Pour préserver le vivre-ensemble et l’unité sacrée, les Bassari comme beaucoup de vaillants peuples du Togo ont longtemps fait des sacrifices, subissant en silence et sous des soupirs profonds, les affres politiques perpétrées par les suppôts du régime.

Ce peuple courageux, ouvert et généreux serait-il en train de payer le lourd prix d’une longue cécité politique de ses fils et filles ? Ce peuple pour qui tout le monde est un ami « N’bo », est aujourd’hui incapable d’une once de fraternité entre ses fils et filles complètement divisés par la politique.       

Le grand Bassar, cette partie du pays complètement délaissée et arriérée sur tous les plans, ne brille plus que par des guéguerres politiques internes sur fond de trafics d’influence, d’abus de pouvoir et de mépris. Pendant que tous les visiteurs de bonne foi s’étonnent et s’apitoient de l’absence totale d’infrastructures socio-économiques dignes de ce nom dans cette contrée du Togo, situation qui pousse les jeunes à l’exode et exacerbe le niveau de chômage, la délinquance et le fléau de la drogue, force est de constater que ce contexte indigne et piteux ne semble guère préoccuper les cadres bassari qui ont choisi de briser le rêve des générations entières pour démontrer leur soutien et leur fidélité aveugles au régime RPT-UNIR. Et pourtant, à l’heure où le gouvernement pléthorique de Faure Gnassingbé compte trente-trois ministres, aucun natif de Bassar ne figure dans le « mangeons club ». Politiquement évincés dans la nouvelle configuration nationale du club, des baronnets RPT-UNIR de Bassar ont recours à une nouvelle trouvaille : « Journée de réflexion » dont le thème est « Cohésion sociale, facteur de développement social ».  Ces mêmes qui ont fragilisé et rendu quasiment impossible le vivre-ensemble entre les fils et filles Bassar reviennent aujourd’hui parler de cohésion sociale.  De quelle cohésion parle-ton ?

La décentralisation serait-elle impossible dans le grand Bassar ?

Censée responsabiliser les élus locaux dans l’orientation et la conduite du développement local, la décentralisation prend des allures d’un hold-up politique dans le Grand Bassar. Si ce n’est pas le gouvernement par le truchement de son puissantissime ministre de l’Administration territoriale et des Collectivités locales qui veut réinventer les normes de la gouvernance décentralisée, c’est les maires RPT-UNIR qui écartent leurs collègues de l’opposition ou encore c’est l’omerta imposée par certains baronnets avides de pouvoir qui prennent en otage les maires et tous les conseillers municipaux. Ce qui empêche le bon fonctionnement des mairies et inhibe par ricochet tout effort de développement local. Bientôt deux ans que ces conseillers municipaux ont été élus et installés, rien de concret n’est fait dans l’intérêt des populations.

Etant entendu la particularité de la Préfecture de Bassar, un « Etat dans un Etat », les vampires politiques locaux sont parvenus à confisquer les droits des élus. « Au moment où plusieurs localités bougent à travers des activités de développement, c’est toujours ces vieilles habitudes de la maison qui dominent la gouvernance dans les quatre communes de Bassar. Ça ne va pas du tout. C’est un cri des sans voix pour interpeller la conscience de tous les fils et filles du Grand-Bassar », lance un élu de la zone de Bangeli. Car jusqu’ici, c’est le silence total dans les mairies de Bassar 1 (centre-ville), Bassar 2 (Bangeli), Bassar 3 (Kabou) et Bassar 4 (Sanda). Tous les maires refusent de collaborer avec les autres membres de leurs bureaux. Les conseillers n’existent que de nom. Seule la commune de Bassar 1 a pu tenir une session en deux ans. Aucun compte-rendu n’est fait lorsque ces maires, pour la majorité des enseignants, reviennent des multiples formations et missions auxquelles ils participent. La rétention de l’information est si prononcée que même les informations du gouvernement ne sont pas partagées à la base.

A Bassar 2, le tout puissant maire a réussi son objectif de disperser ses dix conseillers et est resté seul aux commandes. Depuis pratiquement deux ans, aucune session de conseil municipal n’a pu se tenir dans cette commune de Bassar 2 en violation de l’article 135 de la loi 2019-006 relative à la décentralisation et aux libertés locales. Le plus scandaleux, c’est  des velléités d’enrichissement illicite de ce maire sur le dos des pauvres populations qui méconnaissent leurs droits. Depuis la mise sur pied des commissions spécialisées, aucune n’est opérationnalisée à ce jour mais quelques individus touchent des primes y afférentes. Le tout-puissant maire refuse toute cohabitation avec son adjoint. Ce dernier n’a pas accès au bureau de sa municipalité. La scission est totale : l’adjoint gouverne du côté de Bitchabé, dans son canton tandis que le Président de la commission des finances campe chez lui dans le canton de Dimori. La commune est partitionnée et les principaux élus gouvernent chacun dans son canton.

A des degrés différents, c’est une situation de dysfonctionnement total que l’on retrouve dans toutes les communes de Bassar. Les conseillers disent ne rien savoir des recettes et dépenses de leurs commune, la gestion est décrite comme étant totalement opaque. Aucun projet de développement en perspective. C’est plutôt une course à l’enrichissement illicite et personnel qui est déclarée dans toutes les communes 1, 2 et 3 de Bassar. La situation étant un peu différente dans la commune Bassar 4 composée des deux cantons de Sanda et où l’opposition n’a pas présenté de candidat lors des élections locales.

Dans cette zone, tous ces maires sont des suppôts du régime, ils ont chacun leur parrain politique à qui il rend compte et doit obéissance comme de véritables boys scouts.  Celui de Bassar 1 serait régenté par le Directeur Général d’une société d’Etat, un député non siégeant communément appelé DG.  Au niveau de Bassar 3, c’est une députée très proche du chef de l’Etat qui téléguiderait le maire. Le maire allogène de Bassar 2 aurait pour mentor un ancien fonctionnaire de l’Office Togolaise des Recettes (OTR). C’est d’ailleurs lui qui aurait imposé ce maire allogène à la tête de la commune Bassar 2 au grand dam des natifs. Comment peut-on envisager la décentralisation dans un tel contexte de maires télécommandés à grande distance ?

C’est pourtant dans cette ambiance pourrie que les communes du géant bassari végètent. Toutes les incompétences et les ingrédients de l’échec programmé sont au rendez-vous. Si ce n’est pas l’incapacité et l’illégitimité avérées des élus, c’est le spectre de la division et d’un égocentrisme excessif des suppôts du régime qui fragilisent le vivre-ensemble dans cette partie du Togo. Ainsi, le pays bassar-konkomba déjà très en retard dans tous les secteurs de développement serait-il devenu la région cobaye du régime pour l’expérimentation d’une stratégie despotique d’étouffement de la décentralisation ?

C’est dans ce climat délétère que le RPT-UNIR annonce une journée de réflexions de deux jours pour, soi-disant, baliser les chemins. Des bruits laissent entendre que beaucoup de jeunes cadres ne partagent pas l’initiative.

Il nous revient aussi que les organisateurs de la fameuse journée dite de l’unification n’ont pas daigné inviter les délégués municipaux de l’opposition. C’est à la veille initialement prévue de sa tenue qu’un membre du régime les aurait informés d’un report sine die de cette journée à laquelle ils étaient conviés. Et voilà que la journée de réflexion n’a pas eu lieu et en lieu et place, c’est en solitaire que Bonfoh Abiratou ira inaugurer une soi-disant « maison des femmes à Bangeli ».  A suivre

B. Douligna / Liberté N° 3326 du 12-02-21

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