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Après les commerçants du grand marché de Kara, c’est au tour de ceux de Lomé de faire face à un sinistre qui a complètement dévasté le bâtiment central. La scène était insoutenable. Et 24h après ce drame, le gouvernement s’acharne contre les responsables du Collectif « Sauvons le Togo ».
 
La série noire a débuté le 10 janvier dernier à Kara alors que Faure Gnassingbé était la veille avec ses ministres dans cette ville du nord du pays, pour dit-on, « tenir un conseil des ministres sur place ». Selon les témoignages recueillis, le sinistre aurait débuté aux environs de 1 heure du matin. Malgré les efforts des sapeurs pompiers pour essayer de circonscrire le feu, il ne restera rien aux pauvres commerçants. Nombreux sont les témoins qui ont rapporté que les soldats du feu étaient arrivés sur les lieux avec un matériel de travail « désuet », non adapté à la situation. Les dégâts matériels, selon plusieurs sources, se chiffreraient à des dizaines de milliards de francs CFA. La radio Ewaou Fm, du député Kpatcha Gnassingbé, à lui arrachée et rebaptisée « Kozah Fm » sera complètement brûlée dans cet incendie.
 
Faure Gnassingbé, accompagné de plusieurs ministres et conseillers, débarque au petit matin sur les lieux du sinistre pour « prendre la mesure des dégâts ». L’homme s’offre un bain de foule et promet la mise sur pied d’une cellule d’enquête pour rechercher les causes de l’incendie et une aide aux commerçants.
 
Soixante-douze heures (72) après cet événement tragique de Kara, c’est le plus grand marché du Togo, le marché d’Adawlato de Lomé, qui est à son tour atteint par les flammes. Le sinistre, comme celui de Kara, débute pratiquement à la même heure. « C’est aux environs de 1 heure du matin que nous avons remarqué du feu à l’étage du bâtiment principal du Grand marché. Les pompiers alertés arriveront aux environs de 2 heures du matin alors que les flammes commençaient déjà à gagner tout le bâtiment. Mais ils n’ont pas pu faire grand-chose parce que le matériel qu’ils ont apporté et les conditions ne le permettaient pas », confie un témoin rencontré sur les lieux du drame.
 
Il aura fallu plusieurs heures et l’arrivée d’une équipe de sapeurs pompiers ghanéens dépêchée d’Aflao pour enfin maîtriser le sinistre et y mettre fin. La désolation des commerçantes et propriétaires d’étalage était grande. « Qui a fait ça !!! Ce n’est pas possible, nous ne pouvons pas accepter cela. Où est le gouvernement ? Que font les sapeurs pompiers», crie une victime de ces incendies qui est rejointe quelques instants après par d’autres encore plus remontées. « Je n’ai personne dans la vie, je suis perdue. Sauvez-nous s’il vous plaît, sauvez-nous », supplie cette autre commerçante de tissu à qui il ne reste rien. « Quel est ce sort qui nous arrive en ce début d’année ? J’ai des centaines de millions dans mon armoire qui se trouve dans la boutique à l’étage. Tous mes pagnes de grande qualité et ceux des autres sont partis en feu. Ce métier est celui que je fais depuis et c’est grâce à cette activité que mes enfants ont pu réussir leur vie et depuis que mon mari s’en est allé, c’est ce commerce qui m’a permis de subvenir aux besoins de mes enfants, sinon ils seraient actuellement des brigands », laisse entendre cette autre revendeuse de bijoux.
 
Une réunion de crise sera plus tard organisée par Faure Gnassingbé avec la présence effective des officiers supérieurs des forces armées togolaises. On commence à évoquer la piste d’un acte « criminel » et on n’hésite pas à pointer du doigt les responsables politiques de l’opposition, surtout du Collectif « Sauvons le Togo » (CST). « Le Togo sortira grandi de ces épreuves et ne tombera pas dans le piège de ses ennemis. La démocratie triomphera », a asséné Faure Gnassingbé sur son compte Twitter, devenu très actif ces dernières 24 heures.
 
En effet, dans un communiqué rendu public ce samedi dans la soirée, le gouvernement vient rajouter une couche aux accusations en affirmant avoir fait appel aux forces armées et de défense chargées d’«épauler » la police et la gendarmerie. « Suite à la série d’incendies qui ont ravagé dans des circonstances similaires et en l’espace de quelques jours seulement, les marchés de Lomé et de Kara, le Président de la République a tenu ce jour, 12 janvier 2013, une réunion de crise avec les hauts responsables des forces de sécurité et de défense », introduit le communiqué qui poursuit en indiquant qu’au terme de cette rencontre, « les forces de sécurité et de défense ont arrêté un mode d’opération en vue de renforcer la protection des personnes, des biens et des édifices publics sur toute l’étendue du territoire national ». À cet effet, écrit le gouvernement, « les forces de sécurité poursuivront leur mission classique de protection des personnes et des biens. Toutefois et compte tenu de la situation, elles seront épaulées dans leur mission par les forces de défense qui mèneront désormais des patrouilles nocturnes pour mieux prévenir tout acte pouvant porter atteinte à la sécurité des personnes et des biens. L’appui des forces de défense interviendra dans le respect des textes et en présence des officiers de police et de gendarmerie. Afin de mener à bien cette mission dans l’intérêt de tous, il est instamment demandé à toutes les citoyennes et à tous les citoyens d’apporter leur pleine et entière coopération en dénonçant tout individu ou tout acte suspect et en apportant leur concours à la force publique en cas de nécessité », conclut ce communiqué qui d’ores et déjà croit à un acte « criminel » voire « terroriste ».
 
On en était là lorsque dans la matinée d’hier, l’information est parvenue à la rédaction du journal Liberté faisant état de l’arrestation de Gérard Adja, Premier Vice-président de l’Organisation pour bâtir dans l’union un Togo solidaire (OBUTS), formation politique dirigée par l’ancien Premier ministre du Togo, Agbéyomé Messan Kodjo. Principal chef d’accusation porté contre lui, une supposée « implication » dans les incendies des marchés du pays. Il est arrêté par des éléments du SRI et gardé au camp de la Gendarmerie Nationale. En fin d’après-midi, Mes Raphael Kpande-Adzare, Jil-Benoît Afangbédji, Claude Amégan et Célestin Agbogan sont allés à la gendarmerie afin de prendre des nouvelles de leur client. Une fois sur les lieux, le Capitaine Akakpo a décidé de garder Mes Kpande-Adzare et Afangbédji et prié les deux autres avocats de rentrer. En dépit de leur protestation, ils ont été gardés sans autre forme de procès. Même la venue de Mme le Bâtonnier de l’Ordre des avocats n’y a rien changé. Les deux avocats et le Vice-président d’OBUTS étaient toujours gardés au moment nous mettions sous presse. Un événement malheureux que le gouvernement veut utiliser pour décapiter le Collectif « Sauvons le Togo »… Affaire à suivre.
 
A.Olivier
 

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