Tel un fleuve tranquille, la vie politique continue son cours comme si aucun puissant ministre d’Etat n’avait été débarqué du gouvernement sans avertissement. Les raisons de cette éviction resteront peut-être indéterminées, mais pas les faits d’armes de l’homme qui, hier, faisait la pluie et le beau temps. Quelques petits rappels ignorés du grand public pour rappeler à ses « admirateurs » comment, sous un air de ministre soucieux du travail bien fait, Adji Otèth Ayassor a participé au retard du Togo.
 
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Que vos actes soient les témoins de votre passage sur terre, pas vos richesses, a-t-on l’habitude de dire. « Adji Otèth Ayassor, le ministre d’Etat en charge de l’Economie et des Finances, aura passé près de 10 ans à ce poste. Son bilan est largement positif, n’en déplaise à ses détracteurs. Il s’est imposé comme le champion de la rigueur budgétaire, a renoué avec les institutions internationales (FMI, Banque mondiale), a obtenu l’annulation de près de 80% de la dette extérieure et a été à l’origine de la création de l’Office togolais des recettes (OTR). La fusion des douanes et des impôts a permis au Togo de générer en 2015 des recettes en forte augmentation. Sa longévité à ce poste dans une phase délicate de relance de l’économie a montré toute sa pertinence. La physionomie du Togo n’a plus rien à voir avec cette qu’elle était il y a 10 ans. La croissance frôle les 6%, les investissements étrangers se multiplient, le climat des affaires s’est amélioré et le secteur bancaire a été assaini. Il est aujourd’hui l’un des plus performants de la sous-région. Adji Otèth Ayassor peut quitter le Casef (siège de son ministère) la tête haute avec la satisfaction du travail accompli ». Un tel article de la part du site gouvernemental ne peut pas surprendre. Reste à savoir si la majorité des citoyens partagent cette manière de déformer les faits.
 
Si aujourd’hui le Centre autonome d’études et de renforcement des capacités pour le développement au Togo (CADERDT) reprend du poil de la bête avec Odilia Gnassingbé, il n’en a pas toujours été ainsi au temps où le Professeur Kako Nubukpo officiait. Très peu de Togolais ignoraient les raisons pour lesquelles ce centre était si peu médiatisé jusqu’à récemment. Jalousie par rapport au parcours de l’ancien directeur ou haine pour sa prise de position par rapport au franc CFA ? Toujours est-il qu’Adji Otèth Ayassor refusait de payer la contrepartie du Togo au CADERDT pour mettre le Professeur en difficulté.
 
En juin 2009, alors que Nubukpo était conseiller économique du Premier ministre Gilbert Fossoun Houngbo. En effet, en mission à Washington avec le Premier ministre et Ayassor pour rencontrer Dominique Strauss Kahn (DSK) alors Directeur général du FMI, le professeur a eu le malheur de ravir la vedette au ministre auprès de DSK avec lequel la question du chômage des jeunes a été discutée. Ayassor avait fait remarquer à la fin de l’entretien que lui, était venu chercher juste de l’argent auprès du FMI et que Nubukpo, conseiller du Premier ministre, lui créait des problèmes inutiles avec « les histoires de chômage des jeunes ». L’actuel ministre de la Planification du Développement, Kossi Assimaidou qui était aussi présent à l’audience en tant qu’Administrateur du Togo au FMI, a eu tous les maux du monde pour calmer l’argentier. La jeunesse se doit de savoir le rôle que l’homme de Défalé a joué dans son maintien dans le chômage au Togo.
 
Vision Togo 2030, ce rêve étouffé parce que piloté par le Professeur, n’avait pas bénéficié de bâtiment pour s’épanouir ; après la nomination de Nubuko au poste de ministre, Ayassor a refusé de faire affecter un bâtiment au projet de la Vision et c’est la Banque Mondiale qui a payé le loyer du bâtiment finalement loué, apprend-on des langues qui commencent à se délier. Le travail ayant conduit à la production d’un document de plus de 500 pages produit en guise de conclusion de Vision Togo 2030 a été partiellement financé par le Programme des Nations-Unies pour le Développement (PNUD) et la Banque Mondiale, Ayassor ayant refusé une fois encore de débloquer les fonds. Le reste n’a été que du bénévolat. Vous vous demandez qui des deux ministres poursuit des intérêts publics ou personnels à l’heure du bilan? On se pose aussi la question.
 
Comité national de politique économique (CNPE), vous connaissez ? Le CNPE a pour vocation d’assister la Commission de l’UEMOA dans la collecte, le traitement et l’analyse des informations relatives à la politique économique du Togo. A cet effet, il est chargé de la gestion d’une base de données statistiques, la rédaction d’un rapport sur l’évolution de la situation économique, et le suivi de la politique économique en recensant les décisions récentes et en évaluant leur impact économique. Mais de mémoire des citoyens, depuis la directive n°01/96/CM du 15 janvier 1996, et l’adoption en Conseil des Ministres du décret n°96-101/PR du 25 septembre 1996 portant création et organisation du CNPE, c’est en mars 2015 que ce comité s’est véritablement fait remarquer par un colloque national sur le thème « Quelles politiques pour l’émergence du Togo ? ». Et là encore, on a appris que le désormais ancien ministre des Finances avait passé son temps à bloquer et annuler les colloques du CNPE, au motif que son président, le Secrétaire général dudit ministère, avait eu le malheur d’y intégrer qui ? Professeur Kako Nubukpo ! Au cas où des doutes voudraient demeurer, on rappelle que c’est encore Ayassor qui s’était rallié à la cause de Kossi Ténou et de la BCEAO pour qu’on sorte le professeur du gouvernement, à la surprise générale. La réponse du Secrétaire général dudit ministère à une question sur le franc FCFA en juillet 2015 lors de la présentation de la Balance des payements du Togo en 2013 au siège du SAZOF est révélatrice : « Je ne vais pas m’aventurer sur ce terrain et risquer de ne plus retrouver mon emploi le lendemain ». Mais avant ce bouquet final, des informations du ministère du Plan renseignent qu’en 2011, au temps où Mme Dede Ahoefa Ekoué était ministre de ce département, Ayassor a refusé de signer le détachement du professeur de l’UEMOA auprès du Togo, demande à lui adressée par la ministre du moment.
 
Pour ceux qui peuvent encore se rappeler que LIBERTE avait prédit le renvoi du Représentant résidant du Fonds monétaire international (FMI) du Togo, Werner Keller avant son délai, nous avons appris qu’Ayassor interdisait aux missions du FMI en séjour au Togo de rencontrer le Professeur Nubukpo. Or, il se trouve que Werner Keller rencontrait le professeur. Conclusion, Ayassor ne pouvait digérer que le Représentant enfreigne ses règles. Ceci explique le renvoi de Werner Keller du Togo. Mais si au moins la situation économique du pays donnait raison à Ayassor, on pourrait comprendre.
 
Au fil des rapports des institutions internationales, le Togo voit sa situation économique reculer. Que ce soit la balance commerciale, la dette publique ou la position extérieure globale nette, les voyants sont au rouge. Le dernier rapport de la BCEAO sur les comptes extérieurs du pays atteste de l’aveuglément dont a fait montre l’ancien ministre de l’Economie et des Finances dans la gestion des finances du Togo. On n’en veut pour preuve encore que la 11ème place peu glorieuse occupée par le pays parmi les plus endettés d’Afrique subsaharienne. Plus concrètement, de 2004 à 2008, l’endettement du Togo était de 97,4% par rapport au PIB. Après l’admission à l’initiative des pays pauvres très endettés (IPPTE), la dette ne représentait plus que 49%, et le ministre en charge des finances se devait de la faire baisser au fil des années. Mais à quoi les contribuables assistent à ce jour ? Cette dette a cru pour atteindre 61,9% en décembre 2015 et les prévisions tablent sur plus de 63% en décembre 2017. Et encore, sans avoir intégré dans cette hausse outrancière les préfinancements dans lesquels l’homme s’est spécialisé, avec des résultats peu glorieux à l’heure des évaluations.
 
A ceux qui pensent que l’imposition de l’Office togolais des recettes (OTR) est une réussite, assurément que ce projet est une réussite lorsqu’on veut considérer la rénovation et la construction de nouveaux bâtiments budgétivores pour abriter ses agences! Mais du point de vue de la gestion des ressources humaines et surtout de l’augmentation de l’assiette fiscale, cet office n’a encore rien prouvé, les frontières nationales non conventionnelles étant des passoires et la zone franche industrielle étant devenue un « cache-sexe » où toutes sortes d’entreprises logent. L’année prochaine verra la fin du contrat de l’actuel Commissaire général rwando-canadien, Henri Kanyesiime Gaperi. Les résultats difficilement quantifiables par rapport à ses émoluments plaideront-ils pour le renouvellement de son contrat ?
 
Dans une rubrique plus croustillante, une information sur une affaire de convoyage de cartons de spaghettis remplis de liasses avait circulé sans qu’on ait pu crever l’abcès. Peu de gens en avaient eu vent. Il s’agirait du chauffeur qui devrait rallier le domicile dans le septentrion alors que son patron l’y attendrait. Mais entre-temps, il aurait fait escale chez sa femme et son frère qui, comme le chauffeur, croyait à des paquets de spaghettis, aurait réussi à en garder un. Ce serait arrivé à destination que le chauffeur aurait appris qu’en lieu et place de la pate alimentaire, c’étaient des « liasses alimentaires ». Passons.
 
Le ministre d’Etat, ministre de l’Economie, des Finances et de la Planification du Développement, Adji Otèth Ayassor est débarqué. Les Togolais le regretteront-ils ? Certainement ceux qu’il contente à coups d’espèces. Les finances s’en trouveront-elles améliorées ? Il reviendra au nouveau ministre de faire ses preuves. La dette du Togo amorcera-t-elle une autre tendance que celle, très sombre prévue par le FMI ? Les mois à venir le démontreront. Mais une chose dont LIBERTE reste convaincue, est que l’homme n’a vraiment pas arrangé les finances du Togo, loin s’en faut. Et s’il est un affront personnel dont un homme véritable devrait avoir du mal à se relever, c’est bien la manière dont le débarquement du gouvernement a été effectué : en pleine mousson, au moment où rien ne laissait présager pareille décision. Une HUMILIATION ! Un ministre nous a confié hier : « Dieu seul pourra lui pardonner tout le mal qu’il a fait au Togo » ! S’il existe vraiment des institutions dont la mission est de traquer la corruption, l’occasion leur est donnée pour qu’elles fassent en toute indépendance leur travail de fouille, le ministre étant redevenu « un citoyen ordinaire ».
 
Source : Abbé Faria, Liberté
 

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