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Des femmes à terme couchées au sol, faute de lits.
 
Drame humain au CHU-Sylvanus Olympio

 
. Une sage-femme : « Nous n’avons pas de baguette magique pour faire changer les choses »
 
Horreur, désolation, détresse, souffrance, épuisement… Les mots pour qualifier ce qu’est aujourd’hui le Centre hospitalier universitaire Sylvanus Olympio (Chu-So) nous échappent. Et il faut être une personne avec un cœur en fer pour ne pas être ému par la situation que vivent patients et personnel soignant. Aucun département de cet hôpital destiné à être une référence sur le plan national ne fait exception, lorsqu’il s’agit des conditions calamiteuses. Ce que certaines personnes ignorent, c’est que depuis plusieurs années, les conditions d’accueil et de prise en charge des malades ne s’améliorent guère. Elles se détériorent de jour en jour et les cris des professionnels de la Santé tombent dans des oreilles de sourds.
 
Hier, nous avons effectué une visite à la maternité du Centre hospitalier universitaire Sylvanus Olympio (Chu-So) dirigé par le Colonel Adom Wiyoou Kpaou. Les réalités sont malheureusement poignantes. Le personnel est insuffisant et les infrastructures dont les tables d’accouchement sont quasi inexistantes. Au même moment, l’affluence y bat tous les records, ce qui complique davantage les conditions d’accueil et de prise en charge des patients. Après neuf (09) longs mois de grossesse, les femmes qui se rendent dans ce centre de santé entament un nouveau chemin de croix mettant ainsi en danger leur vie et celle de leurs enfants. «Vous voyez vous–mêmes l’affluence. Nous n’avons même pas assez de bancs pour les (Ndlr, les femmes) faire asseoir. Nous sommes débordées parce qu’il n’y a pas assez de lits pour s’occuper de toutes ces femmes et nous sommes obligées de faire avec les moyens de bord », s’indigne une sage-femme.
 
Faute de lits, les sages-femmes se retrouvent dans l’obligation de faire étaler certaines femmes à même le sol. C’est avec émotion, mais surtout indignation que nous avons vu des traces de sang un peu partout dans la salle d’accouchement qui accueillait au-delà de ses capacités. Plusieurs femmes en travail attendent dans les salles et n’ont pour seules compagnies que les gémissements. « Les traces de sang que vous voyez par terre proviennent des femmes qui n’ont pas eu de lit avant d’accoucher. Qu’est-ce que nous pouvons y faire ? Ce n’est plus une exception de voir des femmes accoucher devant les autres, dans des conditions déplorables », décrit une autre sage-femme.
 
Exténuées par la douleur certaines femmes, à bout de souffle, interpellent les sages-femmes. « Maman, j’ai très mal. S’il vous plaît trouvez-moi une place. Voyez ça avec mon mari. Je suis fatiguée », implore-t-elle. Depuis des heures, elle se tord de douleur, assise sur un banc sans pouvoir être prise en charge. D’autres femmes n’arrivent même plus à prononcer un seul mot. Leurs seuls signes de vie étaient les gémissements qui résonnaient telles des sinistres mélodies. Leur douleur était palpable.
 
Les conséquences sont vraiment désastreuses puisque les pertes en vies humaines sont fréquentes. « Certaines femmes mettent au monde des enfants mort-nés. Puisque nous manquons de places, il arrive que des patientes perdent leurs enfants. Nous ne pouvons pas faire l’impossible », explique Alice, une assistance. Comme cette dernière, ses collègues se disent abandonnées par l’administration de l’hôpital, mais surtout par leur ministère de la Santé. « Nous sommes abandonnées par l’administration qui ne bouge pas le petit doigt pour améliorer la situation. Tout ce qu’elle fait, c’est de constater que les femmes viennent donner naissance ici. Les revendications sont foulées aux pieds. C’est traumatisant pour nous de voir nos semblables souffrir sans pouvoir leur venir en aide. Nous sommes des humains et cela nous fait vraiment mal. Nous avons prêté serment pour sauver des vies et non pour voir des gens mourir sous nos yeux, faute de matériels. Trop, c’est trop », s’emportent-elles. Certaines avouent ne plus passer des nuits paisibles sans revivre, à travers des cauchemars, les douloureuses détresses des femmes.
 
Mais après l’accouchement, le suivi des femmes et des nouveau-nés constitue une autre paire de manche. Au lieu d’être libérés certains nourrissons passent plusieurs jours dans les chambres d’hôpitaux. Le personnel qui devra veiller à l’établissement des autorisations de sortie est insuffisant. A titre indicatif, il n’y a qu’une seule dame au Chu-So pour s’occuper de ces fiches d’autorisation qui sont remises aux parents. Pour cette dame, la journée de travail est faite de plusieurs heures et il n’est pas chose rare de la voir plongée dans ses registres de 7 heures à 21 heures et même au-delà. A quelques années de la retraite, elle avoue être dépassée par ce qui se passe dans ce centre.
 
Malgré tout ce qu’elles peuvent endurer à cause des mauvaises conditions de travail, ces femmes ne sont pas comprises par les patientes et souffrent dans leurs âmes cette forme d’ingratitude. « Nous n’y sommes pour rien, mais les malades ne nous comprennent pas. Nous n’avons pas de baguette magique pour faire changer les choses », se désole une infirmière. Elle rappelle que la maternité ne dispose que d’un seul brancard qui est utilisé pour les urgences et les autres cas. « Quand une femme est sur le brancard et l’ambulance arrive avec un cas urgent, nous sommes obligés de trouver une place à la patiente, même si elle doit être couchée à même le sol », explique-t-elle.
 
Symbole du drame qui s’y joue, nous avons vu des enfants récupérés dans des chaises roulantes, faute de place. Les sages-femmes font des va-et-vient incessants. Dans les couloirs de cette maternité. « Où en est-on avec le mandat social ? », doit-on s’interroger.
 
Géraud Afangnowou
 
source : Liberté Togo
 

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