L’opérationnalisation des réformes politiques et le processus de décentralisation, les deux (2) sujets d’actualité au Togo, ont été au centre d’un débat public ce jeudi à l’hôtel Eda Oba à Lomé, débat auquel ont pris part les représentants du pouvoir, l’Union pour la République (UNIR), de l’opposition, notamment l’Alliance nationale pour le changement (ANC), le Comité d’action pour le renouveau (CAR), l’Alliance des démocrates pour le développement intégral (ADDI), l’Organisation pour bâtir dans l’union un Togo solidaire (OBUTS) et de la société civile togolaise, a constaté l’Agence de presse Afreepress.
 
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« Les réformes politiques en lien avec la réconciliation » et « la décentralisation en lien avec la réconciliation », tels sont les deux sujets au menu de ce débat co-organisé par la Plateforme citoyenne justice et vérité (PCJV) et l’Initiative Baromètre.
 
Florent Maganawé sérieusement contredit pour avoir dit que l’APG est « caduc »
Florent Badjam Maganawé représentant le parti au pouvoir a été le premier à prendre la parole pour dire que l’Accord politique global (APG), l’accord de volonté signé entre les acteurs politiques en août 2006 et qui prescrit les réformes institutionnelles, constitutionnelles et électorales, est « caduc ».
 
« L’APG est dépassé parce que la Commission électorale nationale indépendante, le découpage électorale, les droits de l’homme, beaucoup de choses ont été faites et c’est dans l’APG », a-t-il souligné.
 
« Non », a rétorqué Me Isabelle Manavi Améganvi, 2ème vice-présidente de l’ANC.  « Je suis d’ailleurs heureuse que le débat qui avait remué la société togolaise trouve sa réponse dans ce que le représentant d’UNIR a dit qu’ils ne veulent pas les réformes. On avait accusé l’ANC d’être le parti qui a tout fait pour saboter les réformes. Je note aujourd’hui que le rejet du projet de loi et la mise en stand-by de la proposition de loi faite par les députés de l’opposition sont du pouvoir », a-t-elle indiqué.
 
« La communauté internationale et nationale a compris que le Togo avait un certain nombre de problèmes récurrents dont les plus importants sont les réformes constitutionnelles et institutionnelles, notamment la limitation de mandat, la possibilité d’alternance, le problème de l’armée et d’organisation des élections. Ce sont les réformes qui intéressent le pouvoir qu’il fait en laissant de côté la quintessence  de ce qui a été proposé dans l’APG », a lancé de son côté Jean Yaovi Dégli, président de « Bâtir le Togo », une organisation de la société civile togolaise.
 
Ironique, Me Dodji Apévon a fait savoir qu’il n’est pas étonné d’entendre le représentant du pouvoir dire que l’APG est caduc. Mais pour la gouverne de M. Maganawé, il a tenu à énumérer les réformes « essentielles » qui n’ont pas été faites, notamment la limitation de mandat, le mode de scrutin, la transparence des élections et le problème de découpage électoral.
 
« Nous sommes devenus une curiosité alors que tous les pays qui nous entourent avancent », a-t-il conclu.
 
Dr Kperkouma Walla d’ADDI dit être étonné qu’on parle de la caducité des réformes. Pour lui, les réformes prescrites par l’APG ont été reprises par la Commission vérité justice et réconciliation dans son rapport de fin de mission, 6 ans après l’APG. « La question est de savoir si ces réformes ont été faites, la CVJR reviendrait là-dessus. L’essentiel des réformes qui doivent être opérées afin de créer une atmosphère apaisée, n’est pas encore fait », a-t-il déclaré.
 
Agbéyomé Kodjo, président d’OBUTS, s’est associé aux autres voix pour condamner le point de vue du représentant du pouvoir et  a rappelé que la crise politique est née du fait que l’opposition togolaise a boycotté les élections d’octobre 2002, ce qui, selon lui, a permis au Rassemblement du peuple togolais (RPT) de disposer des 4/5 à l’Assemblée nationale pour modifier la Constitution en ses points concernant l’âge d’éligibilité, la limitation de mandat et le scrutin uninominal majoritaire à deux tours.
 
« Je rappelle cela parce que c’est la source de la crise. Je le rappelle aussi en relation à l’APG », a-t-il ajouté.
 
Le président du Collectif des associations contre l’impunité au Togo (CACIT), Spéro Mawulé n’a pas caché son inquiétude. « Qu’on prononce la caducité  d’un accord qui a été signé et que les parties n’y ont pas renoncé ou n’ont pas fini de l’exécuter, cela pose un problème. Tout le monde est d’accord aujourd’hui qu’il faut les réformes et la question n’est plus s’il faut faire ces réformes. La question à laquelle on doit répondre est plutôt pourquoi on ne fait pas ces réformes. Les faits montrent que rien n’est fait et l’Etat ne montre pas qu’il veut les faire », a-t-il mentionné.
 
Même le Directeur de la décentralisation, Amlalo Messan Sédoh n’a pas été d’accord. « Je pense que l’APG ne peut pas être enterré. Il faut avancer davantage pour que les réformes soient faites et que le peuple soit ragaillardi », a-t-il recommandé.
 
Que faut-il faire pour avoir ces réformes ?
 
Me Isabelle Améganvi désavouée par Agbéyomé Kodjo et Jean Dégli
S’agissant de la lutte pour les réformes, la vice-présidente de l’ANC a estimé que toutes les stratégies ont été expérimentées dans ce pays, notamment le dépôt d’un projet de loi, d’une proposition de loi, les manifestations dans les rues, les débats et les émissions.
 
Sur la question, l’ancien Premier ministre, Agbéyomé Kodjo semble ramer à contre-courant de la précédente intervenante. « La politique est une question de rapport de forces et les forces qui veulent voir ces réformes réalisées, doivent se réunir et se mobiliser », a-t-il proposé.
 
Pour s’en convaincre, il a soulevé la manière dont l’opposition s’organisait dans le temps pour faire bouger les lignes. « Ils s’entendent, ils ont la même voix et ils réclament de la même manière et avec la pression de la rue, les choses marchent. C’est cette force qu’il nous faut trouver », a-t-il ajouté tout en insistant sur le fait qu’il appartient à l’ANC d’élargir son cercle.
 
Il a par la suite reconnu que cette initiative des réformes pourrait aussi venir du parti au pouvoir, ce qui, selon lui, ramènerait la paix dans le pays et moins de frustration. « Un pays qui ne connaît pas d’alternance et qui n’a pas cette perspective, est un pays qui ne peut pas mobiliser toutes ses ressources pour avancer », a-t-il conclu.
 
Sur la question, M. Kodjo a été rejoint par Me Yaovi Dégli qui semble interpeler le chef de file de l’opposition. «  Je reste convaincu que si la marche que l’ANC fait les samedis et qui est réduite à quelques milliers de personnes devient une stratégie où on intègre tous les autres partis politiques de l’opposition et qu’on se concerte avec la société civile pour l’associer à cette marche, la donne sera différente », a-t-il souligné.
 
Pour Me Apévon, l’opposition souffre parce qu’elle fait « trop de calculs » depuis 1990.
 
La seconde thématique qui a été débattue est le processus de décentralisation en cours.
 
Les cœurs ne sont pas gais sur la question
 
Le Directeur de la décentralisation a d’entrée de jeu planté le décor.  Selon lui, la dernière chose qui a été faite dans ce processus est l’élaboration d’une feuille de route de la décentralisation et des élections locales. Un comité technique a été mis en place, a fait son travail et déposé un rapport en septembre 2015. A partir de cela, les textes ont été proposés. Le premier concerne la création de quatre (4) préfectures et des communes. Le second texte, selon lui, n’a pas encore fait l’objet de discussion à l’Assemblée nationale. Il s’agit du texte créant des communes sur l’ensemble du territoire en tenant compte de la communalisation intégrale.
 
M. Amlalo a indiqué que les étapes qui doivent être parcourues sont bien dressées, notamment la création des collectivités territoriales, le recensement, le volet communication et après s’en suivront les élections locales qui ne sont pas encore prévues dans le temps mais qui, selon le Directeur de la décentralisation, peuvent intervenir en 2017.
 
Pour Me Améganvi, « tout va mal » sur la question du processus de décentralisation. « En principe, tout doit se faire dans le cadre d’une large concertation mais ce n’est pas le cas », a-t-elle lancé.
 
Selon elle, tout est fait à des fins électoralistes. Elle n’en a voulu pour preuve que la nouvelle préfecture de Mô qui  compte 32.000 habitants alors que la nouvelle préfecture d’Agoè-Nyivé en compte plus de 400.000. On associe Adétikopé à Agoè alors que les réalités de ces deux localités ne sont pas les mêmes, a-t-elle poursuivi. Pour ce qui concerne Lomé,  la responsable de l’ANC soupçonne le gouvernement de vouloir créer 6 communes dans la nouvelle préfecture d’Agoè-Nyivé avec ses 400.000 habitants et le même nombre de communes  à Lomé dont la population dépasse un million.
 
Pour ADDI, tout ce qui se passe comme processus de décentralisation est tout sauf la décentralisation. « Nous sommes engagés dans un processus politique où le gouvernement use de la roublardise mais cela a une fin », a prévenu Dr Kperkouma Walla qui conclut en disant que tel que cela a commencé, ce processus va tout droit dans le mur.
 
Agbéyomé Kodjo a regretté d’avoir cru le gouvernement lorsque le comité technique avait été mis en place. « Lorsque le gouvernement avait engagé ce processus, il nous avait associé. Si l’esprit que nous constatons aujourd’hui, nous l’avons décelé au début, nous n’allons pas accepter de déléguer des membres de notre parti pour faire partie des missions qui ont été dépêchées à la l’étranger pour voir comment la décentralisation a été implémentée dans ces pays. On nous avait dit qu’au retour de ces missions, on ferait une réunion ensemble pour profiter des expériences des autres afin de construire quelque chose d’efficace au Togo », a-t-il expliqué.
 
Ce débat public, selon les organisateurs, n’est que la première partie d’une série.
 
Telli K.
 
source : afreepress
 

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