Petchezi_500

 

L’enquête sur les incendies des marchés de Kara et Lomé devrait connaître une toute autre tournure suite aux récentes révélations d’un des acteurs principaux de ce feuilleton, Mohamed Loum. Et les agitations des services de la présidence pour blanchir Faure Gnassingbé d’une part, et faire croire à « un début de sénilité » à l’acteur principal, n’ont fait qu’enfoncer un peu plus le Palais dans ce dossier aux allures d’un polar. Comme quoi, il est souvent hasardeux et périlleux de toujours chercher à « sécher son linge du côté où le soleil se lève ».
 
Le jeudi dernier, le Directeur de la Publication de notre journal a été contacté au téléphone par une personne depuis la présidence. Il était ressorti des échanges que les services de la présidence, suite aux chaudes révélations de Mohamed Loum alias Toussaint Tométy, souhaitaient publier dans les colonnes du journal une réaction. Chose que la direction a trouvée normale puisque dans la déontologie de ce corps de métier, il revient à l’organe qui a diffusé en premier un article, d’en publier aussi le droit de réponse prioritairement.
 
Mais c’est avec étonnement que nous avons découvert le droit de réponse sur le site d’information « republicoftogo.com », bien avant que le courrier ne lui parvienne à son siège. Pourtant, le service de communication de la présidence est chapeauté par un ancien journaliste qui, au vu du poste dont il a la charge, devrait être un modèle en matière de respect des règles de déontologie tant criées sur les toits par l’institution en charge des médias. Et c’est avec désolation que les Togolais ont suivi Cléo Essodeina Pétchézi fanfaronnant sur des médias et appelant la HAAC à une revue des textes. De mémoire de Togolais, c’est l’une des rares fois qu’un homme de média appelle au durcissement des textes régissant la profession. Mais il est utile de rappeler si besoin est l’exemple de la Côte d’Ivoire qui, au temps de Laurent Gbagbo, avait des textes très durs à l’endroit des médias proches de l’opposition. Et lorsque le pouvoir a changé de mains, les journaux pro-Gbagbo ne cessent de crier à la chasse aux sorcières après avoir bénéficié de l’impunité.
 
Il n’est pas exagéré de dire que Cléo Essodeina Pétchézi a divisé la presse togolaise qu’il ne l’a servie. Au début de l’ère Faure Gnassingbé, il était institué via le CONAPP une forme de rotation au sein de la corporation pour désigner les journalistes devant accompagner le locataire du Palais de la Marina lors de ses voyages officiels. C’est ainsi qu’à tour de rôle, des organes accompagnaient Faure Gnassingbé dans ses déplacements à l’extérieur, pas pour le louanger, mais pour rapporter fidèlement ses périples et porter des critiques si nécessaires. Mais par un tour de passe-passe dont lui seul détient le secret, Cléo Essodeina Pétchézi a créé un système de « bitosards » dans lequel ce sont seules certaines têtes de turc qui vont, en permanence, partent en voyage avec la délégation présidentielle. Un état de chose qui mécontente les responsables du CONAPP et des autres patrons de presse. Passons.
 
Les murs ayant des oreilles, il nous revient que c’est suite à une réunion initiée entre le groupe des « bitosards » qu’il a été conseillé au sieur Cléo Essodeina Pétchézi d’effectuer cette malencontreuse sortie qui a été somme toute contre-productive pour la présidence de la République. Les menaces à peine voilées contenues dans le communiqué sont-elles de nature à rechercher la vérité dans cette ténébreuse affaire d’incendie ?
 
« En relayant ainsi dans vos colonnes, sans aucune réserve, les divagations du dénommé Mohamed Loum, dont les allégations fluctuent au gré du jour, vous portez gravement atteinte au respect dû aux institutions de la République », dit le communiqué. On se rappelle pourtant que c’est le ministre de la Sécurité et de la Protection civile, le Colonel Yark Daméhame lui-même qui a pris les devants dès le 25 janvier 2013 pour présenter Mohamed Loum à la face du monde. En ce temps, « les allégations de Mohamed Loum fluctuaient-elles au gré de la nuit ? ». Nulle part il n’a été question de « divagations », et sur la base des déclarations de ce même Loum, on a privé de liberté des responsables et pères de famille depuis des mois. N’est-on pas en train de porter atteinte au respect dû à la liberté de ces personnes privées de liberté et torturées ? Si Mohamed Loum divague, alors ses divagations auront commencé depuis que les capitaines Akakpo, Agbenda, Yanani et autres l’ont arrêté et lui ont extorqué des aveux contre des propositions de lendemains radieux. Dans ce cas, les Togolais tirent le chapeau au Directeur de la communication de la Présidence pour avoir lâché le morceau : « les divagations du dénommé Mohammed Loum, dont les allégations fluctuent au gré du jour ».
 
En effet, le mot « divagation » désigne l’état d’esprit qui divague ; une rêverie ; les propos décousus, incohérents ou déraisonnables ; le délire (Dictionnaire Larousse). Quant au verbe « fluctuer », il signifie : « être fluctuant ; changer ; varier ». De tout ce qui précède, il est donc clair que les premières déclarations de Mohamed Loum qui ont permis d’arrêter ou d’inculper plusieurs militants de l’opposition n’ont plus aucune valeur juridique. Et si le Procureur de la République faisait son travail en toute indépendance, il devrait libérer ces innocents qui croupissent derrière les barreaux depuis plusieurs mois, et siffler la fin de la tragicomédie.
 
De plus, beaucoup de personnes ont pouffé de rire quand le Directeur de la communication de la Présidence, imbu de sa personne, s’est posé cette question sur une radio de la place : « Comment pouvez-vous imaginer un seul instant que le président de la République, le chef de l’Etat et même ses collaborateurs puissent envisager de prendre un combiné téléphonique pour appeler un individu qui est aux mains de la justice ?». Pourtant, tous les Togolais savent le rôle qu’a joué personnellement le chef de l’Etat dans l’affaire dite d’«escroquerie internationale » et le tripatouillage du rapport de la Commission nationale des droits de l’Homme (CNDH) sur la torture. Comme l’a justement rappelé un activiste du web sur le site « icilome.com » : « Faure Gnassingbé et son super shadow cabinet ont fait de la Présidence de la République, une institution de trottoir. Si le chef de l’Etat a été impliqué dans la falsification du rapport de la CNDH sur les actes de torture à la tristement célèbre ANR, (« Faure Gnassingbé m’a demandé d’adopter le rapport tel que modifié par le conseiller Debbasch », avait révélé Koffi Kounté après son exil en France), je me demande pourquoi les gens s’étonnent qu’il soit mêlé dans cette affaire pourrie d’incendie de Gnasstag pour ne pas dire Reichstag ».
 
Les Togolais sont aussi heureux d’entendre Cléo Essodeina Pétchézi dire que « Les responsables politiques aussi ont des devoirs d’éducation vis-à-vis des enfants, de nos enfants, parce qu’ils doivent leur enseigner à travers leurs comportements, que les plus hautes autorités de l’Etat ont un statut particulier et que nous leur devons du respect par rapport aux fonctions qu’elles occupent ». Mais le respect des plus hautes autorités ne se quémande pas. Il se mérite. Et le communiqué de Pétchézi manque de ce respect qu’il exige des autres.
 
Abbé Faria
 
Liberté Togo
 

LAISSER UNE RÉPONSE

Please enter your comment!
Please enter your name here