelées, de faire face, en plus des dégâts écologiques immenses, aux effets pervers de l’expropriation de leurs terres. “Vo” et les Lacs représentent la catastrophe provoquée par le régime cinquantenaire. “Yoto”voisin n’est pas mieux loti. Son calcaire a subi la même filouterie organisée.
Pendant que les individus ayant mis à genoux l’état s’accrochent aux affaires, dans l’impunité totale et sans aucune considération pour le peuple, on entend le RPT hurler, pêle-mêle et abondamment, ces derniers temps, de “renaissance de l’industrie minière, de large dialogue pour la poursuite des réformes politiques, de processus de réconciliation, d’esprit d’ouverture… comme promis par le président Faure Gnassingbé”.Encore des fabrications pour ne rien dire. Sinon faire prendre aux Togolais des vessies pour des lanternes. Le RPT, rompu dans l’art de juxtaposer les slogans creux, prépare déjà la présidentielle de 2015 et, en même temps, cherche à couvrir les abominations qui ont fait atterrir, en 2005, Faure Gnassingbé au pouvoir comme du cheveu sur la soupe. Naturellement, partout au Togo, s’observe à son égard une attitude de réprobation distante.
Il se répand dans le pays de folles rumeurs d’une prochaine dissolution du parti maléfique. Youpi ! Ce serait une oeuvre de salubrité publique. L’idée, à elle seule, même si elle ne se réalisait pas, est déjà un aveu d’échec.Les Togolais avouent qu’ils seront profondément soulagés par l’effacement de ce sigle, symbole de la terreur, du gâchis et de l’infamie. Aussi descendront-ils, par millions, dans les rues pour célébrer sa mort. Un enseignant de Kpomé va plus loin : “Dissoudre le RPT ne suffira pas ; l’oeuvre serait incomplète si Faure et sa bande ne sont pas déguerpis des lieux et l’effectif des FAT réduit des ¾”. A quoi servent les Forces Armées Togolaises ? C’est une autre paire de manche.
FAURE, les FAT et le RPT apparaissent, lorsqu’on sonde la majorité silencieuse, comme la cause du mal togolais. Leur système, totalement pourri, ayant excédé tous les sommets de l’obscénité, est devenu un poids mort, inutile aux besoins de la nation et à ses intérêts vitaux. C’est dire combien la république est remplie de mauvaises odeurs dont l’explosion ne peut étonner personne. Car, les Togolais sont au beau milieu d’une tragédie humainement dégradante qu’aucun peuple digne de ce nom ne peut traiter par l’indulgence.
Kodjo Epou
Washington
USA